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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 4.djvu/69

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vent, ils y vont en telle & aussi grande compagnie qu’ils le jugent à-propos. L’assemblée d’élection qui devroit s’ouvrir au jour marqué par l’électeur de Mayence, est presque toûjours differée sur divers prétextes, ou par conjonctures, ou par des affaires importantes au bien du corps germanique : c’est ainsi que l’élection de l’empereur Léopold fut differée pendant onze mois, jusqu’à ce qu’il eut atteint l’âge nécessaire pour son élection.

Etats de l’Empire : Collége des Electeurs. L’empereur étant déclaré chef ; il doit y avoir un corps d’états à la tête duquel il soit. Ce corps est divisé en trois classes ou colléges ; savoir, celui des électeurs, celui des princes de l’Empire, & enfin le collége des villes impériales. Cette distinction fut établie à la diete de Francfort en 1580.

Le collége électoral a pour directeur l’électeur de Mayence, & se trouve composé de neuf électeurs. Il est difficile de marquer en quel tems le titre d’électeurs leur a été donné, & depuis quand ils ont le privilege d’élire l’empereur, à l’exclusion de tous les autres princes de l’Empire. On a crû pendant plus de 250 ans, c’est-à-dire depuis l’an 1250 jusqu’en 1500, que le collége électoral avoit été établi par le pape Grégoire V. & par l’empereur Othon III. c’est-à-dire sur la fin du x. siecle. Les auteurs ne différoient alors qu’en ce que les uns donnoient la préférence au pape, & d’autres à l’empereur, selon que les écrivains étoient portés pour les uns ou pour les autres. Onuphrius Panvinius, célebre Augustin italien du xvj. siecle, paroît être le premier qui ait attaqué cette opinion par un traité qu’il a fait de l’élection de l’empereur, & son sentiment est aujourd’hui communément reçu. Sa raison étoit que personne n’a pû trouver jusqu’alors ni depuis, aucune constitution ni bulle qui porte cet établissement. Le premier qui en a parlé, est Martinus Polonus, qui écrivoit au milieu du xiij. siecle, tems où vivoit Fréderic II. ainsi 250 ans après Othon III. & son témoignage, qui n’est appuyé d’aucunes preuves, ne suffit pas pour porter l’établissement des électeurs jusqu’au x. siecle. On croit cependant que du tems de Fréderic II. les grands officiers de l’Empire, ou plûtôt des empereurs, s’attribuerent peu-à-peu le droit d’élire leur souverain ; mais cette espece d’usurpation n’eut un état fixe & constant que par la bulle d’or publiée par l’empereur Charles IV. Cette bulle qui avoit fixé à sept le nombre des électeurs, leur avoit accordé en même tems des charges d’honneur ; mais elle avoit aussi attaché à certains états la dignité électorale, de sorte que quiconque les possede légitimement, devient en même tems électeur de l’Empire.

Quoique la bulle d’or ne parle que de sept électeurs, cependant il s’en trouve aujourd’hui neuf. On sait que l’électeur palatin Fréderic V. ayant accepté en 1619 la couronne de Bohème, au préjudice de la maison d’Autriche, fut entierement défait en 1620 à la bataille de Prague ; & qu’en conséquence Ferdinand II. le mit au ban de l’Empire en 1623, & le priva de son électorat, qui fut accordé la même année à Maximilien duc de Baviere. Fréderic Palatin se vit contraint de se retirer en Hollande, où il mourut au mois de Novembre 1631. Mais au traité de Westphalie, qui termina en 1648 la fameuse guerre de trente années, Charles-Louis, fils de Fréderic V. fut rétabli dans la dignité électorale, sans néanmoins en priver le duc de Baviere, ce qui forma pour lors le nombre de huit électeurs.

Vers la fin du siecle dernier, l’empereur Léopold créa un neuvieme électorat en faveur de la maison de Brunswick-Hannovre, qui lui étoit fort attachée. Cette maison est constamment l’une des plus anciennes & des plus illustres de l’empire d’Allemagne ;

& Léopold, pour reconnoître par cette dignité l’affection de la branche d’Hannovre, créa en faveur du duc Ernest-Auguste un neuvieme électorat le 19 Décembre 1692. Ce fut néanmoins avec le consentement extracollégial des électeurs de Mayence, de Baviere, de Saxe, & de Brandebourg ; mais comme cette affaire n’avoit pas été discutée ni conclue collégialement par les électeurs, le nouvel électeur souffrit alors beaucoup de difficultés, même après l’investiture électorale que Sa Majesté impériale lui avoit conferée à Vienne. Ces difficultés ne furent levées que depuis que la maison d’Autriche & les amis de celle d’Hannovre eurent trouvé moyen d’obtenir le consentement collégial des électeurs de Treves, de Cologne & Palatin : ainsi après une longue opposition, ils sont enfin convenus que le duc d’Hannovre joüiroit du titre d’électeur ; & quoiqu’ils se fussent réservé la discussion définitive des conditions sous lesquelles le nouvel électeur devroit être mis dans la possession totale & dans l’exercice de son titre, tout s’est terminé à l’avantage de la maison d’Hannovre. Cette dispute du neuvieme électorat se trouve expliquée avec autant de lumieres que d’exactitude, dans un écrit inséré dans les Lettres historiques de M. Dumont, au mois de Février 1698. Voy. à l’article ce qui constitue cette dignité en général ; mais il ne sera pas inutile de connoître ce qui concerne chaque électeur en particulier.

Dans la décadence de la maison de Charlemagne, les grands officiers de ces premiers empereurs avoient des gouvernemens, qu’ils rendirent successifs & héréditaires à leur postérité ; ainsi que firent les seigneurs François qui étoient auparavant ducs ou comtes bénéficiaires des grands fiefs de la couronne, & qui se les attribuerent en propre. Les seuls princes ecclésiastiques ne firent aucune usurpation : ils eurent leurs grands domaines de la libéralité de Charlemagne, de ses successeurs, & même des premiers rois de Germanie & des anciens empereurs Allemands.

Mayence & les deux autres électeurs ecclésiastiques possedent les charges d’archi-chanceliers, qui sont des charges de l’état, & ne sont pas regardés comme domestiques. Le premier est archi-chancelier de l’empire pour l’Allemagne. Cette dignité est purement élective, & dépend du chapitre composé de vingt-quatre chanoines, qu’on nomme capitulaires, parce qu’ils forment particulierement le haut chapitre : les autres chanoines, au nombre de dix-huit, sont nommés domiciliaires ; & comme ils sont admis & qu’ils ont fait leurs preuves de seize quartiers, ils viennent à leur tour à être aggrégés au nombre des capitulaires. Le revenu & l’étendue des états de ce prince sont assez limités. Il nomme ordinairement un vice-chancelier qui réside à Vienne, séjour actuel de l’empereur, & là il prend soin des affaires du corps germanique, qui se traitent à la cour impériale. La ville de Mayence, capitale de cet électorat, étoit autrefois une ville impériale ; mais elle fut privée de cet avantage en punition de l’assassinat d’Arnoul de Zellenoven son archevêque, qui fut commis par la bourgeoisie de cette ville l’an 1160. Henri II. de Wimberg est le premier archevêque de Mayence, qui fut déclaré électeur au tems de la publication de la bulle-d’or, & qui mourut en 1353. L’électeur de Mayence prend pour le temporel l’investiture de l’empereur comme un des grands vassaux de l’Empire, à cause des fiefs qu’il a reçûs de ses prédécesseurs. Il garde les archives & la matricule de l’Empire ; il a inspection sur le conseil aulique, & sur la chambre impériale, & il est arbitre de la plûpart des affaires publiques de l’Empire : c’est à lui, comme premier ministre, que les princes étrangers s’adressent pour les propositions qu’ils ont à faire au corps