Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 5.djvu/641

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ENCHEVÊTRURE, s. f. (Manége & Maréchall.) nous appellons de ce nom toute écorchure, toute contusion, toute plaie qui affecte le pli du pâturon des jambes postérieures du cheval, conséquemment à un frotement plus ou moins violent de cette partie, sur les longes du licou dans lesquelles l’animal s’est embarrassé par quelque cause que ce soit, & de maniere ou d’autre. Voyez Enchevêtré.

L’écorchure est-elle simple & sans inflammation ? on bassinera le lieu affecté avec du vin, & on desséchera insensiblement en saupoudrant avec de la céruse. L’érosion, au contraire, est-elle accompagnée d’inflammation, est-elle vive ? on recourra d’abord aux cataplasmes émolliens ; & les accidens appaisés, on leur substituera les dessiccatifs. S’il arrive que la jambe s’engorge, que la douleur persévere, & qu’il y ait une véritable plaie ; on saignera l’animal, on pansera la plaie ainsi que toutes les autres (voyez Plaie), & l’on appliquera des émolliens résolutifs sur la jambe, tels que les feuilles de mauve, guimauve, mêlées avec l’une des quatre farines résolutives. (e)

Enchevêtrure, en Architecture ; c’est dans un plancher un assemblage de deux sortes solives & d’un chevêtre, qui laisse un vuide quarré long contre un mur, pour porter un âtre sur des barres de trémie, ou pour faire passer un ou plusieurs tuyaux d’une souche de cheminée. (P)

ENCHIFRENEMENT, s. m. (Medecine.) est une espece de fluxion catarrheuse qui a son siége dans la membrane pituitaire ; c’est la maladie qu’on appelle vulgairement rhûme de cerveau.

Le mot enchifrenement vient vraissemblablement, selon le dictionnaire de Trévoux, de sifern, qui signifie rhûme en langage celtique ou bas breton ; & de sifern a été formé sifernet, enrhûmer. Les Grecs appellent cette maladie corysa, & les Latins gravedo.

L’enchifrenement est un véritable catarrhe qui ne differe de celui qui affecte la gorge & la poitrine, que par la différence de la partie affectée, qui d’une même cause prochaine produit cependant des symptomes différens.

Cette cause consiste dans l’engorgement des vaisseaux & des glandes, qui servent à séparer du sang la mucosité des narines ; elle est donc semblable à celle qui établit le catarrhe dans quelque partie que ce soit, puisqu’il dépend toûjours de l’obstruction des organes, par le moyen desquels se fait la secrétion de l’humeur muqueuse destinée à défendre des impressions de l’air ou des alimens toutes les voies par lesquelles ils passent. Voyez Mucosité.

Tout ce qui peut relâcher le tissu de la membrane pituitaire & les couloirs de la mucosité qui entrent dans sa composition, ensorte qu’il s’y en porte une plus grande quantité ; ou ce qui peut au contraire resserrer ce tissu, & conséquemment ces mêmes couloirs ; de maniere que le cours de cette humeur ne soit pas libre ; qu’elle soit forcée à séjourner plus long-tems dans ses follicules ; qu’elle s’y épaississe plus qu’il n’est nécessaire pour l’usage auquel elle est destinée ; qu’il ne puisse d’abord sortir de ces conduits, que la partie la plus fluide, pendant que la grossiere reste : tout ce qui peut produire ces effets donne lieu à l’enchifrenement. Ainsi on peut dire avec les anciens, qu’il peut être produit par intempérie froide & par intempérie chaude, non pas du cerveau, comme ils le pensoient, mais de toutes les parties molles de la cavité des narines, des sinus frontaux, des cellules de l’os ethmoïde, &c.

Les causes éloignées sont toutes celles qui peuvent produire le catarrhe en général, telles que l’insolation, l’air ambiant, chaud ou froid, sec ou humide, qui produisent subitement, selon leur différente maniere d’agir, quelqu’un des effets ci-dessus

mentionnés ; la pléthore, la mauvaise digestion, les crudités d’estomac, la trop grande boisson de vin, ou autres liqueurs spiritueuses, le trop grand exercice des parties supérieures pour ceux qui n’y sont pas accoûtumés, la lotion de la tête, la diminution de la transpiration en général, & la constipation, disposent beaucoup au catarrhe des narines : tout cela concourt avec l’âge, le tempérament, l’habitude, la saison, la constitution de l’air, & le régime différent.

Cette maladie, lorsqu’elle est causée par la constriction de la membrane pituitaire, s’annonce par un sentiment de chaleur dans l’intérieur du nez & dans toutes les cavités, ou la plûpart qui y ont communication, accompagnée de demangeaisons & de fréquens éternuemens. Les narines qui dans l’état de santé ne laissent pas échapper une goutte d’humeur aqueuse sous forme sensible dans un air tempéré, commencent à fournir la matiere d’un écoulement d’une humeur claire, âcre, salée, en quoi consiste proprement le corysa ; elle excorie quelquefois & fait enfler les bords du nez & les parties voisines qui en sont humectées ; le visage devient rouge ; si l’on porte la main au front ou à la tête, on trouve ces parties plus chaudes qu’à l’ordinaire ; on y sent aussi une legere douleur gravative, ou au moins une pesanteur inquiétante, les oreilles bourdonnent ; la soif, l’inappétence, le dégoût même, se joignent ordinairement à tous ces symptomes ; la fievre survient aussi quelquefois, & ne diminue pas ce mal. Il arrive ensuite, souvent dès le second jour, qu’il se fait une copieuse évacuation de mucosité épaisse, qui se ramasse dans les cavités des narines, & excite à se moucher continuellement par sentiment de plénitude ou d’irritation qu’elle y cause. Les enchifrenés sont obligés de tenir la bouche ouverte, sur-tout pendant le sommeil, soit à cause de la tuméfaction des membranes qui tapissent l’intérieur des narines vers leurs issues externes & internes, soit à cause de la matiere visqueuse qui se trouve au passage de l’air, & le ferme ; d’où s’ensuit que la transpiration ne se faisant que par la bouche, celle-ci se desseche, ce qui contribue beaucoup à exciter la soif : c’est aussi par la même raison que le ton de la voix est changé, & que le malade parle du nez ; c’est-à-dire que l’air modifié pour la voix qui devroit passer librement par les narines, pour la prononciation de certaines lettres, trouvant le passage embarrassé frappe l’intérieur du nez sans en sortir, & y produit conséquemment un son différent. On a aussi l’odorat émoussé dans cette maladie, parce que les corpuscules propres à exercer l’organe de ce sens, ne peuvent pas pénétrer la couche de mucosité trop tenace & trop épaisse, dont il est enduit.

L’enchifrenement produit par le relâchement des parties susceptibles d’être affectées dans cette maladie, est presque accompagné des mêmes symptomes, excepté qu’on n’y sent pas autant de chaleur ; que l’humeur du corysa & la mucosité viciée ne sont pas si âcres, si irritantes ; qu’il n’y a pas de douleur de tête, mais beaucoup de pesanteur, avec disposition pressante au sommeil : la fievre qui survient dans ce cas est ordinairement salutaire, hâte l’excrétion de l’humeur peccante, & rend plus prompt le dégorgement des vaisseaux pituitaires.

Les vents froids & secs produisent souvent l’enchifrenement de la premiere espece ; & celui de la seconde est souvent l’effet des vents chauds, humides, pluvieux. L’automne est la saison de l’année où cette maladie est plus commune, à cause des grands & fréquens changemens qui surviennent dans la température de l’air ; ce qui dispose en général à toutes sortes de fluxions catarrheuses ; celle des narines est presque toûjours l’effet d’une cause externe. Cette mala-