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application des remedes opposés aux causes, qui distingue les medecins des empyriques & des bonnes-femmes.

La dyspepsie amene indispensablement à sa suite une nouvelle génération d’humeurs putrides, des crudités, des nausées, le vomissement, le dégoût, des coliques, des diarrhées, l’affection cœliaque, la dyssenterie, la cachexie, la pâleur, la foiblesse, la langueur des organes de la respiration, le marasme, l’enflure, & plusieurs autres maladies. Il y a dans l’œconomie animale, comme dans l’œconomie politique, un enchaînement de maux qui naissent d’un premier vice dans le principe, dont la force entraîne tout. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

DYSPNÉE, s. f. (Medecine.) terme d’art francisé, composé de δὺς, difficilement, & de πνέω, je respire. La dyspnée est cet état dans lequel la respiration se fait avec quelque peine & fatigue. Si la difficulté de respirer est plus considérable, plus pénible, plus continuelle, ce mal prend alors le nom d’orthopnée. Ainsi pour éviter les répétitions, voyez le mot Orthopnée ; car il n’y a de différence dans ces deux états, que du plus au moins : c’est la même méthode curative, & ce sont les mêmes causes, seulement plus legeres dans la dyspnée. Voyez encore les mots Respiration lésée, Asthme, Catarrhe suffoquant, & vous aurez la gradation & l’enchaînement d’un genre de maladies, dont la connoissance est très-importante au medecin, & pour le traitement desquelles il doit réunir toutes les lumieres de la Physiologie. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

DYSSENTERIE, s. f. (Med.) ce mot est employé en Medecine pour désigner une maladie des intestins : mais il est pris en différens sens par différens auteurs. Il est composé de deux mots grecs, δὺς & ἔντερος : le premier est une particule que l’on place devant plusieurs mots de l’art ; elle signifie difficulté, imperfection, malignité : le second signifie intestin, entrailles ; ainsi le mot dyssenterie ou difficulté des intestins, n’exprime proprement que la fonction lésée de cet organe.

Mais lorsqu’il se joint à la diarrhée des douleurs d’entrailles, qui sont appellées en grec στρόφοι, en latin tormina, des tranchées avec tenesme, c’est à-dire de fréquentes envies d’aller à la selle, avec de violens efforts sans faire le plus souvent aucune déjection, il est reçu parmi les Medecins d’appeller alors spécialement cette affection dyssenterie.

Et comme dans ce cas elle a lieu, à cause que la tunique interne des intestins étant dépouillée de la mucosité qui les enduit naturellement par la durée de la diarrhée, ou par l’âcrete des matieres, est exposée à être excoriée, rongée, ensorte qu’il se mêle du sang avec la matiere du cours de ventre, quelques auteurs ont souvent restraint la signification du mot dyssenterie, pour exprimer seulement des fréquentes déjections de matieres sanguinolentes.

La description que donne Celse de la dyssenterie, qu’il appelle tormina, est favorable à ce sentiment. « Les intestins s’exulcerent intérieurement, dit-il : il en coule du sang, tantôt avec des excrémens toûjours liquides, tantôt avec des matieres muqueuses : il s’évacue aussi quelquefois en même tems comme des raclures de chair : on sent une fréquente envie d’aller à la selle, & l’anus est douloureux : on fait des efforts, lorsque la douleur de cette partie est augmentée, & il sort très-peu de chose, &c. » Et quoique Galien appelle dyssenterie la simple exulcération des intestins, & qu’il ne donne point ce nom aux déjections des matieres âcres, irritantes, qui précedent l’exulcération (comment. 2. lib. XI. in epidem.), cependant il a donné ailleurs le nom de dyssenterie sanglante, à l’évacua-

tion du sang par les intestins, quoiqu’il n’y ait point d’exulcération : il désigne même par ce nom le flux de sang par le fondement, qui arrive après la suppression de quelque évacuation ordinaire du sang, ou aux personnes mutilées, ou à celles qui deviennent pléthoriques par défaut d’exercice.

Mais cette espece de déjection sanglante qui se fait sans douleur & sans tenesme, doit être rapportée à plus juste titre à la diarrhée.

Il résulte de ce qui vient d’être dit, que le flux de sang par l’anus ne doit pas être regardé comme le signe caractéristique de la dyssenterie, puisque dans cette maladie on observe que les déjections sont principalement mêlées des matieres muqueuses, bilieuses, attrabilaires, avec un tenesme très-fatiguant & des tranchées très-violentes : ce sont ces derniers symptomes qui la distinguent de la diarrhée proprement dite, & de toute autre maladie qui peut y avoir rapport, comme le flux hépatique, hémorrhoïdal, &c. Voy. Flux hépatique, Hémorrhoïdes. Par conséquent on peut regarder la dyssenterie comme une espece de diarrhée, accompagnée de douleurs de tranchées & souvent de tenesme, avec exulcération des intestins.

La dyssenterie, dit Sydenham, s’annonce ordinairement par un frisson, qui est suivi de chaleur ; on commence ensuite à ressentir des tranchées dans les boyaux : les déjections sont glaireuses, les malades souffrent beaucoup en allant à la selle, les matieres sont mêlées de sang, & quelquefois il n’y en a point. Néanmoins si les déjections sont fréquentes, si les tranchées continuent avec l’évacuation des matieres muqueuses, cette maladie doit toûjours être regardée comme une dyssenterie véritable ; par conséquent il n’est pas de l’essence de la dyssenterie qu’elle soit accompagnée de flux de sang, qui peut aussi avoir souvent lieu, comme il a été dit, sans qu’il y ait dyssenterie.

Tout ce qui peut causer une forte irritation aux fibres nerveuses des intestins, en excorier les tuniques, le plus souvent après avoir emporté la mucosité qui les tapisse & les défend contre l’impression des âcres ; tout ce qui peut produire cet effet au point d’exulcérer la cavité des boyaux, établit les causes de la dyssenterie : ainsi elles peuvent être externes ou internes. Parmi les externes sont les alimens âcres, susceptibles de se corrompre aisément ; les fruits cruds, dont on fait un usage trop fréquent, & pris trop copieusement ; les crudités des premieres voies ; les boissons spiritueuses, fortes, caustiques ; les remedes trop actifs, comme les purgatifs mochliques administrés mal-à-propos ; les poisons corrosifs ; & en un mot, tout ce qui peut dissoudre la mucosité des boyaux, & mettre leur surface interne à découvert, exposée à l’impression de tous les irritans qui peuvent être portés dans le canal intestinal, & qui constituent les causes internes de la dyssenterie, telles que toutes les humeurs bilieuses, jaunes, vertes, noires, pures, ou différemment corrompues & mêlées avec d’autres humeurs âcres, rongeantes, qui peuvent être déposées dans cette cavité, ou dans les vaisseaux secrétoires qui entrent dans la composition de ses parois, ou symptomatiquement, ou par l’effet de quelque crise, y étant dérivées de tous les visceres voisins, & de toutes les autres parties du corps, telles que les matieres purulentes, acrimonieuses, ichoreuses, sanieuses, fournies par quelque abcès de la substance des intestins, ou des parties d’où elles peuvent y parvenir.

Les impressions dolorifiques mordicantes qui se font sur les tuniques des intestins, sont à peu-près semblables à celles qui excitent sur la surface du corps des pustules en forme d’excoriations, qui dé-