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portant que les clercs accusés de crimes ecclésiastiques répondroient devant les juges d’église, & devant les juges séculiers pour les crimes graves & qualifiés ; ce qui fut confirmé par Edouard II.

Damhoudere en sa pratique de Flandre, observe aussi que les ecclésiastiques y sont soûmis à la justice séculiere pour les crimes graves, tels que l’homicide, l’assassinat, port d’armes, & autres semblables.

Il est donc étrange que l’on traite de délits & cas privilégiés, des faits dont la connoissance appartient de droit commun au juge royal, & dont il est le juge naturel, & de traiter de délits communs ceux dont le juge d’église connoît seulement par exception & par privilége.

Cependant l’usage a prévalu au contraire, même dans les tribunaux séculiers, pour l’application de ces termes délit commun & délit ou cas privilégié ; & si nous avons relevé cette erreur, c’est moins pour reclamer la véritable signification de ces termes, que pour soûtenir les vrais principes par rapport à la jurisdiction que le Roi a de droit commun sur les ecclésiastiques, & non pas seulement par exception & par privilége.

Au reste, selon la façon commune de parler, on met dans la classe des délits privilégiés tous ceux qui se commettent contre le bien & le repos public, & que le Roi a intérêt de faire punir pour l’exemple & la sûreté de ses sujets, comme sont les crimes de lése-majesté divine & humaine, l’incendie, la fausse monnoie, l’homicide de guet-à-pens, le vol sur les grands-chemins, le vol nocturne, le port d’armes défendues, la force & la violence publique, la contravention aux défenses faites par un juge royal, & autre, délits semblables.

Les délits communs sont tous ceux qui ne sont point privilégiés, tels que le simple larcin, l’homicide sait sans dessein prémédité, les injures faites à des particuliers, & autres semblables délits dont les juges d’église connoissent quand ils sont commis par des ecclésiastiques.

Il y a aussi des délits purement ecclésiastiques, c’est-à-dire qui sont des contraventions aux saints decrets & constitutions canoniques, tels que la simonie, la confidence, le sacrilége commis sans violence ; tels sont aussi les délits commis par des ecclésiastiques, tant en omettant à faire ce qui est de leur devoir ou en faisant ce qui leur est défendu, comme si un curé omettoit malicieusement de dire la messe & faire le service divin les jours de fêtes & dimanches, s’il refusoit d’administrer les sacremens à ses paroissiens, s’il célebroit les saints mysteres d’une maniere indécente, s’il exerçoit quelqu’art ou métier indigne de son caractere. Quoique ces délits soient de la compétence du juge d’église, le juge royal en peut aussi connoître lorsqu’il y a scandale public, & que l’ordre public y est intéressé.

Un ecclésiastique peut donc pour un même fait être justiciable du juge d’église & du juge royal, lorsque le fait participe tout à la fois du délit commun & du délit privilégié.

Les juges des seigneurs ne peuvent connoître d’aucuns délits commis par les ecclésiastiques, mais seulement en informer, & ensuite renvoyer l’information au greffe royal.

Suivant l’ordonnance de Moulins, quand il y avoit délit commun & privilégié, le juge royal devoit d’abord faire le procès à l’ecclésiastique pour le cas privilégié, & ensuite le renvoyer au juge d’église pour le délit commun ; & en attendant le jugement de l’official, l’accusé devoit tenir prison pour la peine du cas privilégié, dont le juge d’église étoit responsable supposé qu’il élargît le prisonnier.

Mais depuis par l’édit de Melun il a été ordonné que le procès pour le délit commun & le délit privi-

légié sera fait par le juge d’église & par le juge royal

conjointement ; & en ce cas le juge royal doit se transporter au siége du juge d’église, ils y instruisent conjointement le procès, mais ils rendent chacun séparément leur sentence.

La forme de cette procédure a encore été réglée par deux déclarations des mois de Février 1682 & Juillet 1684, & par l’art. 38 de l’édit de 1693, qui ordonne l’exécution des précédentes ordonnances, notamment de l’édit de Melun & de la déclaration de 1684.

La déclaration du 4 Février 1711 ordonne que dans les procès qui seront faits conjointement par le juge d’église pour le délit commun, & par le juge royal pour le cas privilégié, le juge d’église aura la parole, prendre le serment des accusés & des témoins, & fera en présence du juge royal les interrogatoires, recollemens & confrontations.

Quand l’ecclésiastique est jugé par le juge d’église seul, & condamné pour le délit commun, il peut, quoiqu’il ait satisfait à la condamnation, être encore repris par le juge royal, & puni de nouveau par lui pour le cas privilégié.

Il en seroit de même si l’ecclésiastique avoit été absous par le juge d’église ; le juge royal pourroit néanmoins encore lui faire son procès.

Mais si l’ecclésiastique avoit été renvoyé absous par le juge royal, ou qu’il eût obtenu grace du Roi qui eût été entérinée, le juge d’église ne pourroit plus intenter procès à l’accusé pour le délit commun ; & s’il le faisoit il y auroit abus.

Les peines que le juge d’église peut infliger pour le délit commun sont la suspension, l’interdit, l’excommunication, les jeûnes, les prieres, la privation pour un tems du rang dans l’église, de voix délibérative dans le chapitre, des distributions manuelles ou d’une partie des gros fruits, la privation des bénéfices, la prison pour un tems, & la prison perpétuelle. L’Eglise n’a point de punition qui puisse aller au-delà. Voyez Juge d’Eglise.

Voyez la loi xxiij. au code Théod. de episcop. & cleric. la novel. 123. de Justinien ; le tr. du délit commun & cas privilégié ; celui de l’abus par Fevret, livre VIII. ch. j. ij. iij. & jv. Bouchel, biblioth. du droit franç. au mot Cas ; & la bibliot. canon. au mot . Leprêtre, cent. 20. Henrys, tome II. liv. I. quest. 16. Le tr. de l’abus par Fevret, liv. VIII. ch. j. (A)

Délit ecclésiastique, est celui qui est commis singulierement contre les saints decrets & constitutions canoniques, comme la simonie, la confidence, l’hérésie. Voyez ce qui en est dit ci-devant au mot Délit commun. (A)

Délit, (flagrant.) est le moment même où le coupable vient de commettre le crime ou le dommage dont on se plaint. On dit qu’il est pris en flagrant délit, lorsqu’il est saisi & arrêté, ou du moins surpris en commettant le fait dont il s’agit. Voyez l’art. jx. du tit. 10. de l’ordonnance criminelle ; Julius Clarus, lib. V. sentent. quæst. viij. n. 5. (A)

Délit grave. est celui qui mérite une punition sévere : on dit en ce cas plutôt crime que délit. (A)

Délit imparfait, est celui que l’on a eu dessein de commettre, ou même qui a été commencé, mais qui n’a pas été achevé. Pour savoir comment on punit ces sortes de délits, voyez ce qui en est dit au mot Crime. (A)

Délit leger, est celui qui ne mérite pas une punition bien rigoureuse : telles sont la plûpart des injures, lorsqu’elles n’ont pas causé d’ailleurs un préjudice notable. (A)

Délit militaire, est une faute commise contre la discipline militaire. Voyez le titre de re militari,