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cultivées & ensemencées, sont en défends en tout tems, jusqu’à ce que les fruits soient recueillis.

Que les prés, terres vuides & non cultivées sont en défends depuis la mi-Mars jusqu’à la sainte Croix en Septembre, & qu’en autre tems elles sont communes, &c.

Que les chevres, porcs & autres bêtes malfaisantes, sont en tout tems en défends.

Enfin que les bois sont toûjours en défends, à la réserve de ceux qui ont droit de coûtume & usage, lesquels en peuvent user, suivant l’ordonnance. (A)

DEFENDU, PROHIBÉ, synon. (Gramm.) Ces deux mots désignent en général une chose qu’il n’est pas permis de faire, en conséquence d’un ordre ou d’une loi positive. Ils different en ce que prohibé ne se dit guere que des choses qui sont défendues par une loi humaine & de police. La fornication est défendue, & la contrebande prohibée. (O)

Defendu, adj. On dit, en termes de Blason, qu’un sanglier est défendu d’une telle couleur ou d’un tel métal, pour dire que sa défense ou sa dent de dessous est d’un autre émail que son corps. (V)

DEFENS, c’est, en terme de Marine, un commandement pour empêcher que le vaisseau n’approche de quelque chose qui le pourroit incommoder. (Z)

Defens du Nord, Defens du Sud, (Mar.) c’est commander au timonier de ne pas gouverner de ce côté-là, & de ne pas trop s’en approcher, suivant la nature du danger. (Z)

DEFENSABLES, adj. (Jurisprud.) Les héritages défensables sont ceux dont l’usage n’est pas abandonné à chacun pour y faire paître ses bestiaux, ou du moins qui sont en défends pendant un certain tems.

Les coûtumes contiennent diverses dispositions à ce sujet, & imposent des peines à ceux qui font paître leurs bestiaux dans des héritages défensables, pendant le tems qu’ils sont en défends. Voyez le gloss. de Ducange, au mot Defensa. (A)

Defense de soi-même, (Religion, Morale, Droit nat. & civ.) action par laquelle on défend sa vie, soit par des précautions, soit à force ouverte, contre des gens qui nous attaquent injustement.

Le soin de se défendre, c’est-à-dire de repousser les maux qui nous menacent de la part d’autrui, & qui tendent à nous perdre ou à nous causer du dommage dans notre personne, est une suite nécessaire du soin de se conserver, qui est inspiré à chacun par un vif sentiment de l’amour de soi-même, & en même tems par la raison. Mais comme il résulte souvent un conflit apparent entre ce que l’on se doit & ce que l’on doit aux autres, par la nécessité où l’on se trouve contraint, ou de repousser le danger dont on est menacé, en faisant du mal à celui qui veut nous en faire ; ou de souffrir un mal considérable, & quelquefois même de périr : nous allons tâcher d’indiquer comment on a droit de ménager la juste défense de soi-même dans l’état naturel & dans l’état civil.

On se défend ou sans faire du mal à l’aggresseur, en prenant des précautions contre lui ; ou bien en lui faisant du mal jusqu’à le tuer, lorsqu’il n’y a pas moyen de se tirer autrement du péril : car quelque injuste que soit l’entreprise d’un aggresseur, la sociabilité nous oblige à l’épargner, si on le peut, sans en recevoir un préjudice considérable. Par ce juste tempérament on sauve en même tems les droits de l’amour propre & les devoirs de la sociabilité.

Mais quand la chose est impossible, il est permis dans certaines occasions de repousser la force par la force, même jusqu’à tuer un injuste aggresseur. Les lois de la sociabilité sont établies pour la conservation & l’utilité commune du genre humain, & on ne doit jamais les interpréter d’une maniere qui ten-

de à la destruction de chaque personne en particulier.

Tous les biens que nous tenons de la nature ou de notre propre industrie, nous deviendroient inutiles, si lorsqu’un injuste aggresseur vient nous en dépouiller, il n’étoit jamais juste d’opposer la force à la force ; pour lors le vice triompheroit hautement de la vertu, & les gens de bien deviendroient sans ressource la proie infaillible des méchans. Concluons que la loi naturelle, qui a pour but notre conservation, n’exige point une patience sans bornes, qui tendroit manifestement à la ruine du genre humain. Voyez dans Grotius les solides réponses qu’il fait à toutes les objections contre le droit de se défendre.

Je dis plus : la loi naturelle ne nous permet pas seulement de nous défendre, elle nous l’ordonne positivement, puisqu’elle nous prescrit de travailler à notre propre conservation. Il est vrai que le Créateur y a pourvû par l’instinct naturel qui porte chacun à se défendre, ensorte qu’on péchera plûtôt de l’autre côté que de celui ci ; mais cela même prouve que la juste défense de soi-même n’est pas une chose absolument indifférente de sa nature, ou seulement permise.

Il est vrai cependant que non-seulement l’on peut dans l’état de nature, mais que l’on doit même quelquefois renoncer aux droits de se défendre. De plus, on ne doit pas toûjours en venir à la derniere extrémité contre un injuste aggresseur ; il faut au contraire tâcher auparavant de se garantir de ses insultes par toutes autres voies plus sûres & moins violentes. Enfin la prudence & la raison veulent encore que l’on prenne le parti de se tirer d’affaire en souffrant une légere injure, plûtôt que de s’exposer à un plus grand danger en se défendant mal-à-propos.

Mais si dans l’état naturel on a droit de repousser le danger présent dont on est menacé, l’état civil y met des bornes. Ce qui est légitime dans l’indépendance de l’état de nature, où chacun peut se défendre par ses propres forces & par les voies qu’il juge les plus convenables, n’est point permis dans une société civile, où ce droit est sagement limité. Ici on ne peut légitimement avoir recours pour se défendre, aux voies de la force, que quand les circonstances seules du tems ou du lieu ne nous permettent pas d’implorer le secours du magistrat contre une insulte qui expose à un danger pressant notre vie, nos membres, ou quelqu’autre bien irréparable.

La défense naturelle par la force a lieu encore dans la société civile, à l’égard des choses qui, quoique susceptibles de réparations, sont sur le point de nous être ravies, dans un tems que l’on ne connoît point celui qui veut nous les enlever, ou qu’on ne voit aucun jour à espérer d’en tirer raison d’une autre maniere ; c’est pour cela que les lois de divers peuples, & la loi même de Moyse, permettoient de tuer un voleur de nuit. Dans l’état civil, comme dans l’état de nature, après avoir pris toutes les précautions imaginables, mais sans succès, pour nous garantir des insultes qui menacent nos jours, il est alors toûjours permis de se défendre à main armée contre toute personne qui attaque notre vie, soit qu’elle le fasse malicieusement & de propos délibéré, ou sans en avoir dessein ; comme, par exemple, si l’on court risque d’être tué par un furieux, par un fou, par un lunatique, ou par un homme qui nous prend pour un autre auquel il veut du mal ou qui est son ennemi. En effet, il suffit pour autoriser la défense de sa vie, que celui de la part de qui on est exposé à ce péril, n’ait aucun droit de nous attaquer, & que rien ne nous oblige d’ailleurs à souffrir la mort sans aucune nécessité.

Il paroît même que les droits de la juste défense de ses jours ne cessent point, si l’aggresseur injuste qui