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nable, ou transportées plus ou moins loin, & dans différens climats, &c.

C’est sur les mêmes vûes qu’est fondé l’assaisonnement avec l’esprit-de-vin, fort peu usité dans nos boutiques, & presque uniquement pour la teinture de Mars (Voyez Fer) ; & celui auquel on employe le sel marin, qui n’est point du tout en usage parmi nous, & dont on pourroit se servir, comme les Allemands, au lieu de la dessiccation pour conserver certaines fleurs, comme les roses. Voyez Rose.

La plûpart des matieres végétales & animales seches, comme feuilles, racines, viperes, & cloportes séchées, &c. les poudres, sont sur-tout exposées à cette altération, par la multiplicité des surfaces qu’elles présentent à l’air. On doit donc tenir toutes ces substances dans des lieux secs & dans des vaisseaux bien bouchés, ou des boîtes exactement fermées. L’importance de cette méthode est très-sensible, par la comparaison des plantes seches que les herboristes gardent en plein air dans leurs boutiques, & de celles qui ont été soigneusement serrées dans des boîtes ; les premieres, quelque exactement qu’elles ayent été desséchées, deviennent noires, molles, à demi-moisies ; les dernieres au contraire sont aussi vertes & aussi saines qu’au moment qu’on les a renfermées. On doit aussi principalement tenir dans un lieu sec certaines tablettes sujettes à se ramollir par l’humidité de l’air, comme celles de diacarthami, de citron, &c. & les poudres dans lesquelles il entre du sucre. Les sels déliquescens qu’on veut garder sous la forme seche, tels que la pierre à cautere, la terre foliée, &c. doivent être sur-tout scrupuleusement préservées de toute communication avec l’air, toûjours assez humide pour les faire tomber en liqueur.

La trop grande chaleur est sur-tout nuisible aux matieres molles ou liquides, dans lesquelles elle pourroit exciter un mouvement de fermentation, ou une espece de digestion toûjours nuisible : tels sont les syrops, les miels, les vins médicamenteux, les sucs, les eaux distillées, les huiles essentielles ; on doit tenir toutes ces matieres dans un lieu frais. Les Apothicaires les placent ordinairement dans leurs caves.

On doit aussi tenir dans un lieu frais, ou du moins à l’abri de l’action d’un air sec & chaud, les sels qui sont sujets à perdre par une legere chaleur l’eau de leur crystallisation, comme le vitriol de Mars, le sel de Glauber, le sel d’ebsom, lorsqu’on veut garder ces sels sous leur forme crystalline.

Outre la chaleur, l’humidité, & la communication avec l’air libre, qui sont les causes les plus générales de la corruption du médicament, il en est une plus particuliere, dont il est assez difficile de préserver certaines drogues ; savoir la vermoulure ou les vers : ce sont les fruits doux, comme les dattes, les figues, les jujubes, &c. qui y sont particulierement sujets. On prévient cet inconvénient, autant qu’il est possible, en tenant ces fruits auparavant bien séchés dans un lieu sec : mais le moyen le plus sûr c’est de les renouveller tous les ans, & heureusement ils se gardent assez bien d’une récolte à l’autre.

Il est aussi quelques racines, principalement celles de chardon rolland, de satyrium, qui sont singulierement sujettes aux vers, & qu’on garde pour cette raison sous la forme de confitures, qui les en met exactement à l’abri. La méthode de passer au four, ou d’exposer à un degré de chaleur capable de détruire les insectes & leurs œufs, les drogues particulierement sujettes aux vers, ne peut être que bien rarement employée en Pharmacie, parce que la plûpart de ces drogues seroient déparées par cette opération, & peut-être même réellement altérées :

certaines racines dures & ligneuses, telles que la squine, pourroient pourtant y être soûmises sans danger, & on en tireroit même dans ce cas un avantage réel, qu’on a tort de négliger.

La plûpart des moyens de conservation que les Naturalistes ont imaginés, comme les vernis ou les enduits résineux, graisseux, &c. les différens mastics destinés à boucher exactement les vaisseaux, &c. sont trop parfaits pour pouvoir être de quelqu’usage dans un art. (b)

* CONSERVATOIRE, s. m. (Hist. mod.) maison où l’on reçoit des femmes & des filles que la misere pourroit entraîner dans la débauche. Il y en a en Italie plusieurs On donne le même nom à un hôpital d’une autre espece fondé à Rome pour de pauvres orphelines ; enfin on appelle ainsi en Italie les écoles de musique, dont les plus célebres sont à Naples, & d’où sont sortis de grands hommes en ce genre.

* CONSERVATRICE, (Mythologie.) épithete qu’on donne communément à Junon. Junon conservatrice a pour symbole la biche aux cornes d’or, qu’elle sauva de la poursuite de Diane dans les plaines de Thessalie, où la déesse de la chasse n’en put atteindre que quatre de cinq qu’elles étoient.

CONSERVE. (Marine.) On donne ce nom à un navire de guerre qui accompagne & escorte des vaisseaux marchands. Conserve, aller de conserve, se dit de plusieurs vaisseaux qui font voile ensemble & de compagnie, pour se secourir les uns les autres.(Z)

Conserve, s. f. (Pharmacie.) espece de confiture préparée en mêlant exactement certaines fleurs, feuilles, fruits, ou racines exactement pilées ou réduites en pulpe, avec une certaine quantité de sucre.

On s’est propose dans la préparation des conserves (comme dans celle de tous les assaisonnemens par le moyen du sucre) deux vûes principales : la premiere, de conserver des matieres végétales dont on n’auroit pû retenir aussi parfaitement la vertu par aucun autre moyen ; & la seconde, de rendre ces remedes plus agréables aux malades.

Les conserves ont encore une troisieme utilité dans l’art ; elles fournissent un excipient commode dans la préparation des opiates, pilules, & autres prescriptions extemporanées ou magistrales, sous formes solides. Nous allons donner des modeles des différentes especes de conserve. Voici d’abord celle d’une fleur.

Conserve de violettes. Prenez des fleurs de violettes nouvellement cueillies & bien épluchées, une demi-livre, du sucre blanc une livre & demie. On pilera dans un mortier de marbre les violettes jusqu’à ce qu’elles soient en forme de pulpe ; on fera cependant cuire le sucre dans cinq ou six onces d’eau commune en consistence de tablettes ; on le retirera de dessus le feu ; & lorsqu’il sera à demi-refroidi, on y mêlera les violettes pilées, & on versera cette conserve encore chaude dans un pot, & on l’y laissera refroidir sans la remuer.

On demande en général dans cette espece de conserve deux parties de sucre & une partie de fleurs ; mais cette proportion doit varier selon que les fleurs sont plus ou moins aqueuses, ensorte qu’on en fasse entrer davantage pour les conserves des fleurs succulentes, comme on peut le remarquer dans la conserve de violettes que nous avons donnée pour exemple.

Dans le cas où les plantes seroient peu succulentes, Zwelfer prescrit de prendre jusqu’à deux parties & demie de sucre sur une partie de fleurs ; mais il ajoûte une certaine quantité d’eau distillée de la plante qui fait la base de la conserve. Les racines qu’on destine à être mises sous forme de conserve, se préparent d’une façon un peu différente. Voici cette préparation :