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que les mineurs sont sortis de tutelle. En pays de droit écrit, où la tutelle finit à l’âge de puberté, les mineurs pouvoient autrefois se passer de curateurs. La loi des douze tables n’avoit rien ordonné par rapport à ceux qui étoient sortis de tutelle ; ils entroient par la puberté dans l’administration de leurs biens ; & l’on ne pouvoit pas les forcer de prendre un curateur, excepté pour les assister en jugement lorsqu’ils avoient un procès, ou pour recevoir un payement, ou pour entendre un compte de tutelle. La loi latoria ordonna que l’on donneroit des curateurs aux adultes qui se gouverneroient mal. Mais Marc Antonin poussa la chose plus loin, & ordonna que tous les mineurs sans distinction auroient des curateurs jusqu’à l’âge de vingt-cinq ans. C’est pourquoi Ulpien, dans le §. 3. de la loi j. au ff. de minor. dit que présentement les mineurs ont des curateurs jusqu’à vingt-cinq ans, & qu’avant cet âge on ne doit pas leur confier l’administration de leurs biens, quamvis bene rem suam gerentibus ; de sorte que le mineur qui sort de tutelle en pays de droit écrit, lorsqu’il a atteint l’âge de puberté, ne peut refuser de recevoir un curateur, qu’au cas qu’il soit émancipé en sortant de la tutelle ; encore lui en donne-t-on un en l’émancipant, non pas à la vérité pour l’administration de ses biens, mais pour l’assister en jugement lorsqu’il a des procès, soit en demandant ou en défendant, ou pour l’autoriser à recevoir un remboursement, ou enfin pour entendre & régler un compte de tutelle.

En pays coûtumier la tutelle dure jusqu’à la majorité : mais si les mineurs sont émancipés plûtôt, on leur donne aussi un curateur pour les assister en jugement, c’est-à-dire dans les causes qu’ils peuvent avoir ; c’est pourquoi on l’appelle curateur à l’émancipation, ou curateur aux causes.

On donne quelquefois un curateur au pupille non émancipé, pour faire les fonctions du tuteur ; ce qui arrive lorsque le tuteur a des actions à diriger contre son pupille : ou si le tuteur n’est pas idoine, & néanmoins qu’il soit non suspect, on lui adjoint un curateur. Il en est de même quand le tuteur n’est excusé que pour un tems, le juge nomme en attendant un curateur.

Il est aussi d’usage de nommer un curateur à l’enfant posthume à naître.

On en donne aussi en certains cas aux majeurs, comme aux furieux, aux prodigues, aux insensés, aux accusés, sourds ou muets, aux absens.

Enfin on en donne à des biens vacans, à une succession vacante, & dans plusieurs autres cas que nous expliquerons ci-après.

Les séquestres, commissaires, gardiens, sont aussi des especes de curateurs ; mais on ne donne le nom de curateur qu’à ceux qui sont établis pour représenter la personne, ou du moins pour l’assister en jugement.

Les curateurs comptables different en peu de chose des tuteurs ; c’est pourquoi dans les pays coûtumiers l’on ne donne guere de curateurs comptables aux mineurs qui se font émanciper ; on leur donne seulement un curateur aux causes, pour les assister en jugement. Si on ne juge pas à propos de les faire émanciper, la tutelle continue de droit jusqu’à la majorité. Mais en pays de droit écrit, où la tutelle finit à l’âge de puberté, quand les mineurs ne sont pas encore en état d’administrer eux-mêmes leurs biens, comme il est rare qu’ils le soient, les parens ont ordinairement soin de leur faire nommer un curateur comptable ; ce que le juge peut ordonner malgré le mineur, quand cela paroît nécessaire.

Quelques coûtumes ordonnent que les mineurs en sortant de tutelle seront pourvus de curateurs : d’autres ne font aucune distinction entre la tutelle &

la curatelle ; quelques-unes même disent que tutelle & curatelle n’est qu’un.

Nous avons déjà annoncé que la tutelle & la curatelle se rapportent en plusieurs points ; savoir que l’une & l’autre sont données en la même forme & par les mêmes juges ; que les tuteurs & curateurs comptables sont tenus, suivant le droit romain, de donner caution ; ce qui ne se pratique point en pays coûtumier. Les mêmes causes qui exemptent de la tutelle, exemptent aussi de la curatelle. Les curateurs comme les tuteurs pouvant être exclus & même destitués lorsqu’ils sont suspects, on peut aussi contraindre les uns & les autres à gérer ; & ce qui est jugé contre le curateur, s’exécute contre le mineur, de même que ce qui a été jugé contre le tuteur. Il faut néanmoins observer que si le mineur est émancipé, le jugement doit être rendu avec lui assisté de son curateur, & qu’il ne seroit pas régulier de procéder contre le curateur seul.

Pour ce qui est des différences qui sont entre la tutelle & la curatelle, elles consistent en ce que le tuteur est donné principalement à la personne, au lieu que le curateur est donné principalement aux biens. On comptoit aussi autrefois comme une des différences entre la tutelle & la curatelle, que le tuteur se donne au pupille etiam invito, au lieu que suivant l’ancien droit qui s’observoit en pays de droit écrit, le curateur ne se donnoit au mineur pubere qu’autant qu’il le demandoit. Mais on a vû que suivant le dernier état du droit romain, on peut obliger les mineurs puberes de recevoir des curateurs. On ne donne pas de tuteur pour une affaire en particulier, mais on donne quelquefois en ce cas un curateur : on ne donne pas non plus de tuteur à celui qui en a déjà un ; mais en cas de besoin on lui donne un curateur. On peut aussi, quoique le mineur ait déjà un curateur, lui en donner un autre pour quelqu’objet particulier. Le tuteur que l’on donne au posthume ne commence à gérer qu’après la naissance de l’enfant ; c’est pourquoi en attendant on lui nomme un curateur pour avoir soin des biens. Le pupille ne peut pas rendre plainte contre son tuteur, au lieu que le mineur peut se plaindre de son curateur s’il le trouve suspect. Enfin la nomination d’un tuteur faite par testament est valable par elle-même, au lieu que celle d’un curateur doit être confirmée par le juge.

Lorsqu’un mineur est émancipé, soit par mariage ou par lettres du prince, le curateur qu’on lui donne n’est point comptable : mais si le mineur émancipé se conduit mal, on peut lui ôter l’administration de ses biens & la donner au curateur, lequel en ce cas devient comptable.

S’il n’y a pas eu d’inventaire du mobilier du mineur avant la gestion du curateur comptable, il doit faire inventaire & faire vendre les meubles du mineur, de même que le tuteur, & sous les mêmes peines.

La fonction du curateur comptable est de recevoir ce qui est dû au mineur, en donner quittance, poursuivre les débiteurs, défendre aux actions intentées contre le mineur, faire les baux de ses biens, veiller à l’entretien & aux réparations, fournir ce qui est nécessaire à l’entretien du mineur selon ses facultés, en un mot faire la même chose que le tuteur seroit obligé de faire par rapport aux biens.

Le mineur même émancipé ne peut valablement recevoir un remboursement d’un principal, sans être assisté & autorisé de son curateur.

Le curateur ne peut aliéner les immeubles de celui qui est sous sa curatelle, sans un avis de parens omologué en justice.

La curatelle est une charge civile & publique, de même que la tutelle ; & l’on peut être contraint de l’accepter, soit qu’il y ait administration de biens,