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que le geolier en soit déchargé par le juge ou par le créancier, pour la délivrance du prisonnier.

En effet, dans l’ordonnance de Charles VI. de l’an 1413, art. 20, les termes d’écroues & décharges paroissent synonymes.

Cela paroît encore mieux marqué dans l’ordonnance de Louis XII. du mois de Mars 1498, qui distingue la mention de l’emprisonnement d’avec l’écroue, qui est dit pour élargissement.

L’art. 103 de cette ordonnance porte que le geolier ou garde des chartres & prisons fera un grand registre, dont chaque feuillet sera ployé par le milieu ; que d’un côté seront écrits, & de jour en jour, les noms & surnoms, états & demeurances des prisonniers qui seront amenés en la chartre ; par qui ils seront amenés ; pourquoi, à la requête de qui, & de quelle ordonnance : & si c’est pour dette, & qu’il y ait obligation sous scel royal, la date de l’obligation ; & que le domicile du créancier y sera aussi enregistré.

L’ordonnance du même prince, en 1507, article 182. celle de François I. en 1535, ch. xiij. art. 19. & celle d’Henri II. en 1549, article 3. s’expliquent à-peu-près de même. La derniere dit que le geolier, suivant les anciennes ordonnances, sera tenu de faire un rôle au vrai de tous les prisonniers amenés en la conciergerie.

L’art. 104 de l’ordonnance de 1498, ajoûte que de l’autre côté de la marge du feuillet sera enregistré l’écrou, élargissement ou décharge des prisonniers, telle qu’elle lui sera envoyée & donnée par le greffier, sur le registre dudit emprisonnement ; sans qu’il puisse mettre hors ou délivrer quelque prisonnier, soit à tort ou droit, sans avoir ledit écroue.

La même chose est répetée dans les ordonnances de Louis XII. en 1507 ; de François I. en 1535, ch. xiij. art. 20. & ch. xxj. art. 12.

Enfin l’art. 105. de l’ordonnance de 1498, porte que le greffier aura un registre, où il écrira la délivrance, élargissement, & toutes autres expéditions de chaque prisonnier, en bref, mettant le jour de son emprisonnement, par qui, & comment il sera expédié ; qu’incontinent l’expédition faite, le greffier donnera ou enverra au geolier un écroue ou brevet, contenant le jour & forme de l’expédition ; & que le greffier aura pour chacun écroue & expédition, 15 deniers tournois, & non plus ; ou moins, selon les coûtumes des lieux, &c.

Les ordonnances de Louis XII. en 1507, article 156. de François I. en 1535, ch. xiij. art. 21. portent la même chose.

Enfin l’article 128. de l’ordonnance de 1498, qui défend à tous juges de prendre plus de 5 s. tournois pour les élargissemens des prisonniers, ne se sert point du terme d’écroue ; ce qui confirme que ce terme ne signifioit point alors emprisonnement, mais au contraire décharge, comme on disoit alors donner écroue à un receveur, c’est à-dire lui donner quittance & décharge de sa recette.

La discussion dans laquelle nous sommes entrés sur l’étymologie de ce mot, ne doit pas être regardée comme une simple curiosité ; elle est nécessaire pour l’intelligence des anciennes ordonnances, dans lesquelles le terme d’écroue, en matiere criminelle, paroît avoir eu successivement trois significations différentes. Il signifioit d’abord, comme on l’a vû, la contrainte qui s’exerce contre celui que l’on pousse en prison ; ce qui a fait croire mal-à-propos à quelques-uns, que ce mot signifioit décharge, sous prétexte que l’huissier qui fait l’emprisonnement, se décharge de celui qu’il a arrêté, en le remettant au geolier, qui s’en charge. On voit qu’ensuite ce même terme signifioit l’élargissement du prisonnier : & enfin on est revenu au premier & véritable sens

que ce terme avoit, suivant son étymologie, c’est-à-dire que l’écroue est la mention qui est faite de la contrainte par corps & emprisonnement sur le registre des prisons.

Suivant l’ordonnance criminelle de 1670, tit. ij. art. 6. les archers des prevôts des maréchaux peuvent écroüer les prisoniers arrêtés en vertu de leurs decrets.

L’article 7. du même titre porte qu’ils seront tenus de laisser au prisonnier qu’ils auront arrêté, copie du procès-verbal de capture & de l’écroue, sous les peines portées par l’art. 1. Cette disposition doit être observée par tous huissiers & sergens, & autres ayant pouvoir d’arrêter & constituer prisonnier.

L’article 9 du titre x des decrets, ordonne qu’après qu’un accusé pris en flagrant délit ou à la clameur publique, aura été conduit prisonnier, le juge ordonnera qu’il sera arrêté & écroüé, & que l’écroue lui sera signifié parlant à sa personne.

Il faut néanmoins observer que l’on dépose quelquefois dans les prisons, pour une nuit ou autre bref délai, ceux qui sont arrêtés à la clameur publique, jusqu’à ce qu’ils ayent été interrogés : en ce cas ils ne sont point écroüés ; & s’il n’y a pas lieu à les décreter de prise de corps, ils doivent être élargis dans les vingt-quatre heures.

Les procureurs du roi dans les justices ordinaires, doivent, suivant l’art. 10 du même titre, envoyer aux procureurs généraux, chacun dans leur ressort, aux mois de Janvier & de Juillet de chaque année, un état signé par les lieutenans criminels & par eux, des écroues & recommandations faites pendant les six mois précédens dans les prisons de leurs siéges, & qui n’auront point été suivies de jugement définitif, contenant la date des decrets, écroues & recommandations, &c. à l’effet de quoi tous actes & écroues seront par les greffiers & geoliers délivrés gratuitement, & l’état porté par les messagers sans frais, à peine d’interdiction contre les greffiers & geoliers, & de 100 liv. d’amende envers le roi, & de pareille amende contre les messagers. La même chose doit être observée par les procureurs des justices seigneuriales, à l’égard des procureurs du roi des siéges où elles relevent.

Ces dispositions sont encore expliquées par les arrêts de réglement du parlement de Paris, des 18 Juin & premier Septembre 1717.

L’ordonnance de 1670, tit. xiij. art. 6. ordonne que les greffiers des geoles, où il y en a, sinon les géoliers-concierges ; seront tenus d’avoir un registre relié, cotté & paraphé par le juge dans tous ses feuillets, qui seront séparés en deux colonnes pour les écroues & recommandations, & pour les élargissemens & décharges. Le terme d’écroue signifie en cet endroit emprisonnement.

L’art. 9 défend aux greffiers & geoliers, à peine des galeres, de délivrer des écroues à des personnes qui ne seront point actuellement prisonnieres ; ni de faire des écroues ou décharges sur feuilles volantes, cahiers, ni autrement que sur le registre cotté & paraphé par le juge. Le mot ou dont se sert cet article en parlant des écroues ou décharges, n’est pas conjonctif, mais alternatif ; ainsi ces mots ne sont pas synonymes.

L’art. 10 défend aussi aux greffiers & geoliers de prendre aucuns droits pour emprisonnement, recommandation & décharge ; mais qu’ils pourront seulement, pour les extraits qu’ils délivreront, recevoir ceux qui seront taxés par le juge, &c.

Ce dernier article parle d’emprisonnement, sans employer le terme d’écroue ; & en effet l’écroue n’est pas l’emprisonnement même, mais la mention qui est faite de l’emprisonnement sur le registre de la geole.