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fois, c’est qu’ils avoient dans les alvéoles trois couches de l’humeur visqueuse, ce qui n’arrive presque jamais.

Vers l’âge de vingt-un an les deux dernieres des dents molaires paroissent, & sont nommées dents de sagesse, parce qu’elles sortent lorsque l’on est à l’âge de discrétion. Voyez Sagesse.

On distingue dans chaque dent en particulier deux portions ; l’une est hors l’alvéole & appellée le corps de la dent ; elle est aussi appellée couronne, mais ce nom convient plus particulierement aux molaires ; l’autre est renfermée dans l’alvéole, & se nomme la racine de la dent. Ces deux portions sont distinguées par une espece de ligne circulaire, qu’on appelle le collet de la dent : leur situation est telle, que dans le rang supérieur les racines sont en-haut & le corps en-bas, & dans le rang inférieur la racine est en-bas & le corps en-haut.

On observe au collet de la dent quelques petites inégalités à l’endroit où s’attache la gencive, & le long des racines différens petits sillons qui rendent l’adhérence de leur périoste plus intime. Voyez Gencive & Périoste.

On observe au bout de la racine de chaque dent un trou par où passent les vaisseaux dentaires, & qui est l’orifice d’un conduit plus ou moins long, qui va en s’élargissant aboutir à une cavité située entre le corps & la racine ; cette cavité s’appelle sinus : elle est plus ou moins grande, & il paroît que l’âge n’est pas la seule cause de ces variétés ; car on la trouve grande dans de vieux sujets, & petite dans de jeunes ; petite dans des gens avancés en âge, & grande dans de jeunes gens.

Lorsque les racines ont plusieurs branches, ces branches varient beaucoup par rapport à leur direction ; tantôt elles s’approchent par leur bout en embrassant quelquefois une portion de la mâchoire & les vaisseaux dentaires : on donne alors à ces dents le nom de dents barrées ; tantôt elles se portent en-dehors, quelquefois elles se confondent ensemble, rarement avec leurs voisines.

M. de la Hire le jeune a observé que le corps de la dent est couvert d’une substance particuliere appellée émail, entierement différente de celle du reste de la dent.

Cet émail appellé périoste, coeffe, croûte par quelques autres, est composé d’une infinité de petites fibres qui s’ossifient par leurs racines, à-peu-près comme font les ongles ou les cornes. Voyez Ongle & Corne.

Cette composition se discerne facilement dans une dent cassée, où l’on apperçoit l’origine & la situation des fibres. M. de la Hire est persuadé que l’accroissement de ces fibres se fait à-peu-près comme celui des ongles. Si par quelque accident un petit morceau de cet émail vient à être cassé, ensorte que l’os reste à nud, c’est-à-dire si les racines des fibres sont emportées, l’os se cariera en cet endroit, & on perdra sa dent, n’y ayant aucun os dans le corps qui puisse souffrir l’air. Voyez Os.

Il y a à la vérité des gens, qui à force de se frotter les dents avec des dentifriques, &c. ont l’émail si usé & si endommagé, qu’on voit l’os à travers, sans que néanmoins la dent soit cariée. Mais la raison de cela est que l’os n’est pas entierement nud, & qu’il reste encore une couche mince d’émail qui le conserve ; & comme cette couche est assez mince pour être transparente, la couleur jaune de l’os se voit à-travers.

Les dents de la mâchoire supérieure reçoivent des nerfs de la seconde branche de la cinquieme paire ; celles de la mâchoire inférieure de la troisieme branche de la cinquieme paire. Voyez les articles Nerf & Machoire.

Les arteres viennent des carotides externes, & les veines vont se décharger dans les jugulaires externes. Voyez Carotide & Jugulaire.

Quoique les dents ne soient pas revêtues d’un périoste semblable à celui des autres os, elles ont cependant une membrane qui leur en tient lieu ; le périoste qui revêt les os maxillaires s’approche du bord des alvéoles, dans lesquelles il se réflechit & s’unit intimement avec la membrane qui les tapisse en-dedans, à moins que quelques fibres charnues de la gencive ne s’opposent à cette union.

Les dents ne sont point sensibles par elles-mêmes, & elles tiennent des nerfs qui s’y distribuent toute la sensibilité qu’elles paroissent avoir. Voyez Nerf.

Quelquefois une dent se casse, & l’os reste nud, sans que la personne en ressente aucune douleur. La raison de cela est que le trou de la racine de la dent par où entre un petit filet de nerf, qui rend la dent sensible, étant entierement bouché par l’âge ou par quelqu’autre cause, a comprimé le nerf & ôté toute communication entre la dent & l’origine des nerfs, & par conséquent toute sensibilité.

Les anciens, & même Riolan parmi les modernes, ont crû que les dents étoient incombustibles, & qu’elles l’étoient seules entre toutes les parties du corps ; c’est pourquoi on les plaçoit avec grand soin dans des urnes parmi les cendres des morts. Mais cette opinion est fausse, car on n’a trouvé que deux dents dans les tombeaux de Westphalie, dont il y en avoit même une à demi-calcinée. On peut d’ailleurs s’assûrer par soi-même de la fausseté de ce sentiment.

Une autre erreur populaire est que les dents croissent toûjours, même dans les vieillards, jusqu’à l’heure de la mort. M. de la Hire observe que l’émail, qui est une substance fort différente de celle des dents, est la seule partie des dents qui croît.

La figure, la disposition & l’arrangement des dents, sont admirables. Les plus antérieures sont foibles, & éloignées du centre de mouvement, comme ne servant qu’à donner la premiere préparation aux alimens ; les autres, qui sont faites pour les broyer & les hacher, sont plus grosses & placées plus près du centre de mouvement.

Galien suppose que l’ordre des dents fût renversé, & que les molaires, par exemple, fussent à la place des incisives ; & il demande de quel usage seroient alors les dents, & quelle confusion ne causeroit pas ce simple dérangement. Il conclut de-là que comme nous jugerions qu’un homme auroit de l’intelligence, parce qu’il rangeroit dans un ordre convenable une compagnie de trente deux hommes, ce qui est justement le nombre des dents, nous devons à plus forte raison juger la même chose du créateur, &c. Gal. du usu partium.

La différente figure des dents dans les différens animaux, n’est pas une chose moins remarquable ; elles sont toutes exactement proportionnées à la nourriture particuliere & aux besoins des diverses sortes d’animaux : ainsi dans les animaux carnaciers elles sont propres à saisir, à tenir, à déchirer la proie. Dans les animaux qui vivent d’herbages, elles sont propres à ramasser & à briser les végétaux : dans les animaux qui n’ont point de dents, comme les oiseaux, le bec y supplée.

Le défaut de dents pendant un certain tems dans quelques animaux, n’est pas moins digne d’attention ; comme, par exemple, que les enfans n’en ayent point, tandis qu’ils ne pourroient s’en servir que pour se blesser eux-mêmes, ou leurs meres ; & qu’à l’âge où ils peuvent prendre une nourriture plus substancielle & se passer de la mammelle, & où ils commencent à avoir besoin de dents pour parler, qu’alors justement elles commencent à paroître, &