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ou de la déglutition : si la tumeur lymphatique devient schirreuse, on le connoît par les signes du skirrhe. Voy. Skirrhe. De même que si celui-ci devient chancreux, on en jugera par les signes du chancre. Voyez Chancre.

Les symptomes ci-dessus énoncés caractérisent l’angine suffocatoire, & la distinguent de la non suffocatoire ; l’idiopathique & la sympathique, l’épidémique & la sporadique ont aussi leur caractere propre, que leur qualité spécifique annonce suffisamment : la suppuratoire & la gangreneuse se font connoître par les signes de la suppuration & de la gangrene.

Toutes les angines humorales sont formées par des tumeurs ; mais il n’y en a point dans la paralytique & la convulsive qui dépendent des muscles de la partie affectée, trop constamment contractés ou relâchés par le défaut des nerfs moteurs, qui pechent par trop ou trop peu de jeu. L’esquinancie paralytique est souvent une suite de l’apoplexie, de l’émiplégie, des grandes évacuations, des longues convalescences, pendant lesquelles les forces diminuent de plus en plus, bien-loin de se rétablir, de la compression des nerfs, par la luxation de quelque vertebre du cou, sur-tout de la seconde, &c. L’angine convulsive est un symptome de maladie spasmodique, comme l’épilepsie, la passion hystérique, hypocondriaque : on distingue ces deux especes d’angine par le défaut de tumeur, tant au-dedans qu’au-dehors, & par les signes des maladies dont elles sont les accessoires.

Après avoir exposé les principaux symptomes de l’esquinancie, considérée dans ses différentes especes, & après en avoir déduit les signes diagnostics pour chacune en particulier, l’ordre exige de passer aux prognostics, que l’on peut aussi tirer de ces mêmes symptomes : l’observation enseigne en général que les angines dans lesquelles la respiration est gênée, sont les plus dangereuses, & que les autres qui ne font que rendre la déglutition difficile, sont le moins à craindre pour les suites, pourvû que la respiration ne soit point lésée. Pour ce qui est de l’angine vraie, inflammatoire, qui rend la respiration difficile, celle qui a son siége dans la cavité du larynx, auprès de la glotte & dans ses bords sur-tout, est la plus mauvaise de toutes, & il y a plus à craindre de celle qui empêche la déglutition, lorsque l’on ne peut découvrir aucune tumeur ni rougeur dans la gorge, & que cependant le commencement de l’exercice de la déglutition est fort douloureux. On peut aussi dire de toutes angines inflammatoires, qu’elles doivent être regardées comme très-pernicieuses, & le plus souvent mortelles, lorsqu’elles sont situées dans l’intérieur de la gorge, de maniere que l’on ne puisse appercevoir ni tumeur ni rougeur : les autres de la même espece, quoique très-fâcheuses, sont cependant souvent moins dangereuses, sur-tout s’il paroît des tumeurs & des rougeurs dans la gorge, au cou & sur la poitrine ; mais si elles rentrent & disparoissent, & que la respiration devienne plus gênée, c’est un très-mauvais signe, de même que si la douleur cesse tout-à-coup d’être manifeste, parce qu’il y a tout lieu de craindre, dans ce cas, que l’inflammation ne se termine bien-tôt par une gangrene mortelle. La suppuration, qui peut quelquefois terminer moins malheureusement l’angine, peut avoir aussi des suites très-dangereuses ; si l’abcès venant à se rompre tombe dans la trachée-artere, ce qui peut causer une prompte suffocation ; si sa formation est suivie d’une fievre hectique, d’une toux seche & fréquente, d’une douleur de côté & d’une expectoration repétée souvent de crachats blancs & visqueux : dans l’angine suffocatoire la mort prévient ordinairement la suppuration.

Quoiqu’il arrive quelquefois que certaine angine inflammatoire n’affecte qu’une des parties de la gorge,

& reste solitaire, néanmoins le plus souvent l’inflammation gagne les parties voisines & s’étend beaucoup ; ensorte qu’il en résulte un concours de plusieurs différens symptomes qui produisent un desordre proportionné dans les fonctions des parties affectées : d’où il est aisé de conclure que la maladie sera d’autant plus difficile à guérir, que les diverses especes d’angine seront plus multipliées en même tems ; il y aura plus à craindre de funestes évenemens de la complication de tant de maux, qui finissent souvent par la mort, après avoir fait essuyer des tourmens & des angoisses supérieures à tout ce que la patience humaine peut surmonter.

Dans l’angine suffocatoire le malade périt par la syncope comme étranglé, au bout de dix-huit heures, depuis le commencement de la maladie, & dans les autres especes d’angines inflammatoires, qui ne sont guere moins violentes, la mort arrive vers le troisieme ou le quatrieme jour au plus tard. Toute angine formée par un dépôt critique à la suite d’une autre maladie, est mortelle : c’est un bon signe dans l’angine inflammatoire, de quelque espece qu’elle soit, que la respiration ne soit pas fort gênée, & que la déglutition de la salive & de la boisson se fasse sans beaucoup de peine ; que la fievre ne soit pas bien forte ; que le malade dorme, soit tranquille ; en un mot qu’il n’y ait aucun des mauvais symptomes mentionnés.

L’angine œdémateuse, catarrheuse, skirrheuse, & toute autre de cette nature, ne doit pas être regardée comme une maladie aiguë : ainsi comme elle est de plus long cours que l’inflammatoire la plus benigne, elle est aussi moins dangereuse ordinairement, tout étant égal. La cure est plus ou moins difficile, selon que l’humeur qui forme l’obstruction est plus ou moins susceptible de se résoudre aisément : si elle est devenue skirrheuse, le mal peut être de long cours, mais incurable ; à plus forte raison si le skirrhe dégénere en chancre, qui se trouve inévitablement toûjours exposé à l’air, & dont la matiere acre, rongeante détruit promptement toutes les parties auxquelles elle est appliquée, à cause de la délicatesse de leur tissu. De-là combien de maux qui, eu égard aux souffrances extrèmes qu’ils produisent, ne hâtent jamais assez la mort sûre qui les suit, & qui en peut être le seul remede.

L’angine paralytique est très-difficile à guérir ; si elle dépend d’une cause générale, elle dure quelquefois très long-tems : lorsqu’elle est causée par une résolution particuliere des muscles du larynx ou du pharynx, alors elle est suivie de marasme & de tous les mauvais effets du défaut de nourriture ; si la résolution est complete, la mort la suit de près. L’esquinancie paralytique causée par la luxation entiere d’une vertebre du cou, est aussi mortelle : si la luxation n’est pas entiere, on peut tenter la réduction, & la guérison peut suivre.

L’angine causée par une contraction spasmodique subite des muscles du larynx, peut causer la suffocation & une mort prompte : si la convulsion n’est pas violente, elle effraye plus qu’elle n’est dangereuse ; elle cesse & revient souvent dans les maladies où le genre nerveux est sujet à des mouvemens spasmodiques irréguliers. Le globe hystérique qu’éprouvent si souvent bien des femmes, est une angine convulsive avec flatulence : l’air arrêté dans l’œsophage, par un resserrement convulsif, se raréfie, comprime la trachée-artere & dispose à la suffocation ; effet qui n’est pas ordinairement de longue durée.

Il suit de tout ce qui a été dit jusqu’ici sur l’affection qu’on appelle angine ou esquinancie, que ce n’est pas une maladie simple, mais un assemblage de différentes maladies sous le même nom : elles ont toutes cela de commun, qu’elles consistent dans la