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Allemand dit qu’il y avoit quatorze monasteres de croisiers en Irlande, & qu’ils étoient venus de ceux d’Italie, puisque ceux de France & des Pays-Bas ne les reconnoissoient point.

Les croisiers de France & des Pays-Bas furent fondés en 1211, par Theodore de Celles, qui ayant été servir en Palestine en 1188, & y ayant trouvé quelques-uns des croisiers institués par S. Clet, conçut dès-lors le dessein d’en fonder une congrégation dans son pays. Ce qu’il y a de certain, c’est que Théodore étant de retour de la Palestine, s’engagea dans l’ordre ecclésiastique, & alla en qualité de missionnaire à la croisade contre les Albigeois. Etant retourné dans son pays en 1211, l’évêque de Liege lui donna l’église de S. Thibault près de la ville d’Hui, où avec quatre de ses compagnons il jetta les fondemens de son ordre, qu’Innocent III. & Honorius III. confirmerent. Théodore envoya de ses religieux à Toulouse, qui se joignirent à S. Dominique pour combattre les Albigeois, & cette congrégation s’établit & se multiplia depuis en France. Les papes ont voulu soûmettre les croisiers d’Italie à ceux de Flandres.

Les croisiers ou porte-croix avec l’étoile en Boheme, font remonter leur origine jusqu’au tems de S. Quiriace, puisqu’ils disent qu’ils sont venus de Palestine en Europe, où ils ont embrassé la regle de S. Augustin & bâti plusieurs monasteres. Ils ajoûtent que Ste Agnès de Boheme pour les distinguer des autres croisiers, obtint du pape Innocent IV. qu’ils ajoûteroient une étoile à la croix qu’ils portent. Mais ce que l’on dit de S. Quiriace n’a aucun fondement, & c’est Agnès fille de Primislas roi de Boheme, qui institua cet ordre à Pragues en 1234. Ils ont maintenant deux généraux, & sont en très-grand nombre Voyez les dict. de Moreri & de Chambers. (G)

CROISIERE, s. f. (Marine.) se dit des endroits & parages où l’on va croiser. On dit établir sa croisiere à l’oüest de la Manche, aux Açores, aux Canaries, &c. suivant les endroits où l’on va croiser. (Z)

* CROISILLE, s. f. terme de Cordier, est une piece de bois taillée en portion de cercle, qui est sur le roüet des fileurs, & qui porte les molettes. Voyez la Planc. I. de la Corderie.

CROISILLONS, s. m. pl. en Bâtiment ou Architecture, sont des meneaux de pierre faits de dales fort minces, dont on partageoit autrefois la baie d’une fenêtre, comme il s’en voit au Luxembourg.

Croisillons de modernes, sont les nervures de pierre qui séparent les panneaux des vitraux gothiques. (P)

Croisillon, s. m. terme de Metteur en œuvre ; ce sont de petits chatons ou fleurons qu’ils placent entre les grands dans une croix. Voyez Croix.

* CROISOIRE, s. m. (Manufact. d’ourdissage.) espece de peigne de fer ou de boüis, à l’usage des Boulangers qui font le biscuit ; ils s’en servent pour tracer des façons à sa surface.

CROISSANCE, s. f. (Jardinage.) On dit qu’un arbre prend bien de la croissance, lorsqu’il pousse vigoureusement ; cependant cette croissance a des bornes : il vient un tems qu’un arbre a sa juste proportion suivant cette exacte symmetrie que le créateur a établie entre tous les êtres créés ; alors cet arbre ne croît plus, il ne fait que s’entretenir. (K)

CROISSANT, s. m. (Astron.) se dit de la Lune nouvelle, qui montre une petite partie éclairée de sa surface en aboutissant en pointes, quand elle commence à s’éloigner du Soleil ; cette partie éclairée augmente jusqu’à ce que la lune soit pleine & dans son opposition. Voyez Lune.

Ce mot est latin, crescens, & vient de crescere, cresco, je crois, j’augmente. Les pointes ou extrémités du croissant s’appellent cornes ; l’une est méridio-

nale, l’autre boréale. Tertia, dit Virgile, jam lunæ se cornua lumine complent, pour dire voilà le troisieme mois.

On appelle aussi croissant, la même figure de la Lune en décours : mais alors ses pointes ou cornes sont tournées du côté de l’occident, au lieu que dans l’autre cas elles sont du côté de l’orient.

Peu avant ou après la nouvelle Lune, lorsque le croissant paroît assez foible & mince, on peut appercevoir, outre le croissant, le reste du globe de la Lune, à la vérité d’une lumiere beaucoup moins vive que le croissant. C’est qu’alors la partie éclairée de la Terre étant presque toute entiere tournée vers la Lune, renvoye à la Lune une certaine quantité de lumiere, qui est de nouveau réflechie par la Lune & renvoyée à la Terre. Plus la Lune approche des quadratures, plus cette lumiere s’affoiblit. (O)

Croissant, adj. (Géom.) On appelle quantité croissante, une quantité qui augmente à l’infini ou jusqu’à un certain terme, par opposition à une quantité constante (voyez Constant) ou à une quantité décroissante. Ainsi dans l’hyperbole rapportée aux asymptotes, l’abscisse étant décroissante, l’ordonnée est croissante. De même dans un cercle l’abscisse prise depuis le sommet étant croissante, l’ordonnée est croissante jusqu’au centre, & ensuite décroissante, &c. (O)

Croissant, (Hist. mod.) est le nom d’un ordre militaire, institué par René d’Anjou roi de Sicile, &c. en 1448 les chevaliers portoient sur le bras droit un croissant d’or émaillé, duquel pendoient autant de petits bâtons travaillés en forme de colonne, que le chevalier s’étoit trouvé de fois en bataille ou autres occasions périlleuses.

Ce qui donna occasion à l’établissement de cet ordre, c’est que René avoit pris pour dévise un croissant, sur lequel étoit écrit le mot los, ce qui en style de rébus vouloit dire los-en-croissant, c’est-à-dire qu’en avançant en vertus on mérite des loüanges.

Les chevaliers portoient le manteau de velours cramoisi, le mantelet de velours blanc, avec la doublure & la soutane de même. L’ordre étoit composé de cinquante chevaliers, y compris le sénateur ou président, c’est-à-dire le chef, & nul n’y pouvoit être reçu ni porter le croissant s’il n’étoit duc, prince, marquis, comte, vicomte, ou issu d’ancienne chevalerie, & gentilhomme de ses quatre lignées, & que sa personne fût sans vilain cas de r proche. D’anciens manuscrits de la bibliotheque de S. Victor nous ont conservé la formule du serment qu’ils prêtoient en vers de ce tems-là.

La messe oüir, ou pour Dieu tout donner,
Dire de Notre-Dame, ou manger droit le jour
Que pour le souverain, ou maitre, ou sa cour,
Armer ses freres ou garder son honneur,
Fête & dimanche doit le croissant porter,
Obéir sans contredit toûjours au senateur.

Cet ordre étoit sous la protection de S. Maurice, & s’assembloit dans l’église de S. Maurice d’Angers. Favin, théat. d’honn. (G)

Croissant. On appelle ainsi, en termes de Blason, une demi-lune. Les Ottomans portent de sinople au croissant montant d’argent.

Avant que les Turcs se fussent rendus maîtres de Constantinople, & de toute antiquité, la ville de Bysance avoit pris un croissant pour symbole, comme il paroît par les médailles des Bysantins, frappées à l’honneur d’Auguste, de Trajan, de Julia Domna, de Caracalla.

On appelle croissant montant, celui dont les pointes sont tournées en-haut vers le chef, qui est sa représentation la plus ordinaire. Les croissans adossés, sont ceux qui ont leurs parties les plus grosses & les