Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 4.djvu/855

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ture sépare la portion saillante de l’os, ou de la séparer par une seconde amputation. La seconde opération est praticable ; nous avons des preuves qu’elle a été faite plusieurs fois avec succès. Les anciens cautérisoient la portion saillante de l’os avec dés fers ardens ; mais ce moyen qu’on étoit obligé de réitérer souvent, auroit pour le plus grand nombre des malades, un appareil plus effrayant que la resection de l’os avec la scie. Il ne paroît pas qu’il puisse résulter aucun accident de la seconde amputation : car pour scier l’os saillant dénué ou non, l’on n’est obligé de couper qu’une ligne ou deux de parties molles à la base de la portion excédante. La cure sera certainement abrégée par cette méthode ; & l’on fait en moins d’une minute une opération à laquelle la nature se refuse, ou qu’elle ne feroit qu’imparfaitement, quelque tems qu’on attendît. Il ne paroît donc pas qu’on doive laisser à la nature le soin de la séparation du bout de l’os qui fait saillie après l’amputation. Quelques auteurs modernes assûrent néanmoins que cette opération ne se fait pas sans que le malade ne courre de nouveaux dangers, & qu’ils l’ont vû accompagnée de grands accidens. Cela ne peut arriver que quand on coupera trop haut dans les chairs, qui sont à la base du cône que fait le moignon dans ces sortes d’amputations. On doit alors craindre tous les accidens qui surviennent après les amputations ordinaires, sur-tout si l’extrémité du cordon des gros vaisseaux étoit comprise dans cette section ; & sans supposer des circonstances aussi peu favorables, on conçoit qu’une seconde amputation dans laquelle on seroit simplement obligé de couper une certaine épaisseur de chairs autour de l’os, peut être suivie d’inflammation & d’autres accidens, qui seront d’autant plus à craindre, que les malades auront plus souffert de l’amputation précédente & de ses suites. Les observations que nous avons sur ces accidens, nous font voir qu’ils dépendoient de l’état des parties molles ; ainsi l’on ne peut en tirer aucune conséquence contre la pure & simple resection du cylindre osseux saillant.

Ce moyen n’est cependant pas préférable dans tous les cas. Fabrice de Hilden fournit une observation très-intéressante, par laquelle nous croyons pouvoir restreindre le précepte général que nous venons de donner.

Un jeune homme, à peine hors de danger d’une dyssenterie maligne, fut attaqué tout-à-coup d’une douleur au talon droit, qui affecta sur le champ tout le pié. Quoique cette douleur fût très-vive, il ne survint ni gonflement, ni chaleur ; au contraire le malade se plaignoit de sentir un froid si cuisant, qu’il ne pouvoit se retenir de crier nuit & jour. On tâcha en vain d’échauffer la partie avec des linges & des briques. Les accidens augmenterent en peu de jours : la gangrene se manifesta ; elle fit des progrès ; & enfin sans causer ni chaleur ni enflure, elle gagna la jambe jusqu’au genou. Elle parut s’y borner par un ulcere sordide, qui avoit tellement rongé les muscles & tous les ligamens, que les os du genou & la rotule en furent totalement séparés. On jugea à-propos d’amputer la cuisse : l’opération fut faite le dernier jour de Janvier 1614. Fabrice fut obligé de quitter ce malade quelques jours après. Il le laissa dans la situation la plus fâcheuse, sans forces & avec des sueurs froides qui menaçoient d’une mort prochaine. Le malade se soûtint néanmoins contre toute espérance ; & Fabrice, à son retour le troisieme Mars, le trouva en bon état : à cela près que l’os débordoit le niveau des chairs de plus de deux travers de doigt, ce dont on s’étoit déjà apperçû à la levée des premiers appareils. Ce grand praticien n’hésita pas sur le parti qu’il devoit prendre : il proposa de scier au niveau de la playe cette

portion saillante ; mais il reconnut en commençant l’opération, que la nature avoit déjà travaillé très efficacement à la séparation : il ne continua point, & se contenta d’ébranler l’os, vacillant doucement de côté & d’autre. Il en fit autant chaque fois qu’on levoit l’appareil ; & au bout de quatre jours il tira, sans douleur & sans qu’il sortît une seule goutte de sang, une portion de la totalité du femur de la longueur d’environ cinq pouces.

Dans une pareille circonstance, la resection de la portion saillante de l’os au niveau des chairs, seroit une opération absolument inutile, puisque la dénudation s’étendroit plus haut que la surface de la playe : voilà le cas où il faut confier la séparation de l’os aux soins de la nature, toûjours attentive à rejetter tout ce qui lui est nuisible. Quelque précises que soient nos connoissances sur les cas où il convient d’avoir recours à l’art, ou de commettre à la nature le soin de la séparation de l’os, il se présente un point plus important à déterminer ; c’est de trouver les moyens de prévenir l’inconvénient de cette saillie. Nous les donnerons à l’article Saillie. (Y)

DÉODANDE, (Hist. mod.) en Angleterre est un animal ou une chose inanimée, confiscable en quelque sorte au profit de Dieu, pour l’expiation du malheureux accident qu’elle a causé en tuant un homme sans qu’aucune créature humaine y ait aucunement contribué.

Si par exemple un cheval donne à son maître, ou son palefrenier, un coup de pié qui le tue ; si un homme conduisant une charrette tombe dessous, & que la roue passe sur lui & l’écrase ; si un bûcheron abattant un arbre crie à ceux qui se trouvent-là de se ranger, & que nonobstant cette précaution l’arbre tombant écrase quelqu’un : dans chacun de ces trois cas, le cheval, ou la charrette & les chevaux, ou l’arbre, seront deodandes (deodanda), c’est-à-dire seront confiscables au profit de Dieu : en conséquence de quoi le roi s’en saisira, & en fera distribuer le prix par ses aumôniers, pour l’expiation de ce malheureux accident, quoique causé par un animal sans raison, ou même par un corps inanimé. Et cela en vertu de cette loi : Omnia quæ movent ad mortem sunt deodanda ; c’est-à-dire que « tout ce qui par son mouvement a donné la mort à un homme, doit être dévoüé à Dieu ».

Il paroît que cette loi a été dressée à l’imitation de celle de l’Exode, chap. xxj. où on lit que « si un bœuf frappe de sa corne un homme ou une femme & qu’ils en meurent, on le lapidera & on n’en mangera pas la chair ; au moyen dequoi le maître de l’animal sera innocent de cet accident ».

Fleta dit que le deodande doit être vendu, & que le prix en doit être distribué aux pauvres pour l’ame du roi, celles de ses ancêtres, & de tous les fideles trépassés. Fleta n’a pas sans doute entendu que l’ame de celui qui a été tué par le deodande, n’eût pas de part aux prieres. Chambers. (G)

DÉPAQUETER, v. act. (Comm.) défaire un paquet de marchandises, l’ouvrir. Voyez Paquet.

DÉPARAGER, (Jurispr.) c’est ôter le parage, le faire cesser ; un fief est déparagé, quand le parage est fini. Voyez Fief & Parage. (A)

Déparager, signifie aussi marier une fille à quelqu’un d’une condition inférieure à la sienne.

Dans la coûtume de Normandie, le frere ne doit pas déparager sa sœur ; s’il est noble, & qu’il la marie à un roturier pour avoir meilleure composition du mariage avenant de sa sœur, en ce cas elle est déparagée, & peut prendre des lettres de rescision, pour faire augmenter son mariage avenant. Voyez les articles 251 & 357 de la coûtume de Normandie. Voyez Mariage avenant. (A)

DÉPAREILLER, ôter le pareil, (Comm.) il se dit