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vriers en fer donnent ce nom à toute piece forgée, lorsqu’elle est séparée de la barre dont on l’a tirée.

ENLIER, v. act. en Architecture, c’est dans la construction engager les pierres & les briques ensemble en élevant les murs ; ensorte que les unes soient posées sur leur largeur comme les carreaux, & les autres sur leur longueur ainsi que les boutisses, pour faire liaison avec le garni ou remplissage. (P)

ENLIGNER, (Charpent.) c’est donner à une piece de bois exactement la même forme qu’à une autre ; ensorte que mis bout à bout, l’une ne paroisse que la continuation de l’autre : cela s’appelle enligner ; parce qu’on dispose les bois à cet état en se servant de la regle ou du cordeau pour tracer les lignes.

ENLISSERONNÉ, (Rubannier.) Voyez Lisserons.

ENLOYER, (Jurispr.) est la même chose qu’enlayer. Voyez ci-devant Enlayer. (A)

ENLUMINER, v. act. c’est l’art de mettre des couleurs à la gomme avec le pinceau, sur les estampes & les papiers de tapisserie ; & par conséquent l’enlumineur & l’enlumineuse est celui & celle qui y travaille : ces ouvriers & ouvrieres y appliquent aussi quelquefois de l’or & de l’argent moulu ; c’est ce qu’ils appellent rehausser, & ils le brunissent avec la dent de loup. L’enluminure est libre, & n’a point de maîtrise ; c’est en quelque façon une dépendance de la Gravure : & l’enlumineur peut tenir boutique ouverte, & vendre des estampes & des papiers de tapisserie. Ces commerçans s’honorent du titre de Graveurs en bois, ou en cuivre, ou d’images, quoique souvent ils n’ayent jamais manié le burin, ni la pointe. Article de M. Papillon.

ENMANCHE, adj. c’est-à-dire entre dans la Manche. (Marine.) Les navigateurs se servent de ce terme, lorsqu’ils entrent dans ce canal qui sépare la France de l’Angleterre, que l’on appelle la Manche. (Z)

ENNÉADÉCATÉRIDE, s. f. en Chronologie, est un cycle ou période de dix-neuf années solaires. Voyez Cycle. Ce mot est grec, formé d’ἐννέα, neuf, δέκα, dix, & ἔτος, année.

Tel est le cycle lunaire inventé par Methon, à la fin duquel la Lune revient à-peu près au même point d’où elle est partie ; c’est pour cette raison que les Athéniens, les Juifs, & d’autres peuples qui ont voulu accommoder les mois lunaires avec l’année solaire, se sont servis de l’ennéadécatéride en faisant pendant dix-neuf ans sept ans de treize mois lunaires, & les autres de douze.

L’ennéadécatéride des Juifs est proprement un cycle de dix-neuf années lunaires, qui commencent à molad tohu, c’est-à-dire à la nouvelle Lune que les Juifs supposent être arrivée un an avant la création. Chacune des 3e, 6e, 8e, 11e, 14e, 17e, 19e, &c. années de ce cycle sont embolismiques, ou de 383 jours 21 heures, & les autres communes, ou de 354 jours huit heures. Voyez An. L’ennéadécatéride des Juifs est donc de 6939 jours 16 heures. D’où il s’ensuit que l’ennéadécatéride des Juifs differe de l’ennéadécatéride julienne, ou de dix-neuf années juliennes d’environ deux heures ; car dix-neuf années juliennes font 6939 jours 18 heures. Wolf, élém. de Chronol. & Chambers. Voyez Embolismique. (O)

ENNÉAGONE, s. s. en Géométrie ; figure de neuf angles, & de neuf côtés. Voyez Poligone. Ce mot est formé de ἐννέα, neuf, & γωνία, angle.

Pour tracer dans un cercle l’ennéagone régulier, il ne s’agit que de diviser en trois parties égales l’angle au centre du triangle équilatéral : ainsi ce problème se réduit à celui de la trisection de l’angle. Voyez Trisection.

Un ennéagone, en Fortification, signifie une place qui a neuf bastions. Voyez Forteresse. (O)

ENNEEMIMERIS, (Belles-Lettres.) est une espece de césure d’un vers latin, où après le quatrieme pié il y a une syllabe irréguliere qui finit le mot & qui aide à former le pié qui suit dans le mot d’après, comme dans cet exemple :

Ille latus niveum molli fultus hyacintho.

Qu’on scande ainsi :

Ille la|tus nive|um mol|li ful|tus hya|cintho.

Où il faut remarquer que la syllabe tus, breve de sa nature, devient longue en vertu de la césure. Voyez Césure Ce mot est très-peu en usage. (G)

ENNEMI, s. m. (Droit des Gens.) celui qui nous fait la guerre, ou à qui nous la faisons, en conséquence d’un ordre du souverain. Tous les autres contre qui on prend les armes, sont qualifiés de brigands, de voleurs, ou de corsaires. Au reste on ne regarde pas seulement comme ennemis ceux qui nous attaquent actuellement sur mer ou sur terre, mais encore ceux qui font des préparatifs pour venir nous attaquer, & qui dressent des batteries contre nos ports, nos villes, & nos citadelles, quoiqu’ils ne soient pas encore aux mains avec nous.

Il est certain que l’on peut tuer innocemment un ennemi ; je dis innocemment, tant selon la justice extérieure de toutes les nations, que selon la justice intérieure & les lois de la conscience. En effet, le but de la guerre veut de nécessité que l’on ait ce pouvoir ; autrement ce seroit envain que l’on prendroit les armes, & que les lois de la nature le permettroient.

Mais le pouvoir de tuer l’ennemi s’étend-il sur tous les sujets de cet ennemi, sur les vieillards, les femmes, les enfans… ? Dans les cas où il est permis d’ôter la vie à un ennemi, peut-on employer indifféremment toutes sortes de moyens, le fer, le feu, la ruse, le poison… ? Peut-on profiter du ministere d’un traître pour se défaire de notre ennemi, lorsque… ?

Je frémis ; & pour couper court à toutes ces questions & à d’autres semblables, je réponds en général & en particulier, que l’on ne sauroit trop limiter, trop adoucir les droits cruels de la guerre ; je réponds, dis-je, que l’on ne sauroit trop inspirer, ni étendre trop loin les principes de la modération, de l’honneur, de la générosité, & si l’on peut parler ainsi, de l’humanité même dans les propres actes d’hostilité, que les usages de la guerre les plus reçus paroissent autoriser.

A l’égard des vieillards, des femmes, & des enfans, loin que le droit de la guerre exige que l’on pousse la barbarie jusqu’à les tuer, c’est une pure cruauté, une atrocité d’en user ainsi ; même lorsque le feu de l’action emporte le soldat, pour ainsi dire, malgré lui à commettre des actions d’inhumanité ; comme, par exemple, dans le dernier assaut à la prise d’une ville, qui par sa résistance a extrèmement irrité les troupes.

Je dis plus : le droit des gens est fondé sur ce principe, que les diverses nations doivent se faire dans la paix autant de bien, & dans la guerre le moins de mal qu’il est possible, sans nuire à leurs véritables intérêts : c’est pourquoi, tant qu’on peut l’éviter, les lois même de la guerre demandent que l’on s’abstienne du carnage, & que l’on ne répande pas du sang sans une pressante nécessité. L’on ne doit donc jamais ôter la vie à ceux qui demandent quartier, à ceux qui se rendent, à ceux qui ne sont ni d’un âge ni d’une profession à porter les armes, & qui n’ont d’autre part à la guerre que de se trouver dans le pays ou le parti ennemi. En un mot le droit de la guerre ne va pas au-delà de notre propre conservation. Un état fait la guerre, parce que sa conservation est juste ; mais nous n’avons plus de droit de tuer, dès que