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espece de cage de bois ainsi appellée de κύπτειν ; courber, parce qu’elle tenoit le patient qu’on y enfermoit le corps incliné ou courbé. D’autres entendent par κύφων un morceau de bois qu’on plaçoit, disent-ils, sur la tête du patient, pour l’empêcher de se tenir droit. Hésychius décrit le κύφων comme une piece de bois sur laquelle l’on tenoit les criminels étendus pour les tourmenter. Il est assez vraissemblable que toutes ces acceptions différentes convenoient à ce mot, & que c’étoit un genre dont nous avons détaillé les especes.

Nous trouvons dans Suidas un fragment d’une ancienne loi qui condamnoit au cyphonisme pendant vingt jours, & à être ensuite précipités du haut d’un rocher en habit de femmes, ceux qui traitoient les lois avec mépris.

CYPRE, (Géog. mod.) grande île d’Asie dans la mer Méditerranée. Elle est très-abondante en cuivre, & produit un vin fort estimé. Nicosie en est la capitale. Elle est soûmise aux Turcs, ainsi que toute l’île.

CYPRÈS, s. m. (Hist. nat. bot.) genre de plante qui porte des chatons stériles composés de plusieurs petites feuilles en forme d’écailles, entre lesquels il y a des sommets qui répandent une poussiere très-fine. L’embryon devient dans la suite un fruit arrondi qui s’ouvre par plusieurs fentes irrégulieres, qui laissent entre elles des especes de têtes de clous, & qui renferment des semences ordinairement anguleuses. Tournefort, inst. rei herbar. Voyez Plante. (I)

Le cyprès est un arbre toûjours verd, qui ne croît naturellement que dans les pays méridionaux de l’Europe, & sur-tout dans la plûpart des îles de l’Archipel où il est fort commun. On distingue deux especes de cyprès qui sont anciennement connues, & qui n’ont de différence entre elles que dans la disposition de leurs branches : l’une par la direction de ses rameaux prend & conserve de soi-même une forme pyramidale, & c’est le cyprès femelle des Botanistes : l’autre espece prenant une forme toute opposée, étend ses branches de côté, & on la nomme le cyprès mâle ; qualifications impropres ou plûtôt erronées, puisque chacun de ces arbres produisant des fleurs & des fruits, est en même tems mâle & femelle. Aussi est-il arrivé que quelques auteurs se sondant sur ces caracteres imaginaires, ont avancé que le cyprès mâle ne rapporte aucun fruit. Mais ces deux especes ne se reproduisent pas constamment les mêmes ; on prétend qu’en semant la graine de l’une ou de l’autre il en vient de deux sortes. Ce fait a été très-anciennement agité ; Theophraste le rapporte ; je l’ai vû dans un des ouvrages manuscrits de Tournefort intitulé plantarum adversaria ; peut-être que ce botaniste s’en étoit aussi rapporté à Theophraste comme à tant d’autres auteurs : car après avoir semé si souvent des graines du cyprès appellé femelle, qui est celui que l’on cultive le plus à cause de sa forme agréable, & que l’attention que j’y ai donnée ne m’a jamais fait saisir le fait en question, je pourrois le trouver susceptible de doute si M. Miller n’assûroit qu’il l’a vérifié lui-même par plusieurs épreuves. Combien n’y a-t-il pas d’inconvénient en effet à s’en rapporter à des auteurs qui n’ont pas vû l’objet par eux-mêmes, & qui copient sans discernement les faits les plus absurdes ? On trouve dans un dictionnaire d’Agriculture qui a paru en 1751, & dans plusieurs autres ouvrages tout aussi nouveaux, que le cyprès donne du fruit trois fois l’année, en Janvier, Mai, & Septembre : fait aussi étrange que faux, dont on devroit au moins se défier comme d’un fait unique qui seroit un prodige de fécondité, que l’on ne connoît encore dans aucun des végétaux qui croissent en Europe.

Ces deux especes de cyprès sont des arbres qui ne s’élevent qu’à une moyenne hauteur, qui prennent une tige droite, mais fort mince. L’espece qui répand ses branches de côté est moins fournie de rameaux, & son tronc n’en est garni qu’à une certaine hauteur comme les autres arbres ; il devient plus gros que l’autre, & il est un peu plus robuste. Le cyprès pyramidal se garnit de branches presque depuis le pié : & comme les plus basses contre l’ordinaire sont celles qui prennent le moins d’accroissement, & que les unes & les autres s’approchent naturellement de la principale tige en s’élevant perpendiculairement ; cet arbre prend de lui-même une forme réguliere, d’autant plus agréable, que l’art n’y a point de part ; & il est très-propre à border des terrasses, à former des allées, & à terminer des points de vûe dans de grands jardins, où sur-tout il fait une belle décoration lorsqu’on l’employe dans des places disposées en demi-cercle. Cependant cet arbre a déplû, & on l’a exclu des jardins parce qu’on a prétendu qu’il portoit l’ennui par-tout où il étoit, & qu’il annonçoit la tristesse. Mais c’est une idée bisarre, qu’on ne s’est faite qu’à force d’avoir vû dans les Poëtes que les anciens faisoient planter cet arbre autour de leurs tombeaux, sans faire attention qu’on ne le préféroit pour cet usage, que parce qu’il fait naturellement décoration.

On n’a pas à choisir pour ces arbres sur la qualité du terrein ; il leur faut une terre légere, graveleuse ou mêlée de sable ; & s’il y a de la profondeur, ils se plairont aux expositions chaudes ; ils se soûtiendront aussi fort bien dans une situation entierement découverte ; ils y seront beaucoup moins sujets à être mutilés par les grandes gelées que dans les terres basses, fortes, & humides, où s’ils reprennent, ils ne feront que languir & périront bien-tôt. Mais il est aisé de les multiplier.

On ne connoît encore qu’un seul moyen d’y réussir, qui est d’en semer la graine. Cette opération se doit faire au mois d’Avril : on tire la graine des pommes qui la contiennent en les exposant au soleil ou à un feu doux, & on la seme assez épais dans du terreau bien pourri & suranné, soit à plein champ, ou mieux encore pour la commodité de sarcler, en rayon d’un demi-pouce de profondeur, qu’on recouvrira légerement du même terreau. Les plans leveront au bout d’un mois, & ils auront en automne 4 ou 5 pouces de hauteur. Il faudra les arroser au besoin, mais avec de grands ménagemens, sur-tout la premiere année, durant laquelle le trop d’humidité est tout ce qu’il y a de plus contraire au cyprès comme à tous les arbres toûjours verds. On pourra les laisser dans la même place pendant deux ans, au bout desquels ils se trouveront parvenus à environ deux piés de hauteur. Mais pour la transplantation de ces arbres, il n’est pas indifférent d’en consulter l’âge. Elle réussit rarement lorsqu’ils ont plus de quatre ou cinq ans ; & dès qu’ils en ont dix ou douze jamais elle ne réussit, quelque précaution que l’on prenne pour les enlever avec une bonne motte de terre. Cette difficulté de reprendre vient de ce que la taille nuit en tout point à ces arbres, & sur-tout aux racines. On pourra donc, lorsqu’ils seront âgés de deux ans, les mettre en pepiniere pendant deux ou trois autres années au plus ; bien moins pour les faire profiter, que pour retarder l’accroissement des racines qui cherchent toûjours à s’étendre près de la surface de la terre. Lorsqu’il sera question de transplanter ces arbres, il faudra y donner les attentions & y prendre les précautions qu’exigent les arbres toûjours verds ; éviter le froid, le hale, le grand soleil ; choisir un tems sombre & humide, & préférer la fin d’Avril au commencement de Septembre, qui, quoiqu’assez convenable pour planter les arbres toû-