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Conserve de racine d’enula campana. Prenez des racines fraîches d’enula campana bien épluchées & bien nettoyées, autant que vous voudrez : faites-les bouillir dans une suffisante quantité d’eau de fontaine, jusqu’à ce qu’elles soient bien ramolies : mettez-les alors sur un tamis pour les séparer de l’eau dans laquelle elles ont bouilli ; après quoi vous les pilerez & les réduirez en pulpe que vous passerez par un tamis de crin. A une demi-livre de cette pulpe vous ajoûterez deux livres de sucre cuit en consistence de tablette dans la décoction des racines : vous mêlerez le tout exactement ; & la conserve sera faite.

Conserve de cynorrhodon. Prenez des fruits mûrs de cynorrhodon, connus en François sous le nom de grattecus ; ôtez-en les pepins avec soin ; & après les avoir arrosés d’un peu de vin blanc, mettez-les à la cave où vous les laisserez une couple de jours ; il s’excitera un petit mouvement de fermentation qui les ramollira ; & en cet état ils pourront facilement être pilés dans un mortier de marbre, pour être réduits en pulpe que vous passerez par le tamis de crin ; vous prendrez une livre & demie de sucre que vous ferez cuire en consistence de tablette, & que vous mêlerez sur le champ avec une livre de la pulpe ; & la conserve sera faite.

Conserve de cochlearia. Prenez des feuilles de cochlearia deux onces, pilez-les exactement dans un mortier de marbre, & y ajoûtez du sucre blanc six onces : continuez à piler jusqu’à ce que le sucre & la plante soient bien unis, la conserve sera faite.

Cette conserve se fait à froid, autrement la chaleur dissiperoit les parties volatiles de cette plante.

Toutes les conserves que nous venons de décrire sont appellées dans les boutiques conserves molles, pour les distinguer d’une autre espece qu’on nomme solides, dont nous allons donner un exemple.

Conserve de roses solides. Prenez de roses rouges bien séchées & pulvérisées subtilement, trois onces ; arrosez-les avec une demi-dragme ; ou environ, d’esprit de vitriol ; après cela, prenez du sucre blanc trois livres, de l’eau de roses distillée une suffisante quantité, avec laquelle vous ferez cuire le sucre en consistence de tablettes ; & étant retiré du feu, vous y mêlerez la poudre de rose, & en ferez des tablettes selon l’art.

Nota. L’esprit de vitriol est mis ici pour exalter la couleur des roses. Voyez Coloration. Cette conserve devroit plûtôt être appellée tablettes de rose ; & en effet c’en sont de véritables. Voy. Tablette. (b)

* CONSERVÉ, adj. se dit en général de tout ce qui n’a éprouvé du tems & des accidens auxquels les productions de la nature & de l’art sont exposées dans les serres, les armoires, les cabinets, aucun effet très-sensible de destruction. Ainsi on dit qu’un tableau s’est bien conservé, lorsque les couleurs n’en sont pas changées ; qu’il n’a point été frotté, ciré ; enfin qu’il n’a point souffert d’altération, & qu’il est pur comme il est sorti de la main du maître.

CONSERVER, v. act. (Jurisprud.) opposition afin de conserver. Voyez Opposition.

CONSERVES, subst. f. pl. (Optique.) c’est une espece de lunette qui ne doit point grossir les objets, mais affoiblir la lumiere qui en rejaillit, & qui pourroit blesser la vûe : c’est de cette propriété que leur est venu le nom de conserves. Voy. Lunettes.

CONSES ou CONSULS, s. m. pl. (Jurisprud.) comme par abbréviation & contraction de consules : c’est le nom que l’on donne en Provence aux échevins. (A)

* CONSEVIUS ou CONSIVIUS, s. m. (Myth.) dieu ainsi appellé du verbe consero, je seme, & de sa fonction qui consistoit à présider à la conception des hommes qu’il favorisoit à sa maniere, dont on

ne nous instruit point. L’acte de la génération avoit paru aux anciens de telle importance, qu’ils avoient placé au-tour de ceux qui s’en occupoient un grand nombre de dieux & de déesses, dont les fonctions seroient d’un détail contraire à l’honnêteté. Il y en a qui prétendent que ce Consevius est le même que Janus.

CONSIDERABLE, GRAND, adj. (Synonym. Gramm.) Ces deux mots désignent en général l’attention que mérite une chose par sa quantité ou sa qualité.

La collection des arrêts seroit un ouvrage considérable. L’esprit des lois est un grand ouvrage. Un courtisan accrédité est un homme considérable. Corneille étoit un grand homme ; on dit de grands talens, & un rang considérable. (O)

CONSIDÉRATION, ÉGARDS, RESPECT, DÉFÉRENCE, (Gramm.) termes qui désignent en général l’attention & la retenue dont on doit user dans les procédés à l’égard de quelqu’un.

On a du respect pour l’autorité, des égards pour la foiblesse, de la considération pour la naissance, de la déférence pour un avis. On doit du respect à soi-même, des égards à ses égaux, de la considération à ses supérieurs, de la déférence à ses amis. Le malheur mérite du respect, le repentir des égards, les grandes places de la considération, les prieres de la déférence.

On dit, j’ai des égards, du respect, de la déférence pour M. un tel ; & on dit passivement, M. un tel a beaucoup de considération.

Il ne faut point, dit un auteur moderne, confondre la considération avec la réputation : celle-ci est en général le fruit des talens ou du savoir-faire ; celle-là est attachée à la place, au crédit, aux richesses, ou en général au besoin qu’on a de ceux à qui on l’accorde. L’absence ou l’éloignement, loin d’affoiblir la réputation, lui est souvent utile ; la considération au contraire est toute extérieure, & semble attachée à la présence. Un ministre incapable de sa place a plus de considération & moins de réputation qu’un homme de lettres, ou qu’un artiste célebre. Un homme de lettres riche & sot a plus de considération & moins de réputation qu’un homme de mérite pauvre. Corneille avoit de la réputation, comme auteur de Cinna ; & Chapelain de la considération, comme distributeur des graces de Colbert. Newton avoit de la réputation, comme inventeur dans les Sciences ; & de la considération, comme directeur de la monnoie. Il y a telle nation où un chanteur est plus considéré qu’un philosophe ; parce que les hommes aiment mieux être desennuyés qu’éclairés. (O)

CONSIGE ou CONSIVE. (Comm.) A Lyon, le livre de consige est celui sur lequel un maître des coches consigne & enregistre les balles, ballots, &c. dont il se charge pour en faire la voiture.

En Provence, c’est le registre où les commis & les receveurs des bureaux des droits du Roi, enregistrent les sommes qu’un marchand ou voiturier leur dépose, pour sûreté que les marchandises déclarées auront été conduites à leur destination ; lesquelles sommes ils ne leur restituent, qu’en rapportant l’acquit à caution déchargé par les commis des bureaux des lieux pour lesquels ces marchandises étoient destinées.

La somme que l’on consigne pour caution, s’appelle aussi consige dans les mêmes bureaux. Voyez les dict. de Trév. du Comm. & de Dish (G)

CONSIGNATION, s. f. (Jurisprud.) est un dépôt de deniers que le débiteur fait par autorité de justice entre les mains de l’officier public destiné à recevoir ces sortes de dépôts ou consignations, à l’effet de se libérer envers celui auquel les deniers