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poration ; ce qui paroît dépendre principalement du renouvellement continuel de l’air qui environne les corps.

Indépendamment de la chaleur & du vent, diverses circonstances de l’atmosphere peuvent encore augmenter ou diminuer la rapidité de l’évaporation. Par rapport à ces circonstances de l’atmosphere, qui sont favorables ou contraires à l’évaporation, nous pouvons établir, d’après l’observation de cette regle générale, que plus le degré de chaleur de l’air est au-dessus de son degré de saturation, plus l’évaporation est rapide. Cela posé, pour déterminer les circonstances dans lesquelles l’évaporation est plus ou moins rapide, il suffira d’observer dans quelles circonstances le degré de chaleur de l’air est plus éloigné de son degré de saturation.

Pendant la nuit le degré de chaleur de l’air est ordinairement de beaucoup plus près du degré de saturation, que dans le jour ; quelquefois même l’air se refroidit pendant la nuit jusqu’au degré de saturation ou au-delà, comme je l’ai fait voir dans la seconde partie de mon mémoire : aussi observe-t-on que l’évaporation est beaucoup moins rapide pendant la nuit que dans le jour. Il y a encore une autre cause qui concourt à rendre l’évaporation plus lente dans la nuit que pendant le jour ; c’est que dans la nuit l’air est ordinairement moins agité.

La rapidité de l’évaporation souffre encore beaucoup de variétés, suivant la direction du vent. Le vent de nord est celui par lequel le degré de chaleur de l’air est le plus éloigné de son degré de saturation. C’est aussi par le vent que l’évaporation est la plus rapide ; au moins puis-je l’assûrer avec certitude du bas Languedoc, où je l’ai observé, & il est vraissemblable que ce doit être la même chose dans presque toute l’Europe. Après le nord vient le nord-oüest, qu’on appelle ici magistral, en Italie maestro ; c’est le plus salutaire, & celui qui regne le plus dans le bas Languedoc. Lorsqu’il souffle dans ce pays, l’air y est un peu plus chargé d’eau que par le vent de nord ; mais il est encore très-siccatif, c’est-à-dire favorable à l’évaporation. Le sud-est, qui vient directement de la mer, est le vent par lequel le degré de chaleur de l’air est le plus près de son degré de saturation ; aussi l’évaporation est-elle moins rapide lorsqu’il souffle, que par tout autre vent.

On voit par ce que nous venons de dire, qu’il n’y a point d’uniformité dans l’évaporation ; que suivant les différens états de l’atmosphere, elle est plus ou moins rapide, quelquefois nulle ; & que même il arrive certaines nuits que l’air se refroidissant au-delà du degré de saturation, les corps évaporables augmentent du poids de l’eau que l’air dépose sur eux. La constitution de l’air étant donc aussi variable, il n’est pas possible de déterminer la quantité d’eau qui peut s’élever dans l’atmosphere dans l’espace d’un jour, ni même pendant une année. M. Musschenbroeck a déterminé sur ses observations faites à Leyde, & sur celles de M. Sedileau, faites en France, qu’année moyenne l’eau contenue dans un bassin quarré de plomb, diminuoit à-peu-près de 28 pouces de hauteur, & que par conséquent l’évaporation alloit à cette quantité ; mais ce n’est qu’un à-peu-près, l’évaporation étant d’un tiers plus considérable certaines années que d’autres, comme il paroît par les observations de M. Sedileau. Voyez l’Essai de physique, pag. 775. Voyez aussi Fleuve, Pluie, &c.

Tous les animaux, tous les végétaux, une partie des minéraux, la terre qu’on appelle proprement humus, qui formée des débris des animaux & des végétaux, fournit en même tems la matiere prochaine de ces corps ; enfin l’eau : toutes ces substances sont, comme nous l’avons dit plus haut, susceptibles d’évaporation. Cette multitude immense de corps aux-

quels s’étend cette propriété, nous fait assez comprendre qu’elle appartient en quelque maniere à l’économie générale de notre globe : &, en effet, c’est au moyen de cette propriété que l’eau, qui fait la base de tous les corps vivans, est reportée & distribuée sans cesse sur toute la surface de la terre, contre sa pente naturelle, qui la porte à se ramasser toute entiere dans les endroits de la terre qui sont les moins éloignés de son centre : par elle les matieres animales & végétales, parvenues par la pourriture au dernier degré de leur résolution, s’élevent dans l’atmosphere, pour être reportées ensuite à la terre, & servir à la construction de nouveaux êtres. C’est en considérant cette circulation admirable, qu’on peut prendre, avec quelques physiciens, une idée aussi grande que juste de l’utilité premiere & pour ainsi dire cosmique du fluide qui environne notre globe. Finissons en appliquant à ce fluide la pensée de Virgile sur l’ame du monde :

Scilicet huc reddi deinde ac resoluta referri
Omnia, nec morti esse locum
. Géorg. lib. IV.

Cet article est de M. le Roi, docteur en Medecine de la faculté de Montpellier, & de la société royale des Sciences de la même ville.

Evaporation, (Chimie.) L’évaporation est un moyen chimique dont l’usage est très-étendu ; il consiste à dissiper par le moyen du feu, en tout ou en partie, un liquide exposé à l’air libre, & qui tient en dissolution une substance, laquelle n’est ni volatile, ni altérable au degré de feu qui opere la dissipation de ce liquide.

On a recours à l’évaporation pour opérer la séparation dont nous venons de parler, toutes les fois qu’on ne se met point en peine du liquide relevé par le feu : lorsqu’on veut le retenir au contraire dans une vûe philosophique, médicinale ou économique, comme dans l’examen chimique d’un liquide composé ; dans la préparation des sirops aromatiques & alkali-volatils, & dans la concentration d’une teinture, on doit avoir recours à la distillation. Voyez Distillation. Aussi n’est-ce proprement que l’eau que l’on sépare de diverses substances moins volatiles, dans les cas où l’évaporation est la plus employée.

L’évaporation a sur la distillation cet avantage singulier, qu’elle opere la séparation qu’on se propose, en beaucoup moins de tems que la distillation ne l’opere, soit que l’air contribue matériellement à cet effet, soit qu’il dépende uniquement de la liberté qu’ont les vapeurs de se raréfier dans l’air libre jusqu’à la dissipation absolue, c’est-à-dire jusqu’à la destruction de toute liaison aggrégative (voyez le mot Chimie, par ex.) ; ainsi on doit mettre en œuvre ce moyen simple & abregé, toutes les fois qu’une des circonstances énoncées ci-dessus ne s’oppose point à son emploi.

Le degré de feu étant égal, une évaporation est d’autant plus rapide, que le liquide à évaporer est exposé à l’air libre sous une plus grande surface ; & au contraire.

On dissipe par l’évaporation l’eau surabondante à la dissolution d’un sel ; & une partie de l’eau de la dissolution, pour disposer ce sel à la crystallisation. Voyez Sel & Crystallisation. La cuite des sirops, celle des robs, des gelées, des électuaires, &c. la préparation des extraits des végétaux, la dessiccation du lait, &c. s’exécutent par l’évaporation.

Quoique le degré de feu auquel on exécute ces diverses opérations, soit assez leger, puisqu’il ne peut excéder la chaleur dont est susceptible l’eau bouillante chargée de diverses matieres, cependant l’eau bouillante, & même l’eau agitée moins sensiblement par un degré de chaleur inférieur, attaque la com-