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DICHOTOME, adj. (Astr.) on dit que la Lune est dichotome, lorsque l’on voit précisément la moitié de sa face éclairée. Voyez Dichotomie. (O)

DICHOTOMIE, BISSECTION, s. f. (Astron.) c’est un terme usité par les Astronomes, pour exprimer la phase ou apparence de la Lune dans laquelle elle est coupée en deux, de sorte qu’on ne voit que la moitié de son disque ou de son cercle. Voy. Phase. Ce mot est grec, formé de δίς, deux fois, & τέμνω, je coupe.

Le tems de la dichotomie de la Lune est d’un grand usage pour déterminer la distance du Soleil à la terre ; & la maniere dont on s’en sert pour cette recherche, est expliquée dans l’introductio ad veram astronomiam de Keill, ch. xxiij. Cette méthode a été inventée par Aristarque de Samos, qui l’a substituée à une autre fort peu exacte, par laquelle Ptolomée mesuroit la distance du Soleil à la terre. Mais il est fort difficile de fixer le moment précis où la Lune est coupée en deux parties égales, c’est-à-dire quand elle est dans sa véritable dichotomie. La Lune paroît coupée en deux parties égales, quand elle est proche des quadratures : elle le paroît aussi sensiblement dans les quadratures même, & encore quelque tems après, ainsi que Riccioli le reconnoît dans son Almageste ; de sorte qu’elle paroît dichotomisée au moins pendant un petit espace de tems : dans ce tems, chaque moment peut être pris pour le véritable point de la dichotomie, aussi-bien que tout autre moment. Or une très-petite erreur dans le moment de la dichotomie, en produit une fort grande dans la distance du Soleil. M. le Monnier fait voir qu’en ne se trompant que de quatre secondes, ce qu’il est presque impossible d’éviter, on peut trouver dans un cas que la distance du Soleil est de 13758 demi-diametres terrestres ; & dans un autre, qu’elle est seulement de 6876 demi-diametres. Ainsi le moment où arrive la véritable dichotomie est incertain ; mais supposant qu’elle arrive avant la quadrature, Riccioli prend pour la vraie dichotomie le milieu du tems écoulé entre la quadrature & le tems où la dichotomie de la Lune commence à être douteuse.

Il eût bien mieux fait, dit M. le Monnier, de prendre le milieu entre les deux instans auxquels les phases de la Lune étoient douteuses, c’est-à-dire le milieu entre l’instant auquel la Lune a cessé d’être en croissant ou concave, & l’instant auquel elle a commencé à paroître bossue ou convexe, puisque ce dernier tems doit arriver un peu après la quadrature : de cette maniere il auroit conclu la distance du Soleil à la terre beaucoup plus grande qu’il ne la déduit de son calcul. Inst. astron. page 452. & suiv.

En général, si on pouvoit mesurer exactement quelque phase de la Lune autre que la dichotomie, on s’en serviroit avantageusement pour mesurer la distance de la terre au Soleil. Mais on s’appercevra toûjours qu’il est impossible de ne se pas tromper dans cette mesure, au moins de quelques secondes ; d’où l’on voit que par cette méthode on ne peut guere se flatter de connoître la distance du Soleil. Il faut avoüer néanmoins que par de semblables observations, on s’est enfin assûré que la distance du Soleil à la terre surpassoit beaucoup 7000 demi-diametres terrestres ; & tout ce qu’on peut en effet tirer de cette méthode, c’est de déterminer les limites entre lesquelles est comprise la distance de la terre au Soleil. Mais ces limites seront fort grandes.

La dichotomie est proprement ce qu’on appelle, dans le langage vulgaire, le commencement du premier ou du dernier quartier. (O)

* DICORDE, s. m. (Hist. anc.) instrument de musique des anciens, ainsi appellé, parce qu’il n’avoit que deux cordes ; sa forme est celle d’un quarré long, qui va toûjours un peu en diminuant.

* DICROTE, s. m. (Hist. anc.) Cicéron s’est servi de ce mot en deux endroits, où les savans prétendent qu’il signifie un grand vaisseau à deux rangs de rames élevés l’un au-dessus de l’autre.

Dicrote, (Med.) δίκροτος, bis feriens, se dit d’une espece de battement composé d’artere, qui constitue le pouls rebondissant. Voyez Pouls & Rebondissant. (d)

DICTAMNE DE CRETE, s. m. (Bot.) plante à tête écailleuse, du milieu de laquelle s’éleve une fleur en gueule, & des fleurons avec plusieurs anneaux qui forment un long épi pendant.

Il est vraissemblable que notre dictamne, ou comme plusieurs l’écrivent, dictamne de Crete, est le même que celui des anciens. En effet d’habiles critiques ont heureusement rétabli un passage de Dioscoride, défiguré par quelques copistes, au moyen dequoi cet auteur ne dit pas que le dictamne ne porte point de fleurs ni de grains, mais il dit que ni sa fleur ni son fruit ne sont bons à rien. Pline qui compare le dictamne au pouliot, ajoûte qu’on ne se sert que de ses feuilles. Théophraste est du même avis. Damocrate, dans Galien, parle aussi des fleurs du dictamne. Enfin c’étoit un fait si commun, & si peu revoqué en doute, que Virgile lui-même a décrit la tige & la fleur du dictamne de Crete.

Hic Venus indigno nati concussa dolore,
Dictamnam genitrix Cretæâ carpit ab Idâ,
Puberibus caulem foliis, & flore comantem
Purpureo :

Æneid. lib. XII. v. 412.


« Vénus touchée de voir qu’une indigne trahison avoit réduit son fils dans un état déplorable, va cueillir, sur le mont Ida dans l’île de Crete, du dictamne, dont la tige est garnie de feuilles velues, & porte à son sommet de longs bouquets de fleurs purpurines ».

Prouvons par la description botanique de cette plante, que celle du poëte est très-exacte.

Le dictamne de Crete qui vient naturellement en Grece, & particulierement en Candie dans les fentes des rochers, pousse des racines brunes & fibreuses, des tiges dures, & couvertes d’un duvet blanc, hautes de neuf pouces, & branchues. Les feuilles naissent deux à deux aux nœuds des tiges ; elles sont arrondies, longues d’un pouce, couvertes d’un duvet épais, blanchâtre : leur odeur est agréable, leur saveur est très-âcre & brûlante. Les fleurs naissent au sommet des branches, dans de petites têtes feuillées en forme d’épi, & comme écailleuses, de couleur purpurine en-dehors. Ces fleurs sont d’une seule piece en gueule, d’une belle couleur de pourpre, portées sur un calice en cornet cannelé, dans lequel sont renfermées quatre graines arrondies, très-menues.

Le dictamne quoique originaire des pays chauds, peut néanmoins endurer le froid de nos hyvers, pourvû qu’on le plante dans un terrein sec & sablonneux. On le multiplie de boutures, qu’on met à l’abri du froid, & qu’on arrose jusqu’à ce que les rejettons ayent pris racine, après quoi on les plante dans des pots. Il fleurit au milieu de l’été, mais ses graines n’acquierent guere leur maturité que dans un climat chaud, comme en Provence, en Languedoc, & en Italie.

Nous connoissons encore une seconde espece de dictamne appellée par les Botanistes, dictamnus montis Sipyli, origani foliis. Flor. Bat. Origanum montis Sipyli, H. L. 463. Cette seconde espece a été trouvée sur le mont Sipyle dans l’Asie mineure, près du Méandre, par le chevalier Georges Whecler dans ses voyages, & par lui envoyé à Oxford. C’est une très-jolie plante qui porte de grands épis de fleurs d’une beauté durable ; ce qui fait qu’elle mérite une