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redoublement ou un accès extraordinaire, qui termine la maladie d’une façon ou d’autre.

La crise se fait ou elle finit par un transport de matiere d’une partie à l’autre, ou par une excrétion ; ce qui établit deux différentes especes de crises. Les crises different encore en tant qu’elles sont bonnes ou mauvaises, parfaites ou imparfaites, sûres ou dangereuses.

Les bonnes crises sont celles qui font au moins espérer que le malade se rétablira ; & les mauvaises, celles qui augmentent le danger. Les crises parfaites sont celles qui enlevent, qui évacuent ou qui transportent toute la matiere morbifique (voyez Coction) ; & les imparfaites, celles qui ne l’enlevent qu’en partie. Enfin la crise sûre ou assûrée, est celle qui se fait sans danger ; & la dangereuse est celle dans laquelle le malade risque beaucoup de succomber dans l’effort de la crise même. On pourroit encore ajoûter à toutes ces especes de crises, l’insensible, appellée solution par quelques auteurs, & qui est celle dans laquelle la matiere morbifique se dissipe peu-à-peu.

Chaque espece de crise a des signes particuliers, & qui sont différens, suivant que la crise doit se faire par les voies de la sueur, par celles des urines, par les selles, par les crachats, ou par hémorrhagie ; c’est à la faveur de ces signes que le medecin peut juger du lieu que la nature a choisi pour la crise. On trouvera dans tous les articles qui regardent les différens organes secrétoires, & notamment aux mots Urine, Crachat, Sueur, Hémorrhagie, &c. les moyens de connoître l’événement de la maladie, relativement aux différentes excrétions critiques, ou la détermination de la crise.

Les anciens ne se sont pas contentés d’avancer & de soûtenir qu’il y a une crise dans la plûpart des maladies aiguës, & de donner des regles pour déterminer l’organe, ou la partie spéciale dans laquelle ou par laquelle la crise doit se faire ; ils ont crû encore pouvoir fixer le tems de la crise : c’est ce qui a donné lieu à leur doctrine sur les jours critiques, que nous allons exposer, en nous attachant seulement à ce qu’il y avoit de plus communément adopté parmi la plûpart des anciens eux-mêmes ; car il y en avoit qui osoient douter de la vertu des regles les plus reçûes. Ce sont ces regles qui furent autrefois les plus reçûes, que nous allons rapporter. Les voici :

Toutes les maladies aiguës se terminent en quarante jours, & souvent plûtôt ; il y en a beaucoup qui finissent vers le trentieme, & plus encore au vingt, au quatorze ou au sept. C’est donc dans l’espace de sept, de quatorze, de vingt ou de quarante jours au plus, qu’arrivent toutes les révolutions des maladies aiguës, qui sont celles qui ont une marche marquée par des crises & des jours critiques, ou du moins dans lesquelles ce caractere est plus sensible, plus observable.

Les jours d’une maladie dans lesquels les crises se font, sont appellés critiques, & tous les autres se nomment non-critiques. Ceux-ci peuvent pourtant devenir critiques quelquefois, comme Galien en convient lui-même ; mais cet évenement est contraire aux regles que la nature suit ordinairement. De ces jours critiques il y en a qui jugent parfaitement & favorablement, & qui sont nommés principaux ou radicaux par les Arabes, ou bien simplement critiques ; tels sont le septieme, le quatorzieme, le vingtieme. Il en est d’autres qui ont été regardés comme tenant le second rang parmi les jours heureux ; ce sont le neuvieme, le onzieme & le dix-septieme : le troisieme, le quatrieme & le cinquieme jugent moins parfaitement : le sixieme juge fort souvent, mais il juge mal & imparfaitement ; c’est pourquoi il a été regardé comme un tyran ; au lieu

que le septieme, qui juge pleinement & favorablement, a été comparé à un bon roi. Le huitieme & le dixieme jugent mal aussi, mais ils jugent rarement. Enfin le douzieme, le seizieme & le dix-huitieme ne jugent presque jamais.

[Nota. Tout lecteur entendra parfaitement le sens de ce mot juger que nous venons d’employer, & qui est technique, s’il veut bien se rappeller la signification propre du mot crise, que nous avons expliquée au commencement de cet article.]

On voit par ce précis quels sont les bons & les mauvais jours dans une maladie aiguë ; les éminemment bons sont le septieme, le quatorzieme & le vingtieme. Galien dit avoir remarqué dans un seul été plus de quatre cents maladies parfaitement jugées au septieme ; & quoiqu’on trouve dans les épidémies d’Hippocrate des exemples de gens morts au septieme, ce n’est que par un accident rare, & dû à la force de leur tempérament, qui a fait que leur maladie s’est prolongée jusqu’à ce terme, qu’elle ne devoit pas atteindre dans le cours ordinaire. C’est toûjours Galien qui parle, & qui veut sauver son septieme jour, qu’il a comparé à un bon prince qui pardonne à ses sujets ou qui les retire du danger, comme nous l’avons déjà observé. Le quatorzieme est le second dans l’ordre des jours salutaires ; il est heureux, & juge très-souvent : il supplée au septieme, il a même mérité de lui être préféré par quelques anciens. Quant au vingtieme, il est aussi vraiment critique & salutaire ; mais il n’est pas en possession paisible de ses droits : Archigene, dont nous parlerons dans la suite de cet article, lui a préféré le vingt-unieme.

Tous les jours, excepté les trois dont nous venons de parler, sont plus ou moins dangereux & mauvais ; ils jugent quelquefois, comme nous venons de le dire, mais ils ne valent pas les premiers, en tant que critiques ; ils ne sont pas même précisement regardés comme tels : c’est pourquoi on leur a donné des dénominations particulieres, & on les a distinguées en indices, en intercalaires, & en vuides.

Les jours indices, ou indicateurs, qui forment le premier ordre après les trois critiques, & qu’on appelle aussi contemplatifs, sont ceux qui indiquent ou qui annoncent que la crise sera parfaite, & qu’elle se fera dans un des jours radicaux : de cet ordre sont le quatrieme, le onzieme & le dix-septieme. Le quatrieme qui est le premier des indices, comme le septieme est le premier des critiques, annonce ce septieme, qui n’est jamais aussi parfait qu’il doit l’être, s’il n’est indiqué ou annoncé. Ceux qui doivent être jugés au septieme, ont une hypostase blanche dans l’urine au quatrieme, dit Hippocrate dans ses Aphorismes. Ainsi le quatrieme est, par sa nature, indice du septieme, suivant Galien, pourvû qu’il n’arrive rien d’extraordinaire ; car il peut se faire non-seulement qu’il soit critique lui-même (comme nous l’avons remarqué ci-dessus, & comme il est rapporté dans les épidémies d’Hippocrate, de Périclès qui guérit par une sueur abondante au quatrieme), mais encore qu’il n’indique rien, soit par la nature de la maladie, lorsqu’elle est très-aiguë, soit par les mauvaises manœuvres du medecin, ou par quelqu’autre cause à laquelle il ne faut pas s’attendre ordinairement. Enfin le quatrieme indique quelquefois que la mort peut arriver avant le septieme ; & c’est ce qu’il faut craindre, lorsque les changemens qu’il excite passent les bornes ordinaires. Le onzieme est indice du quatorzieme ; il est moins régulier, moins exact que le quatrieme, &, comme lui, il devient quelquefois critique, & même plus souvent : car Galien a observé que tous ses malades furent jugés au onzieme dans un certain automne. Le dix-septieme est indice du vingtieme ; mais il perd apparemment