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celle qui défendoit les mariages entre les nobles & le peuple. Heureusement après l’expulsion des décemvirs cette derniere loi fut cassée, l’an 308 de Rome, & presque toutes celles qui avoient fixé les peines s’évanoüirent : à la vérité on ne les abrogea pas expressément ; mais la loi Porcia ayant défendu de mettre à mort un citoyen romain, elles n’eurent plus d’application. Art. de M. le Chevalier de Jaucourt.

* DÉCENCE, s. f. (Morale.) c’est la conformité des actions extérieures avec les lois, les coûtumes, les usages, l’esprit, les mœurs, la religion, le point d’honneur, & les préjugés de la société dont on est membre : d’où l’on voit que la décence varie d’un siecle à un autre chez le même peuple, & d’un lieu de la terre à un autre lieu, chez différens peuples ; & qu’elle est par conséquent très-différente de la vertu & de l’honnêteté, dont les idées doivent être éternelles, invariables, & universelles. Il y a bien de l’apparence qu’on n’auroit pû dire d’une femme de Sparte qui se seroit donné la mort parce que quelque malheur ou quelqu’injure lui auroit rendu la vie méprisable, ce qu’Ovide a si bien dit de Lucrece :

Tunc quoque jam moriens, ne non procumbat honestè,
Respicit ; hæc etiam cura cadentis erat.

Qu’on pense de la décence tout ce qu’on voudra, il est certain que cette derniere attention de Lucrece expirante répand sur sa vertu un caractere particulier, qu’on ne peut s’empêcher de respecter.

DECENNA ou DÉCURIE, (Hist. anc.) étoit autrefois en Angleterre un nombre ou une compagnie de dix hommes avec leurs familles, formant ensemble une espece de société ; & qui tous étoient obligés de répondre au roi de la conduite tranquille les uns des autres.

Il y avoit dans chacune de ces compagnies un principal chef qui étoit appellé dixenier, du nom de son office ; & encore à présent dans quelques contrées ce mot est en usage, quoique cet officier ne soit maintenant autre chose qu’un commissaire, & que l’ancienne coûtume des décuries soit tombée depuis long-tems. Chambers. (G)

Ces sortes de dixeniers se sont conservés dans la police de la ville de Paris & de plusieurs autres villes de ce royaume, où l’on trouve des quarteniers pour chaque quartier, puis des cinquanteniers, quatre par chaque quartier, & des dixeniers qui sont ou doivent être seize dans chaque quartier. Autrefois ils avoient droit les uns & les autres d’assembler les bourgeois de leurs départemens ; mais depuis l’établissement d’un lieutenant général de police, ces offices de ville sont des titres sans fonctions. (a)

DÉCENNALES, adj. pr. sub. (Hist, anc. & mod.) étoit le nom d’une fête que les empereurs romains célébroient la dixieme année de leur regne, & pendant laquelle ils offroient des sacrifices, donnoient au peuple des jeux, lui faisoient des largesses, &c.

Auguste fut le premier auteur de cette coûtume, & ses successeurs l’imiterent.

Pendant la même fête on faisoit des vœux pour l’empereur & pour la durée de son empire. On appelloit ces vœux vota decennalia. Voyez Vœu.

Depuis le tems d’Antonin le Pieux, nous trouvons ces fêtes marquées sur les médailles ; primi decennales, secundi decennales ; vota sol. decenn. ij. vota suscept. decenn. iij. ce qui même sert de preuves pour la chronologie.

Il paroît que ces vœux se faisoient au commencement de chaque dixaine d’années, & non à la fin ; car sur des médailles de Pertinax, qui à peine régna quatre mois, nous lisons, vota decenn. & votis decennalibus.

On prétend que ces vœux pour la prospérité

des empereurs furent substitués à ceux que le censeur faisoit dans les tems de la république pour le salut & la conservation de l’état. En effet ces vœux avoient pour objet, non-seulement le bien du prince, mais encore celui de l’empire, comme on peut le remarquer dans Dion, liv. VIII. & dans Pline le jeune, liv. X. ép. 101.

L’intention d’Auguste en établissant les decennalia, étoit de conserver l’empire & le souverain pouvoir, sans offenser ni gêner le peuple. Car durant le tems qu’on célebroit cette fête, ce prince avoit coûtume de remettre son autorité entre les mains du peuple, qui rempli de joie, & charmé de la bonté d’Auguste, lui redonnoit à l’instant cette même autorité dont il s’étoit dépouillé en apparence. Voyez le dictionn. de Trév. & Chambers. (G)

DECEPTION, s. f. (Jurisp.) signifie surprise. Déception d’outre moitié du juste prix ; c’est lorsque quelqu’un a été induit par erreur à donner quelque chose pour moins de la moitié de sa valeur. Voy. Erreur & Lézion. (A)

DECERNER, v. act. (Jurisp.) signifie ordonner, prononcer.

Décerner un decret contre quelqu’un, c’est le decréter, prononcer contre lui un decret, soit de prise de corps, ou d’ajournement personnel, ou d’assigné pour être oüi. Un commissaire décerne aussi son ordonnance. Les receveurs des consignations, les commissaires aux saisies réelles, les fermiers généraux & leurs soûfermiers, décernent des contraintes contre les redevables, pour les obliger de payer. Voy. Contrainte. (A)

DECÉS, MORT, TREPAS, (Gramm. Synon..) M. l’abbé Girard remarque, avec raison, que décès est du style du palais, trépas du style poétique, & mort du style ordinaire : nous ajoûterons 1°. que mort s’employe au style simple & au style figuré, & que décès & trépas ne s’employent qu’au style simple ; 2°. que trépas qui est noble dans le style poétique a fait trépassé, qui ne s’employe point dans le style noble. Ce n’est pas la seule bisarrerie de notre langue. (O)

Décés, s. m. (Jurisprud.) se prouve par les registres mortuaires des paroisses, monasteres, hôpitaux, & autres lieux où celui dont il s’agit est décédé ; ou en cas de perte des registres mortuaires, par des actes équipollens. Ordonn. de 1667, tit. xx. art. 7. & suiv.

Le décès d’un juge, d’une partie, ou de son procureur, apporte divers changemens dans la procécédure. Voyez Arbitre, Juge, Criminel, Evocation, Procureur. (A)

DECHALASSER, (Œconom, rustiq.) c’est ôter les échalats des vignes après qu’on a fait la vendange. On dit dans l’Orléanois décharneler.

DECHANT, s. m. (Musiq.) terme ancien par lequel on désignoit ce que nous entendons par le contrepoint. Voyez l’article Contrepoint.

DECHAPERONNER, v. act. (Fauconnerie.) c’est ôter le chaperon d’un oiseau quand on veut le lâcher. On dit, déchaperonnez cet oiseau.

DECHARGE, s. f. (Jurispr.) en général, est un acte par lequel on tient quitte quelqu’un d’une chose.

Donner une décharge à quelqu’un d’un billet ou obligation, c’est lui donner une reconnoissance comme il a payé, ou le tenir quitte du payement.

On donne aussi une décharge à un procureur ou à un homme d’affaire, par laquelle on reconnoît qu’il a remis les deniers & papiers dont il étoit chargé.

Obtenir sa décharge, c’est obtenir un jugement qui libere de quelque dette ou de quelque charge réelle, comme d’une rente fonciere, d’une servitude, ou