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parce que les mots déclinables ont cette terminaison dans cette langue ; au lieu qu’on ne sauroit parler ainsi dans une langue où cette terminaison n’est pas connue, & où il n’y a aucun nom particulier pour la désigner.

Pour ce qui est des passages de Cicéron où cet auteur après une préposition latine met, à la vérité, le nom grec avec la terminaison du datif, il ne pouvoit pas faire autrement ; mais il donne la terminaison de l’ablatif latin à l’adjectif latin qu’il joint à ce nom grec ; ce qui seroit un solécisme, dit la méthode de P. R. si le nom grec n’étoit pas aussi à l’ablatif.

Je répons que Cicéron a parlé selon l’analogie de sa langue, ce qui ne peut pas donner un ablatif à la langue greque. Quand on employe dans sa propre langue quelque mot d’une langue étrangere, chacun le construit selon l’analogie de la langue qu’il parle, sans qu’on en puisse raisonnablement rien inférer par rapport à l’état de ce nom dans la langue d’où il est tiré. C’est ainsi que nous dirions qu’Annibal défia vainement Fabius au combat ; ou que Sylla contraignit Marius de prendre la fuite, sans qu’on en pût conclure que Fabius, ni que Marius fussent à l’accusatif en latin, ou que nous eussions fait un solécisme pour n’avoir pas dit Fabium après défia, ni Marium après contraignit.

Enfin, à l’égard de ce que prétend la méthode de P. R. que les Grecs, dans des tems dont il ne reste aucun monument, ont eu un ablatif, & que c’est delà qu’est venu l’ablatif latin ; le docte Perizonius soûtient que cette supposition est sans fondement, & que les deux ou trois mots que la méthode de P. R. allegue pour la prouver sont de véritables adverbes, bien loin d’être des noms à l’ablatif. Enfin ce savant grammairien compare l’idée de ceux qui croient voir un ablatif dans la langue greque, à l’imagination de certains grammairiens anciens, qui admettoient un septieme & même un huitieme cas dans les déclinaisons latines.

Eadem est ineptia horum grammaticorum fingentium inter græcos sexti casûs vim quandam, quæ aliorum in latio, nobis obtrudentium septimum & octavum. Illa οὐρανόθεν sunt adverbia, locum undè quid venit aut proficiscitur, denotantia, quibus aliquandò per pleonasmum, præpositio ἐξ quæ idem fermè notat à poëtis, præmittitur. (Jacobus Perizonius, notâ quartâ in cap. vj. libri primi Miner. Sanctii, édit. 1714.)

Mais n’ai-je pas lieu de craindre qu’on ne trouve que je me suis trop étendu sur un point qui au fond n’intéresse qu’un petit nombre de personnes ?

C’est l’autorité que la méthode de P. R. s’est acquise, & qu’on m’a opposée, qui m’a porté à traiter cette question avec quelque étendue, & il me semble que les raisons que j’ai alléguées doivent l’emporter sur cette autorité ; d’ailleurs je me flatte que je trouverai grace auprès des personnes qui connoissent le prix de l’exactitude dans le langage de la Grammaire, & de quelle importance il est d’accoûtumer de bonne heure, à cette justesse, les jeunes gens auxquels on enseigne les premiers élémens des lettres.

Je persiste donc à croire qu’on ne doit point reconnoître d’ablatif dans la langue greque, & je me réduis à observer que la préposition ne change point la dénomination du cas qui la détermine, & qu’en grec le nom qui suit une préposition est mis ou au génitif ou au datif, ou enfin à l’accusatif, sans que pour cela il y ait rien à changer dans la dénomination de ces cas.

Enfin, j’oppose Port Royal à Port Royal, & je dis des cas, ce qu’ils disent des modes des verbes. En grec, dit la grammaire générale, chap. xvj. il y a des infléxions particulieres qui ont donné lieu aux Grammairiens de les ranger sous un mode particulier, qu’ils

appellent optatif ; mais en latin comme les mêmes inflexions servent pour le subjonctif & pour l’optatif, on a fort bien fait de retrancher l’optatif des conjugaisons latines, puisque ce n’est pas seulement la maniere de signifier, mais les différentes inflexions qui doivent faire les modes des verbes. J’en dis autant des cas des noms, ce n’est pas la différente maniere de signifier qui fait les cas, c’est la différence des terminaisons. (F)

Datif, (Jurisprud.) se dit de ce qui est donné par justice, à la différence de ce qui est déféré par la loi ou par le testament, comme la tutelle & la curatelle datives, qui sont opposées aux tutelles & curatelles légitimes & testamentaires : on dit dans le même sens un tuteur ou curateur datif. En France toutes les tutelles & curatelles comptables sont datives, & doivent être déférées par le juge sur l’avis des parens. Arrêtés de M. de Lamoignon. (A)

DATION, (Jurisprud.) est l’acte par lequel on donne quelque chose. La donation est une libéralité, au lieu que la dation consiste à donner quelque chose sans qu’il y ait aucune libéralité ; il y a, par exemple, la dation en payement, la dation de tuteur.

Dation en payement, appellée chez les Romains datio in solutum, est l’acte de donner quelque chose en payement. La dation en payement en général est un contrat qui équipole à une véritable vente, suivant la loi 4. au code de evictionibus ; c’est pourquoi elle produit les mêmes droits seigneuriaux qu’une vente, du moins quand elle est faite entre étrangers.

Si le débiteur donne son héritage, & que le créancier fasse remise de sa créance, c’est une vente déguisée sous la forme d’une donation.

L’abandonnement de biens qu’un débiteur fait à ses créanciers, ne fait cependant pas ouverture aux droits seigneuriaux ; les créanciers en ce cas ne sont que les mandataires du débiteur pour vendre, & le débiteur demeure propriétaire jusqu’à la vente, & en payant avant la vente il peut toûjours rentrer en possession.

Si on donne à la femme en payement de ses remplois des propres du mari, comme elle est étrangere à ces biens, c’est une vente dont elle doit les droits seigneuriaux : mais si on lui donne des conquêts, comme elle y avoit un droit habituel elle n’en doit point de droits, quand même elle auroit renoncé à la communauté.

Le propre du mari donné à la femme pour son doüaire préfix, est une vente à son égard.

Mais si c’est aux enfans qu’on le donne, soit pour le doüaire, soit en payement de la dot qui leur a été promise, ou d’un reliquat de compte de tutelle, ils ne doivent point de droits, parce que tôt ou tard ils auroient eu ces biens par succession, s’ils ne les avoient pas pris à autre titre ; cependant si le pere faisoit une véritable vente à son fils, il seroit dû des droits. Voyez Droits seigneuriaux, Vente, Lods et Ventes, Quint, Mutations.

Dation, ad medium plantum, étoit un bail de quelque fonds stérile & inculte que le preneur s’oblige de cultiver, à la charge d’en rendre la moitié au bailleur au bout de cinq ou six années, l’autre moitié demeurant incommutablement acquise au preneur, sauf la préférence au bailleur & à ses successeurs en cas de vente. Voyez Salvaing, de l’usage des fiefs, ch. lxxxxvij. p. 492.

Dation de tuteur & curateur, est l’acte par lequel le juge nomme un tuteur ou un curateur. V. Tutelle & Curatelle, Tuteur & Curateur, & ci-dev. Datif. (A)

DATISME, s. m. (Littérature.) maniere de parler ennuyeuse dans laquelle on entasse plusieurs synonymes pour exprimer une même chose. On prétend que c’étoit chez les Grecs un proverbe auquel avoit donné lieu Datis, satrape de Darius fils d’Hystaspes