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nius, de Demonax, de Démetrius, d’Œnomaüs, de Crescence, de Pérégrin, & de Salluste, sont toutefois parvenus jusqu’à nous ; mais ils n’y sont pas tous parvenus sans reproche & sans tache.

Nous ne savons rien de Carnéade le Cynique. Nous ne savons que peu de chose de Musonius. Julien a loüé la patience de ce dernier. Il fut l’ami d’Appollonius de Thyane, & de Démétrius ; il osa affronter le monstre à figure d’homme & à tête couronnée, & lui reprocher ses crimes. Néron le fit jetter dans les fers & conduire aux travaux publics de l’isthme, où il acheva sa vie à creuser la terre & à faire des ironies. La vie & les actions de Démétrius ne nous sont guere mieux connues que celles des deux philosophes précédens ; on voit seulement que le sort de Musonius ne rendit pas Démétrius plus réservé. Il vécut sous quatre empereurs, devant lesquels il conserva toute l’aigreur cynique, & qu’il fit quelquefois pâlir sur le throne. Il assista aux derniers momens du vertueux Thrasea. Il mourut sur la paille, craint des méchans, respecté des bons, & admiré de Séneque. Œnomaüs fut l’ennemi déclaré des prêtres & des faux cyniques. Il se chargea de la fonction de dévoiler la fausseté des oracles, & de démasquer l’hypocrisie des prétendus philosophes de son tems ; fonction dangereuse : mais Œnomaüs pensoit apparemment qu’il peut y avoir du mérite, mais qu’il n’y a aucune générosité, à faire le bien sans danger. Demonax vécut sous Hadrien, & put servir de modele à tous les philosophes ; il pratiqua la vertu sans ostentation, & reprit le vice sans aigreur ; il fut écouté, respecté, & chéri pendant sa vie, & préconisé par Lucien même, après sa mort. On peut regarder Crescence comme le contraste de Demonax, & le pendant de Pérégrin. Je ne sais comment on a placé au rang des philosophes un homme souillé de crimes & couvert d’opprobres, rampant devant les grands, insolent avec ses égaux, craignant la douleur jusqu’à la pusillanimité, courant après la richesse, & n’ayant du véritable Cynique que le manteau qu’il deshonoroit. Tel fut Crescence. Pérégrin commença par être adultere, pédéraste, & parricide, & finit par devenir cynique, chrétien, apostat, & fou. La plus loüable action de sa vie, c’est de s’être brûlé tout vif : qu’on juge par-là des autres. Salluste, le dernier des Cyniques, étudia l’éloquence dans Athenes, & professa la philosophie dans Alexandrie. Il s’occupa particulierement à tourner le vice en ridicule, à décrier les faux cyniques, & à combattre les hypotheses de la philosophie Platonicienne.

Concluons de cet abregé historique, qu’aucune secte de philosophes n’eut, s’il m’est permis de m’exprimer ainsi, une physionomie plus décidée que le Cynisme. On se faisoit académicien, éclectique, cyrénaïque, pyrrhonien, sceptique ; mais il falloit naître cynique. Les faux cyniques furent une populace de brigands travestis en philosophes ; & les cyniques anciens, de très-honnêtes gens qui ne mériterent qu’un reproche qu’on n’encourt pas communément : c’est d’avoir été des Enthousiastes de vertu. Mettez un bâton à la main de certains cénobites du mont Athos, qui ont déjà l’ignorance, l’indécence, la pauvreté, la barbe, l’habit grossier, la besace, & la sandale d’Antisthene ; supposez-leur ensuite de l’élévation dans l’ame, une passion violente pour la vertu, & une haine vigoureuse pour le vice, & vous en ferez une secte de Cyniques. Voyez Bruck. Stanl. & l’hist. de la Philos.

Cynique, (spasme) en Medecine, est une sorte de convulsion dans laquelle le malade imite les gestes, le grondement & les hurlemens d’un chien.

Freind, dans les trans. philos. décrit un spasme extraordinaire de cette sorte dont furent attaqués deux familles à Blactothorn, dans la province d’Oxford.

La nouveauté de cet évenement attira quantité de curieux à ce village, & entr’autres Willis, qui de bien loin entendit un bruit terrible d’aboyemens & de hurlemens. Dès qu’il fut entré dans la maison, il fut aussi-tôt salué par cinq filles qui crioient à qui mieux mieux, faisant en même tems de violens mouvemens de tête. Il ne paroissoit à leur visage d’autres marques de convulsion que des distorsions & des oscillations cyniques de la bouche ; leur pouls étoit parfaitement bien reglé ; les cris qu’elles faisoient ressembloient plûtôt à des hurlemens qu’à des abboyemens de chiens, si ce n’est qu’ils étoient fréquens & entrecoupés de profonds soupirs.

Ce spasme les avoit toutes prises de même ; la plus jeune des cinq n’avoit que six ans, & la plus âgée n’en avoit que quinze. Dans les intervalles du spasme elles avoient leur raison & leur connoissance toute entiere ; mais l’intervalle ne duroit pas longtems sans que quelqu’une d’elles se remît à heurler, jusqu’à ce que toutes à la fin tomboient en défaillance, se jettoient comme des épileptiques sur un lit qu’on avoit placé exprès au milieu de la chambre.

Elles s’y tenoient d’abord tranquilles & dans une posture décente ; mais un nouvel accès survenant, elles se mettoient à se battre & à se heurter l’une l’autre. Les deux plus jeunes revinrent à elles tandis que Willis y étoit encore, & elles laisserent leurs trois autres sœurs sur le lit : mais elles ne furent pas long-tems sans que le spasme les reprît.

Au mois de Juillet de l’année 1700, Freind lui-même vit une autre famille dans le même village où un garçon & trois filles avoient été attaqués de ce même spasme, sans qu’il y eût eu auparavant aucune cause précédente. Une des filles l’avoit été d’abord seule, à ce que rapporta la mere ; & le frere & les deux sœurs furent si frappés, qu’ils en furent eux-mêmes attaqués.

Lorsque Freind arriva ils étoient tous quatre devant leur porte à s’amuser, de fort bonne humeur, & ne songeant à rien moins qu’à leur état : mais à la longue la plus âgée des trois filles, qui avoit environ quatorze ans, tomba dans l’accès. Le seul symptome qui en marqua l’approche fut le gonflement de son estomac, qui montant par degrés jusqu’à la gorge, communiqua la convulsion aux muscles du larynx & à la tête. Ce symptome est dans ces sortes de gens une marque certaine de l’approche du paroxysme ; & s’ils le vouloient arrêter, l’enflure n’en auroit que plus d’intensité, & l’accès plus de durée.

Le bruit qu’ils faisoient étoit perpétuel & desagréable : ce n’étoit pourtant pas précisément des abboyemens ni des heurlemens de chien, comme on dit que font les personnes attaquées de ce spasme ; mais plûtôt une espece de chant consistant en trois notes ou tons qu’ils répétoient chacun deux fois, & qui étoit terminé par de profonds soupirs accompagnés de gestes & de branlemens de tête extraordinaires.

Freind ne trouve rien que de naturel à cette maladie, laquelle, selon lui, naît de la cause commune de toutes les convulsions, savoir de ce que les esprits animaux fluent d’une maniere irréguliere dans les nerfs, & causent aux muscles différentes contractions, selon les circonstances de l’indisposition. Voyez Spasme. Chambers.

CYNOCÉPHALE, s. m. (Hist. nat. Zoolog.) cynocephalus ; c’est le nom que l’on a donné aux singes qui ont une queue & le museau allongé comme les chiens. Rai, synop. animal. quadrup. Voyez Singe. (I)

* Cynocéphale, (Mythol.) animal fabuleux à tête de chien, révéré par les Egyptiens. On prétend