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principaux qui y sont en usage : il faut, pour voir la liaison & l’analogie des différens objets, & l’usage des différens termes, former dans sa tête & à part le plan d’un traité de cette Science bien lié & bien suivi : il faut ensuite observer quelles seroient dans ce traité les parties & propositions principales, & remarquer non seulement leur dépendance avec ce qui précede & ce qui suit, mais encore l’usage de ces propositions dans d’autres Sciences, ou l’usage qu’on a fait des autres Sciences pour trouver ces propositions. Ce plan bien exécuté, le dictionnaire ne sera plus difficile. On prendra ces propositions ou parties principales ; on en fera des articles étendus & distingués ; on marquera avec soin par des renvois la liaison de ces articles avec ceux qui en dépendent ou dont ils dépendent, soit dans la Science même dont il s’agit, soit dans d’autres Sciences ; on fera pour les simples termes d’Art particuliers à la Science, des articles abrègés avec un renvoi à l’article principal, sans craindre même de tomber dans des redites, lorsque ces redites seront peu considérables, & qu’elles pourront épargner au lecteur la peine d’avoir recours à plusieurs articles sans nécessité ; & le dictionnaire encyclopédique sera achevé. Il ne s’agit pas de savoir si ce plan a été observé exactement dans notre ouvrage ; nous croyons qu’il l’a été dans plusieurs parties, & dans les plus importantes ; mais quoi qu’il en soit, il suffit d’avoir montré qu’il est très-possible de l’exécuter. Il est vrai que dans un ouvrage de cette espece on ne verra pas la liaison des matieres aussi clairement & aussi immédiatement que dans un ouvrage suivi. Mais il est evident qu’on y suppléera par des renvois, qui serviront principalement à montrer l’ordre encyclopédique, & non pas seulement comme dans les autres dictionnaires à expliquer un mot par un autre. D’ailleurs on n’a jamais prétendu, encore une fois, ou étudier ou enseigner de suite quelque Science que ce puisse être dans un dictionnaire. Ces sortes d’ouvrages sont faits pour être consultés sur quelque objet particulier : on y trouve plus commodément qu’ailleurs ce qu’on cherche, comme nous l’avons déjà dit, & c’est-là leur principale utilité. Un dictionnaire encyclopédique joint à cet avantage celui de montrer la liaison scientifique de l’article qu’on lit, avec d’autres articles qu’on est le maitre, si l’on veut, d’aller chercher. D’ailleurs si la liaison particuliere des objets d’une science ne se voit pas aussi-bien dans un dictionnaire encyclopédique que dans un ouvrage suivi, du moins la liaison de ces objets avec les objets d’une autre science, se verra mieux dans ce dictionnaire que dans un traité particulier, qui borné à l’objet de la science dont il traite, ne fait pour l’ordinaire aucune mention du rapport qu’elle peut avoir aux autres sciences. Voy. le Prospectus & le Discours préliminaire déjà cités.

Du style des dictionnaires en général. Nous ne dirons qu’un mot sur cet article ; le style d’un dictionnaire doit être simple comme celui de la conversation, mais précis & correct. Il doit aussi être varié suivant les matieres que l’on traite, comme le ton de la conversation varie lui-même suivant les matieres dont on parle.

Il nous resteroit pour finir cet article à parler des différens dictionnaires ; mais la plûpart sont assez connus, & la liste seroit trop longue si on vouloit n’en omettre aucun. C’est au lecteur à juger sur les principes que nous avons établis, du degré de mérite que peuvent avoir ces ouvrages. Il en est d’ailleurs quelques-uns, & même des plus connus & des plus en usage, dont nous ne pourrions parler sans en dire peut-être beaucoup de mal ; & notre travail, comme nous l’avons dit ailleurs, ne consiste point à décrier celui de personne. A l’égard de l’Encyclopédie, tout

ce que nous nous permettrons de dire, c’est que nous ne négligerons rien pour lui donner le degré de perfection dont nous sommes capables, toûjours persuadés néanmoins que nous y laisserons beaucoup à faire. Dans cette vûe nous recevrons avec reconnoissance tout ce qu’on voudra bien nous adresser sur ce dictionnaire, remarques, additions, corrections, critiques, injures même, quand elles renfermeront des avis utiles : omnia probate, quod bonum est tenete. L’empire des Sciences & des Lettres, s’il est permis de se servir de cette comparaison, ressemble à ces lieux publics où s’assemblent tous les jours un certain nombre de gens oisifs, les uns pour joüer, les autres pour regarder ceux qui joüent : le silence par les lois du jeu est ordonné aux spectateurs, à moins qu’on ne leur demande expressément leur avis ; & plusieurs gens de lettres, trop amoureux de leurs productions, voudroient qu’il en fût ainsi dans l’empire littéraire : pour nous, quand nous serions assez puissans pour détourner la critique, nous ne serions pas assez ennemis de notre ouvrage pour user de ce droit. Voilà nos dispositions : nous n’avons souhaité de guerre avec personne ; nous n’avons rien fait pour l’attirer ; nous ne l’avons point commencée, ce sont là des faits constans ; nous avons consenti à la paix, dès qu’on nous a paru le desirer, & nous souhaitons qu’elle soit durable. Si nous avons répondu à quelques critiques, nous avons crû le devoir à l’importance de l’ouvrage, à nos collégues, à la nature des reproches qui nous regardoient personnellement, & sur lesquels trop d’indifférence nous eût rendus coupables. Nous eussions gardé le silence si la critique n’eût attaqué que nous, & n’eût été que littéraire. Occupés desormais uniquement de notre travail, nous suivrons par rapport aux critiques (quels qu’ils puissent être), l’exemple d’un grand monarque de nos jours, qui n’a jamais voulu répondre ni souffrir qu’on répondît à une satyre absurde & scandaleuse publiée il y a quelques mois contre lui : c’est à moi, dit-il, à mépriser ce qui est faux dans cette satyre, & à me corriger s’il y a du vrai. Parole bien digne d’être conservée à la postérité, comme le plus grand éloge de ce monarque, & le plus beau modele que puissent se proposer des gens de lettres. (O)

Dictionnaire, Vocabulaire, Glossaire, synonymes. (Gramm.) Après tout ce que nous avons dit dans l’article précédent, il sera aisé de sentir quelle est la différente acception de ces mots. Ils signifient en général tout ouvrage où un grand nombre de mots sont rangés suivant un certain ordre, pour les retrouver plus facilement lorsqu’on en a besoin. Mais il y a cette différence, 1°. que vocabulaire & glossaire ne s’appliquent guere qu’à de purs dictionnaires de mots, au lieu que dictionnaire en général comprend non-seulement les dictionnaires de langues, mais encore les dictionnaires historiques, & ceux de sciences & d’arts : 2°. que dans un vocabulaire les mots peuvent n’être pas distribués par ordre alphabétique, & peuvent même n’être pas expliqués. Par exemple, si on vouloit faire un ouvrage qui contînt tous les termes d’une science ou d’un art, rapportés à différens titres généraux, dans un ordre différent de l’ordre alphabétique, & dans la vûe de faire seulement l’énumération de ces termes sans les expliquer, ce seroit un vocabulaire. C’en seroit même encore un, à proprement parler, si l’ouvrage étoit par ordre alphabétique, & avec explication des termes, pourvû que l’explication fût très courte, presque toûjours en un seul mot, & non raisonnée : 3°. à l’égard du mot de glossaire, il ne s’applique guere qu’aux dictionnaires de mots peu connus, barbares, ou surannés. Tel est le glossaire du savant M. Ducange, ad scriptores media & infimæ la-