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ges des peintres des Pays-bas. Je parle ici en général, & non pas sans exception.

Durer, (Albert) doüé d’un génie vàste, qui embrassoit tous les arts, naquit à Nuremberg en 1470, & mourut dans la même ville en 1528. Albert Durer, tel que je viens de le dépeindre, jetta les fondemens de l’école allemande, & se rendit extrèmement célebre par ses premiers ouvrages. Les souverains rechercherent ses tableaux avec empressement, & le comblerent d’éloges, d’honneurs, & de biens. Les estampes de ce fameux maître devinrent même précieuses aux peintres italiens, qui en tirerent un grand avantage. Cet homme illustre a gravé de grands morceaux en bois & en cuivre. On a aussi gravé d’après lui. On sait qu’Albert Durer a écrit sur la Géométrie, la Perspective, les Fortifications, & les proportions du corps humain.

Holbein, (Jean) né à Bâle en 1498, mort à Londres en 1554. Ce peintre célebre que je mets dans la classe des peintres allemands, quoiqu’il soit né en Suisse, n’eut pour maître que son pere ; mais secondé d’un heureux génie, il parvint à s’élever au rang des grands artistes dans les premiers ouvrages qu’il produisit. Il travailloit également en miniature, à goüache, en détrempe, & à huile. Il s’est immortalisé par les ouvrages de sa main, qu’on voit à Bâle & à Londres. S’ils ne sont pas comparables pour la Poésie aux tableaux des éleves de Raphael, du moins leur sont-ils supérieurs pour le coloris.

Rothenamer, (Jean) naquit à Munich en 1564, développa ses talens dans son séjour en Italie, & s’est rendu célebre par plusieurs ouvrages, au nombre desquels on met son tableau du banquet des dieux, qu’il fit pour l’empereur Rodolphe II. le bal des nymphes qu’il peignit pour Ferdinand duc de Mantoue, & son tableau de tous les Saints, qu’on voit à Ausbourg. Sa maniere tient du goût flamand & du goût vénitien ; ses airs de têtes sont gracieux, son coloris est brillant, son travail est assez fini ; mais on lui reproche de manquer de correction dans le dessein.

Elshaimer, (Adam) né à Francfort en 1574, mort à Rome en 1620. Sa composition est ingénieuse, & son travail d’un grand fini ; il n’a presque traité que de petits sujets, & représentoit admirablement des effets de nuit, & des clairs de Lune ; sa touche est spirituelle & gracieuse ; il entendoit très-bien le clair obscur, & ses figures sont rendues avec beaucoup de goût & de vérité. Ses tableaux sont rares & précieux.

Bachuysen, (Ludolphe) né à Embden en 1631, mourut en 1709. Cet artiste rendit la nature avec une grande précision ; il a représenté des marines, & sur-tout des tempêtes, avec beaucoup d’intelligence.

Netscher, (Gaspard) né à Prague en 1636, mort à la Haye en 1684, s’est distingué par le portrait, par son art à traiter de petits sujets. & par un talent singulier, à peindre les étoffes & le linge. Sa coûtume étoit de répandre sur ses tableaux un vernis, avant que d’y mettre la derniere main ; il remanioit ensuite les couleurs, les lioit, & les fondoit ensemble.

Mignon, (Abraham) né à Francfort en 1640, mort en 1679 : c’est le Van-Huysum de l’école allemande. Ses ouvrages sont précieux par l’art avec lequel il représentoit les fleurs dans tout leur éclat, & les fruits avec toute leur fraîcheur ; par le choix qu’il en faisoit, par sa maniere ingénieuse de les grouper, par son intelligence du coloris qui paroît transparent & fondu sans sécheresse, enfin par son talent à imiter la rosée & les gouttes d’eau que la nature répand sur les fleurs & les fruits. Ce charmant artiste a laissé deux filles, qui ont peint dans son goût. Les

Hollandois font grand cas des ouvrages du pere, & les ont enlevés tant qu’ils ont pû.

Merian, (Marie Sibille) née à Francfort en 1647, morte à Amsterdam en 1717, est célebre par son goût pour l’histoire des insectes, par l’intelligence avec laquelle elle a su les dessiner & les peindre, par ses voyages dans les Indes à ce sujet, & enfin par ses ouvrages, imprimés avec figures qui en ont été la suite.

Kneller, (Godesroi) né à Lubeck en 1648, mort à Londres en 1717 ; il s’est rendu célebre en Angleterre, & s’est enrichi dans le portrait. Il a fait aussi quelques tableaux d’histoire, où regnent une touche ferme sans dureté, & un coloris onctueux. Le fond de ces tableaux est pour l’ordinaire orné de paysages ou d’architecture.

Klingstet, né à Riga en 1657, mort à Paris en 1734, a excellé dans la miniature. Ses ouvrages sont pour l’ordinaire à l’encre de la Chine. Il a donné dans des sujets extrèmement libres. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Ecole Flamande, (Peint.) On distingue les ouvrages de cette école & de celle de Hollande, à une parfaite intelligence du clair-obscur, à un travail fini sans sécheresse, à une union savante de couleurs bien assorties, & à un pinceau moëlleux. Pour ses défauts, ils lui sont communs avec ceux de l’école hollandoise. C’est grand dommage que les peintres de ces deux écoles, imitateurs trop serviles de la Nature, l’ayent rendue telle qu’elle étoit, & non comme elle pouvoit être : mais ces reproches ne tombent point sur certains grands maîtres, & singulierement sur Rubens & Vandeyk.

Hubert & Jean Van-Eyck, peuvent être regardés comme les fondateurs de l’école flamande. Jean, qu’on appella depuis Jean de Bruges, du nom de cette ville où il s’étoit retiré, y trouva dans le xjv. siecle le secret admirable de la peinture à huile, qu’il communiqua à Antoine de Messine, & celui-ci le fit passer en Italie. Voyez Peinture à huile, Ecole romaine, Ecole vénitienne.

Steenwyck, né en Flandres vers l’an 1550, mort en 1603, peignoit à merveille les perspectives intérieures des églises : ses effets de lumieres sont admirables, & ses tableaux très-finis : Péternefs fut son éleve.

Bril, (Paul) né à Anvers en 1554, mourut à Rome en 1626. Son goût le conduisit en Italie, pour y connoître les ouvrages des meilleurs maîtres. Ses paysages, dans lesquels il a excellé, sont sur-tout recommandables par les arbres, les sites & les lointains charmans ; par un pinceau moëlleux, une touche legere, une maniere vraie : Annibal Carrache se plaisoit quelquefois à y mettre des figures de sa main. Paul Bril peignit aussi dans sa vieillesse des paysages sur cuivre, qui sont précieux par leur fini & leur délicatesse. Ses desseins sont fort recherchés, on y remarque une touche spirituelle & gracieuse.

Pourbus le fils, (François) né à Anvers vers l’an 1560, mort à Paris en 1622, a parfaitement réussi dans le portrait, & a traité quelques sujets d’histoire avec succès. Il a mis de la noblesse & de la vérité dans ses expressions ; son coloris est bon, ses draperies bien jettées, & ses ordonnances assez bien entendues. On voit dans l’hôtel de ville de Paris deux tableaux de sa main, représentans, l’un le prevôt des marchands & les échevins à genoux aux piés de Louis XIII. encore enfant, l’autre la majorité de ce prince. Le portrait en grand d’Henri IV. qu’on voit au palais royal, est peint par ce maître.

Breugel, (Jean) surnommé Breugel de velours, parce qu’il s’habilloit de cette étoffe, est né en 1575, & mort en 1632. Il étoit fils de Pierre Breugel le vieux, & le surpassa de beaucoup. Ce charmant artiste a