Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 4.djvu/664

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lente dissertation de M. Melot sur la prise de Rome par les Gaulois, imprimée dans le recueil de l’académie des Belles-Lettres. On lui a reproché aussi l’espece de puérilité avec laquelle il rapporte tant de prodiges ; puérilité qui paroît supposer en lui une crédulité bien peu philosophique ; il n’y a peut-être que Plutarque qui puisse le lui disputer sur ce point. Néanmoins Tite Live peut avoir été digne en effet de la place qu’on lui a donnée, par l’excellence, la pureté, & les autres qualités de son style : mais c’est de quoi aucun moderne ne peut juger. Voyez Latinité. (O)

DECADENCE, RUINE, (Syn. Gramm.) Ces deux mots different en ce que le premier prépare le second, qui en est ordinairement l’effet. Exemple. La décadence de l’empire romain depuis Théodose, annonçoit sa ruine totale. On dit aussi des Arts qu’ils tombent en décadence, & d’une maison qu’elle tombe en ruine. (O)

DECAGONE, s. m. (Géom.) nom qu’on donne en Géométrie à une figure plane qui a dix côtés & dix angles. Voyez Figure.

Si tous les côtés & les angles du décagone sont égaux, il est appellé pour-lors décagone régulier, & peut être inscrit dans un cercle.

Les côtés du décagone régulier sont égaux en grandeur & en puissance au plus grand segment d’un exagone inscrit dans le même cercle, & coupé en moyenne & extrème raison. En voici la démonstration.

Soit AB (fig. 54. Géomét.) le côté du décagone, C le centre, l’angle ACB est de 36d. par conséquent les angles A & B sont chacun de 72 : car les trois angles d’un triangle sont égaux à deux droits. Voyez Triangle.

Si on divise l’angle A en deux également par la ligne AD, l’angle BAD sera de 36d. & les angles B & D chacun de 72 : donc le triangle BAD sera semblable au triangle ABC. De plus, l’angle DAC & l’angle C étant chacun de 36d. on aura CD = AB : donc on aura AC est à AB, ou AD, ou CDAD ou CD est à DB : or le rayon AC est le côté de l’exagone. Voyez Exagone, &c. donc, &c. Voyez Moyenne et extreme raison.

Un ouvrage de fortification composé de dix bastions, s’appelle quelquefois un décagone. (O)

DECAISSER, v. act. (Comm.) c’est tirer hors de la caisse des marchandises qui y sont renfermées. Il ne se dit que de la premiere ouverture qu’on fait d’une caisse. L’auteur du dictionnaire de Commerce prétend qu’il faudroit dire desencaisser ; mais l’usage est pour décaisser. (G)

Décaisser, (Jardin.) c’est ôter de leur caisse des arbres de fleurs, ou des figuiers, pour les remettre dans de meilleures caisses, & plus grandes. (K)

DECALITRON, s. m. (Histoire anc.) monnoies d’Egine, de Corinthe & de Syracuse, toutes les trois de même poids ; elles valoient 16 d’obole d’Athenes.

DECALOGUE, s. m. (Théol. Morale.) nom que l’on donne aux dix commandemens de Dieu gravés sur deux tables de pierre, & donnés à Moyse sur le mont Sinaï.

Ce mot est composé du grec δέκα, dix, & de λόγος, discours ou parole, comme si l’on disoit les dix paroles ; c’est pourquoi les Juifs les appellent de tems immémorial les dix paroles.

Le nombre des dix préceptes est certain ; mais les commentateurs ne conviennent pas de leur distinction : car quelques-uns comptent dix préceptes qui regardent Dieu, en distinguant la défense de faire des figures taillées, du précepte qui ordonne de n’avoir point de dieux étrangers. Les autres n’en

comptent que trois qui regardent le Seigneur, & sept qui concernent le prochain, en séparant ce précepte, Vous ne desirerez point la maison de votre prochain, d’avec celui-ci, ni sa femme, &c. Ces préceptes ont été conservés dans la loi évangelique, à l’exception de l’observation du sabbat, qui est changée en celle du dimanche, & ils obligent les Chrétiens comme les Juifs. Voyez Dimanche.

Les Samaritains, dans le texte & dans les versions qu’ils ont du Pentateuque, ajoûtent après le dix-septieme verset du vingtieme chapitre de l’Exode, & après le XXIe. verset du ve. chapitre du Deuteronome, un XIe. commandement ; savoir. de bâtir un autel sur le mont Garizim. C’est une interpolation qu’ils ont faite dans le texte, pour s’autoriser à avoir un temple & un autel sur cette montagne, afin de justifier leur schisme, & de décréditer, s’il leur étoit possible, le temple de Jérusalem, & la maniere dont on y adoroit Dieu. Cette interpolation paroît même être de beaucoup antérieure à Jesus-Christ, à qui la femme samaritaine dit dans saint Jean, c. jv. v. 20. patres nostri in monte hoc adoraverunt. Le mot patres marque une tradition ancienne, immémoriale ; & en effet cette opinion pouvoit être née avec le schisme de Jéroboam.

Les Talmudistes, & après eux Postel dans son traité de Phenicum litteris, disent que le Décalogue ou les dix commandemens étoient entierement gravés sur les tables que Dieu donna à Moyse ; mais que cependant le milieu du mem final & du samech demeuroient miraculeusement suspendus, sans être attachés à rien. Voyez la dissertation sur les médailles samaritaines, imprimée à Paris en 1715. Les mêmes auteurs ajoûtent que le Décalogue étoit écrit en lettres de lumiere, c’est-à-dire en caracteres brillans & éclatans.

Tous les préceptes du Décalogue se peuvent déduire de la justice & de la bienveillance universelle que la loi naturelle ordonne, & c’est un beau système que nous allons développer.

La premiere table du Décalogue prescrit nos devoirs envers Dieu ; l’autre, envers les hommes, & toutes deux se réduisent à l’amour de Dieu & des hommes. Or il est clair que l’une & l’autre est renfermée dans le précepte de la bienveillance universelle, qui résulte nécessairement de la considération de la nature, en tant qu’elle a Dieu pour objet, comme le chef du système intellectuel, & les hommes comme soûmis à son empire.

La premiere table du Décalogue se rapporte particulierement à cette partie de la loi de la justice universelle, qui nous enseigne qu’il est nécessaire pour le bien commun, & par conséquent pour le bonheur de chacun de nous en particulier, de rendre à Dieu ce qui lui appartient, c’est-à-dire de reconnoitre que Dieu est le souverain maître de tout & de toutes choses. Pour ce qui est du droit ou de la nécessité de lui attribuer un tel empire, on le déduit de ce que Dieu, infiniment bon, peut & veut obtenir cette fin de la maniere la plus parfaite, étant doüé d’une bonté & d’une sagesse infinie, par laquelle il découvre pleinement toutes les parties de cette grande fin, & tous les moyens les plus propres pour y parvenir ; ayant une volonté qui toûjours embrasse la meilleure fin, & choisit les moyens les plus convenables, parce qu’elle est essentiellement d’accord avec sa sagesse & sa bonté ; étant enfin revêtu d’une puissance qui ne manque jamais d’exécuter ce à quoi sa volonté souverainement sage s’est déterminée.

Dès que l’on a découvert les perfections de l’Être souverain, & la nécessité de l’empire de cet Être souverain par rapport au bien commun, qui est le plus grand de tous, on est suffisamment averti de ne rendre à aucun autre que ce soit, un culte égal à