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que dans le genre délibératif l’orateur parle d’une maniere simple, mais pourtant avec dignité, & qu’il employe plûtôt des pensées solides que des expressions fleuries. Mais en général on peut dire que l’importance ou la médiocrité de la matiere doivent régler l’élocution.

L’usage des passions entre aussi dans ce genre, tantôt pour les exciter, & tantôt pour les réprimer dans l’ame de ceux qu’on veut porter à une résolution, ou qu’on se propose d’en détourner.

Il est aisé de comprendre que pour dissuader ou détourner quelqu’un d’une entreprise, on doit se servir de raisons contraires à celles que l’on employe pour persuader ; c’est-à-dire qu’alors nous devons prouver que la chose pour laquelle on délibere est contre l’honneur ou l’utilité, peu nécessaire ou injuste, ou impossible, ou du moins environnée de tant de difficultés, que rien n’est moins assûré que le succès qu’on s’en promet. (G).

Délibératif, (Hist.) en termes de suffrages, signifie le droit qu’une personne a de dire son avis dans une assemblée, & d’y voter. Les juges dans les parlemens & autres cours, n’ont pas voix délibérative avant vingt-cinq ans pour les matieres civiles, ni avant vingt-sept en matiere criminelle, à moins d’une dispense d’âge accordée par le prince. Dans les conciles les évêques seuls ont voix délibérative, & les députés du second ordre n’ont que voix consultative. (G)

DÉLIBÉRATION, s. f. (Jurispr.) est le conseil que l’on tient sur quelqu’affaire. Les ordonnances, édits & déclarations des princes souverains portent ordinairement qu’ils ont été donnés après avoir eu sur ce grande & mûre délibération.

Les ordonnances se délibéroient autrefois en parlement : à ces délibérations ont succédé les enregistremens.

On dit qu’une compagnie délibere, quand elle est aux opinions sur quelqu’affaire.

Délibération signifie aussi la résolution qui est prise dans une assemblée, telle qu’un chapitre, une compagnie de jûstice, un corps de ville, une communauté d’habitans, ou de marchands & artisans, & autres communautés & compagnies.

Pour qu’une délibération soit valable, il faut que l’assemblée ait été convoquée dans les regles, que la délibération ait été faite librement & à la pluralité des voix ; & elle doit être rédigée par écrit sur le registre commun, conformément à ce qui a été arrêté. Ceux qui composent la communauté ne peuvent contrevenir à ses délibérations, tant qu’elles subsistent & ne sont point anéanties par autorité de justice.

Les délibérations capitulaires ne peuvent être formées que par ceux qui sont capitulaires, c’est-à-dire qui ont voix en chapitre.

Dans les assemblées de créanciers unis en corps de direction, les délibérations qui se forment pour les affaires communes, doivent être arrêtées à la pluralité des voix ; & pour que ces délibérations servent de regle contre ceux qui étoient absens, ou qui ont refusé d’y souscrire, il faut qu’elles soient faites par des créanciers dont les créances forment les trois quarts au total des créances, & faire omologuer en justice ces délibérations avec ceux qui refusent d’y acquiescer. (A)

DÉLIBÉRÉ, adj. (Jurispr.) signifie ce qui a été résolu & arrêté, après y avoir tenu conseil.

Les avocats mettent à la fin de leurs consultations, délibéré en tel endroit le . . . . pour dire que la consultation a été faite en tel lieu.

Quand les juges trouvent de la difficulté à juger une cause sur le champ à l’audience, ils ordonnent qu’il en sera délibéré ; & ce jugement préparatoire

s’appelle un délibéré, parce qu’il ordonne que l’on délibérera.

On appelle aussi délibéré, le jugement definitif qui intervient après qu’il a été délibéré. On rappelle ordinairement dans ce jugement définitif, celui qui a ordonné le délibéré ; ensuite on ajoûte ces mots : & après qu’il en a été délibéré, la cour ordonne, &c. ou si c’est un juge inférieur, nous disons, &c.

Un juge, quoique seul en son siége, peut ordonner un délibéré, pour avoir le tems de réfléchir sur l’affaire.

L’objet des délibérés est d’approfondir les affaires, & néanmoins d’éviter aux parties les frais d’un appointement ; c’est pourquoi les délibérés se jugent en l’état qu’ils se trouvent, c’est-à-dire que la cause se juge sur les pieces seulement dont on se servoit à l’audience : c’est pourquoi on fait ordinairement laisser sur le champ les sacs & pieces sur le bureau.

Quelquefois on donne aux parties le tems de faire, si bon leur semble, un mémoire pour joindre à leurs pieces & instruire les juges, & en ce cas on leur laisse quelquefois les pieces pour faire le mémoire.

Le délibéré se juge quelquefois sur le champ ; c’est-à-dire qu’après avoir fait retirer l’audience, on la fait rouvrir dans la même séance, pour prononcer le délibéré.

Quelquefois on remet le jugement délibéré à un autre jour, sans le fixer ; & alors on nomme un rapporteur du délibéré, devant lequel on joint les pieces de la cause & les mémoires ; mais on ne peut ni produire de nouvelles pieces, ni former de nouvelles demandes : c’est pourquoi l’on dit que les délibérés se jugent en l’état qu’ils se trouvent.

Lorsqu’une partie a quelque nouvelle demande à former depuis le délibéré, il faut la porter à l’audience ; & si on trouve qu’il y ait connexité, on ordonne sur cette nouvelle demande un délibéré, & joint au premier délibéré.

Le rapporteur ayant examiné l’affaire, en fait son rapport au conseil ; & quand on est d’accord du jugement, on fait avertir les procureurs de faire trouver les avocats de la cause à l’audience, pour reprendre leurs conclusions, ensuite on prononce le jugement : c’est ce que l’on appelle un délibéré sur pieces vûes.

A la cour des aides il y a certaines causes légeres, telles que les appels de sur-taux, où il est d’usage d’ordonner des délibérés. Il arrive quelquefois qu’au lieu de prononcer à l’audience le jugement qui intervient sur le délibéré, on le met tout-d’un-coup sur la feuille du greffier : c’est ce que l’on appelle un délibéré sur le registre. Un arrêt de la cour des aides de Paris, du 14 Décembre 1683, ordonne que les délibérés sur le registre dans les élections du ressort, seront jugés dans trois jours, & prononcés à l’audience suivante, à peine par les officiers des élections d’en répondre en leurs propres & privés noms.

Les délibérés ne produisent point d’épices. Voyez le mémorial alphabétique des tailles, au mot Délibéré. (A)

DÉLIBÉRER, v. n. (Jurisprud.) se dit des juges & autres personnes qui tiennent conseil sur une affaire.

On dit aussi qu’un héritier a le droit de délibérer, & un délai pour délibérer, c’est-à-dire pour se déterminer s’il acceptera la succession, ou s’il y renoncera.

Cette faculté de délibérer tire son origine du droit romain. Le digeste & le code contiennent chacun un titre exprès de jure deliberandi.

Suivant les lois du digeste, si un esclave étoit institué héritier, ce n’étoit point à lui qu’on accordoit un délai pour délibérer, mais à son maître, parce que les esclaves étoient comptés pour rien par le