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lée le plûtôt. C’est ordinairement sur le penchant d’une colline qu’elle se trouve, sous une couche de sable de la profondeur de quatre à cinq piés. Lorsque la glaise est découverte, on creuse un puits d’environ huit à dix piés de profondeur, & de quinze à vingt piés en quarré. La bonne glaise est-bleuâtre, sans aucun mêlange de sable, compacte, grasse, & très-pesante ; elle est très-bonne à faire de la brique. C’est vers le milieu de l’été qu’on la tire, & par un tems sec. Cent charretées sont réputées nécessaires sur un acre de terre, environ un arpent un cinquieme de Paris. On observe que pendant trois ou quatre ans cette glaise reste en mottes sur la surface de la terre. La premiere année un champ ainsi engraissé rapporte de l’orge en abondance, d’un grain large, mais de mauvaise couleur. Les années suivantes le grain y croit plein, & arrondi comme du froment. On a l’expérience que cet engrais fertilise les terres pendant quarante-deux ans, & dans d’autres endroits plus long-tems. Dès qu’on s’apperçoit que les terres s’amaigrissent, il faut avoir soin de recommencer l’opération. Les terres sabloneuses auxquelles la glaise convient, ne rapportent jamais que du seigle, quelqu’autre engrais qu’on leur donne, fût-ce de la marne chalk : une fois glaisées, elles sont propres à l’avoine, à l’orge, aux pois, &c. Nous ne manquons point en France de cette espece de glaise, mais je ne me remets pas d’en avoir vû faire usage. A l’égard de la terre à foulon, nous n’en connoissons point encore de bonne : il seroit cependant difficile d’imaginer que la nature nous l’eût refusée, en nous prodiguant le reste. On a vendu à Paris de prétendues pierres de composition propres à détacher, qui étoient blanches, polies, tendres, savoneuses, taillées en quarré pour l’ordinaire : elles étoient à-peu-près de la qualité de ces écailles de savon dont nous venons de parler, & qui sont cendrées ; pas tout-à-fait aussi grasses dans l’eau, quoiqu’elles le parussent davantage étant seches. Le hasard me fit découvrir qu’elles se prenoient dans l’enclos de l’abbaye de Marmoutiers près Tours, dans un endroit appellé les sept Dormans. J’y ai fait chercher ; mais la terre s’étant écroulée depuis quelque tems, on ne m’a envoyé que de la pierre dure. Peut-être avec quelque légere dépense, dans les endroits qui produisent des qualités approchantes, pourroit-on parvenir à trouver la qualité supérieure. On trouve assez communément en Touraine de ces petites pierres d’un gris cendré, très-savoneuses, semblables à des écailles d’ardoise.

La deuxieme espece est une glaise rude, & qui se réduit en poussiere lorsqu’elle est seche : c’est proprement de la craie. Il y a d’autres qualités comprises sous cette espece, qui servent aux potiers : elles sont jaunes, jaunes-pâles, bleues ou rouges, plus ou moins grasses.

La troisieme espece est une pierre : lorsqu’elle est seche, elle est blanche, bleue, & rouge.

La quatrieme espece se trouve mêlée d’un sable ou gravier rond.

La cinquieme espece est distinguée par un mêlange de sable gras ou très-fin, & de talc luisant. Il s’en rencontre de blanche dans la province de Derbi, avec laquelle se font des fayences à Nottingham. Il y en a une autre qualité grise ou bleue dont on fait des pipes à fumer à Hallifax. L’exportation de cette derniere espece est défendue sous peine de mort, comme celle de la premiere espece.

Les terres argilleuses labourables sont noires, bleues, jaunes, ou blanches. Les noires & les jaunes sont réputées les plus propres à porter du grain ; quelques-unes sont plus grasses, d’autres plus gluantes : mais toutes en général sont sujettes à garder

l’eau, ce qui engendre une quantité de mauvaises plantes mortelles principalement aux moutons. Ces terres se resserrent par la sécheresse, se durcissent à l’ardeur du Soleil & au vent, jusqu’à ce qu’on les ouvre à force de travail pour donner passage aux influences fécondes de l’air. La plûpart sont propres au froment, à l’orge, aux pois, aux feves, surtout si elles sont mêlées de pierres à chaux. Les meilleures sont bonnes pour la luzerne, & pour cette espece de prairie artificielle appellée ray-grass ou faux segle ; elles soûtiennent l’engrais mieux qu’aucune autre : ceux qu’on y employe sont le fumier de cheval & de pigeon, la marne chaude, le parcage des moutons, de la poussiere de malt, des cendres, de la chaux, de la suie, de cette espece de marne que les Anglois appellent chalck ou pierre à chaux. Nous observerons en passant que les cendres sont réputées & reconnues par expérience, être un des meilleurs moyens de féconder la terre. Les cendres de bruyere, de fougere, de genêt, de jonc, de chaume, enfin celles de tous les végétaux sont bonnes ; mais il n’y en a point de meilleures & dont l’effet soit plus durable, que les cendres du charbon de terre, principalement dans les terres froides. Il faut avoir attention de les garantir de la pluie, qui, en les lavant, emporteroit leurs sels : si cet accident est arrivé cependant, on y remédie en les arrosant d’urine ou d’eau de savon. Dans tous les cas cette préparation est très-bonne, puisque deux charretées de ces cendres ainsi apprêtées, feront plus d’effet sur un acre de terre que six qui ne l’auront point été.

Quatrieme qualité, les terres graveleuses & sabloneuses. On en tire très-peu de parti, parce que la plûpart sont stériles & sujettes, soit à se brûler par la chaleur, soit à se détremper trop par les pluies ; alors elles ne produisent que de la mousse, & se couvrent d’une espece de croûte. Celles qui ont un peu de terreau sur leur surface, ou dont le fond est de gravier, produisent quelquefois de très-bonne herbe, & sont destinées au pacage ; parce que si d’un côté elles se dessechent promptement, de l’autre la moindre pluie les fait revivre. Les terres de pur sable sont blanches, noires, bleuâtres, rouges, jaunes, plus ou moins dures les unes que les autres. Il y en a de couleur cendrée qui sont ordinairement couvertes de lande ou de bruyere, & dont on fait des pacages. Les terres graveleuses sont à-peu-près de la même nature ; & celles qui sont les plus pierreuses, mêlées d’un sable dur, sont les plus stériles. Les meilleures de ces terres sont ensemencées de segle, de blé noir, & de gros navets appellés turnipes qui sont destinés à nourrir les bestiaux. L’engrais le meilleur de ces terres, est une espece de glaise qui se dissout à la gelée, de la vase, du fumier de vache, & du chaume à demi-consommé dans le fumier.

Dans la province d’Hartfortd, l’amélioration des terres qui portent de la mousse, consiste à la brûler, à labourer ensuite ; elles donnent une ou deux belles récoltes de segle, & forment ensuite un pacage de très-bonne qualité.

Avant de quitter ces terreins arides, il est bon de remarquer que le sable n’est point inutile dans la culture des terres froides, comme les glaises fortes, pour les empêcher de se serrer. On choisit ordinairement celui des rivieres par préférence, ou celui que les eaux ont entraîné des collines. Ceux qui ont des étables y renferment leurs moutons pendant l’hyver ; cela est fort rare cependant en Angleterre : deux fois la semaine on répand dans cette étable quelques charretées de sable, que l’urine & la fiente des animaux rendent un fort bon engrais.

Le sable de la mer & celui du rivage est encore d’un grand usage sur les côtes. Il est ordinairement rouge, gris tirant sur le bleu, ou blanc : les deux