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tacle, il auroit lui-même éteint les flammes. Il signa du fond de son palais de Versailles, la destruction de tout un pays, parce qu’il ne voyoit dans cet ordre que son pouvoir, & le malheureux droit de la guerre ; mais de plus près il n’en eût vû que les horreurs. Les nations qui jusques-là n’avoient blâmé que son ambition, en l’admirant, blâmerent alors sa politique ». Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Si on en croit M. de Folard, les entreprises qui consistent uniquement à ravager & à faire le dégât bien avant dans une frontiere, ne sont guere utiles, & elles font plus de bruit qu’elles ne sont avantageuses ; parce que si l’on n’a pas d’autre objet que celui de détruire le pays, on se prive des contributions.

« Si l’on faisoit, dit Montecuculi, le ravage au tems de la récolte, on ôteroit à l’ennemi une partie de subsistance ; mais comme on ne peut le faire alors, parce que l’ennemi tient la campagne, & qu’il l’empêche, on le fait dans l’hiver quand il est entierement inutile. » Il est certain que le ravage d’un pays, lorsqu’il n’est pas fort étendu, ne change rien ou peu de chose à la nature de la guerre. L’ennemi se pourvoit d’une plus grande quantité de provisions, & le mal ne tourne, comme le dit l’auteur qu’on vient de citer, qu’à l’oppression des pauvres paysans, ou des propriétaires des biens qu’on a détruits. Si l’on remporte ensuite quelque avantage sur l’ennemi, on ne peut suivre sa victoire : on souffre les mêmes inconvéniens qu’on a voulu faire souffrir à son ennemi : ainsi, « loin que ces dégâts nous soient avantageux, dit encore Montecuculi, ils nous sont au contraire très-préjudiciables, & nous faisons justement ce que l’ennemi devroit faire s’il n’étoit pas en état de tenir la campagne ».

Un général prudent & judicieux ne doit donc pas faire le dégât d’un pays sans de grandes raisons ; c’est-à-dire lorsque ce dégât est absolument nécessaire pour sauver ou conserver les provinces frontieres ; mais lorsque le dégât ne peut produire que du mal, & l’intérêt de quelques particuliers chargés de cette triste fonction ; le bien des habitans, celui même de l’armée qu’on commande s’opposent à cette destruction. On dit le bien de l’armée même, parce que le pays qu’on pille fournit des provisions pour servir de ressource dans le besoin. (O)

DÉGAUCHIR, (Coupe des pierres.) c’est former une surface plane ; ce qui se fait par le moyen de deux regles, AB, CD, fig. 9, que l’on applique sur la pierre, & que l’on regarde d’un point O, tel que les lignes ou rayons visuels OC, OB, touchent la regle AB ; alors les deux regles sont dans un même plan, & la pierre étant taillée selon leur direction se trouve dégauchie. (D)

DÉGEL, s. m. (Phys.) fonte de glace, qui par la chaleur de l’air reprend son premier état de fluide. Voyez Glace.

Nous allons donner en substance les principaux phénomenes du dégel d’après l’ouvrage de M. de Mairan, qui a pour titre : Dissertation sur la glace, Paris 1749. Nous supprimerons les explications physiques, tant parce qu’elles sont purement conjecturales, que parce qu’elles doivent être lûes dans l’ouvrage même.

La glace mise sur une assiete d’argent moins froide qu’elle, fond plus vite que sur la paume de la main, parce que la glace s’applique plus exactement à la surface polie du métal. La glace fond plus vite sur le cuivre que sur les autres métaux, & sur un fer à repasser, que sur un fer ordinaire ; & il est bon d’ajoûter que le cuivre, & sur-tout le cuivre jaune, est celui de tous les métaux que la chaleur dilate le plus.

La glace se fond beaucoup plus lentement qu’elle ne s’est formée ; elle commence à se fondre par la surface : mais au lieu que l’eau se gele du centre à la circonférence, elle se dégele de la circonférence au centre.

Dans tout ce que nous venons de dire, nous entendons en général par dégel la fonte de la glace ; mais dans l’usage ordinaire ce mot signifie l’adoucissement du tems, qui fait fondre dans un pays les glaces & les neiges. Les causes générales du dégel sont le retour du soleil vers nous, la précipitation des corpuscules nitreux & salins de l’air, les vents de sud chauds, ou tempérés, & humides, & surtout le relâchement des parties extérieures du terrein par une sortie plus abondante des vapeurs terrestres. Mezeray rapporte qu’en 1608, il se forma dans le dégel, par le mouvement des glaçons, une masse de glace sur la Saône à Lyon devant l’église de l’Observance. Le froid paroît augmenter au commencement du dégel, quoiqu’il diminue réellement ; c’est que l’air est alors plus humide & plus pénétrant. Voyez Chaleur, Cave, Thermometre & Degré.

Les murailles & les autres corps solides & épais ayant été refroidis par la gelée, & se réchauffant plus lentement, il arrive que pendant le dégel les particules humides de l’air qui s’y attachent, forment encore une espece de gelée ou de neige : ces mêmes particules se condensant ainsi dans les sillons très-fins & presque imperceptibles que le sable des vitriers fait sur les panneaux de vitre, y forment des courbes plus ou moins régulieres & remarquables. Voyez Dissertation sur la glace, page 319, & suivantes. (O)

DEGENERER, (Jardinage.) se dit d’un oignon inférieur en beauté à la mere qui l’a produit ; une graine qui dégénere. (K)

DEGLUTITION, s. f. (Medec. Physiol.) signifie une des actions principales de l’œconomie animale, qui consiste dans l’exercice d’une des fonctions naturelles, par laquelle les alimens mâchés ou rendus presque fluides par quelqu’autre moyen que ce soit, & ceux qui sont naturellement liquides, sont portés de la bouche dans l’œsophage, sont avalés & portés dans l’estomac. Voy. Mastication, Œsophage.

Les alimens, après avoir été suffisamment hachés par les dents incisives, percés & déchirés par les canines, & broyés par les molaires ; après avoir été assez humectés, pénétrés, ramollis par les différens sucs salivaires (voyez Salive), sont convertis en une espece de pâte, laquelle se trouvant éparse dans les différentes parties de la bouche, en-dedans & en-dehors des gencives, est ensuite ramassée par le concours de l’action des muscles, des levres & des joues, & par celle de la langue, qui est susceptible de se mouvoir, de se plier & de se replier, de s’allonger & de se raccourcir en tous sens, au moyen des différens plans de fibres musculeuses dont elle est composée. Voyez Langue.

Cette pâte étant réunie en une seule masse sur le dos de la langue, celle-ci s’élargit, de maniere qu’elle est contigue aux deux côtés des mâchoires ; elle éleve sa pointe vers le palais, elle se rend concave par sa partie moyenne, ensorte qu’elle tient renfermée de tous côtés la matiere alimentaire entr’elle & la voûte de la bouche : elle est relevée aux deux côtés de sa base par la contraction des muscles styloglosses, & sa base elle-même est en même tems abaissée par le raccourcissement des sternohyoidiens & des homohyoidiens, ce qui forme comme un canal incliné vers le fond de la bouche. La langue dans cette situation n’agissant que par sa pointe,