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côtés comme une étole. Le consacrant met ensuite ses deux mains sur la tête de l’élu, avec les évêques assistans, en disant : recevez le saint Esprit. Cette imposition des mains est marquée dans l’Ecriture, I. Tim. c. jv. v. 14 ; & dans les constitutions apostoliques, liv. VIII. c. jv. il est fait mention de l’imposition du livre, pour marquer sensiblement l’obligation de porter le joug du seigneur & de prêcher l’évangile. Le consécrateur dit ensuite une préface, où il prie Dieu de donner à l’élu toutes les vertus dont les ornemens du grand-prêtre de l’ancienne loi étoient les symboles mystérieux ; & tandis que l’on chante l’hymne du S. Esprit, il lui fait une onction sur la tête avec le saint chrême ; puis il acheve la priere qu’il a commencée, demandant pour lui l’abondance de la grace & de la vertu, qui est marquée par cette onction. On chante le pseaume 132. qui parle de l’onction d’Aaron, & le consécrateur oint les mains de l’élu avec le saint chrême : ensuite il bénit le bâton pastoral, qu’il lui donne pour marque de sa jurisdiction. Il bénit aussi l’anneau, & le lui met au doigt en signe de sa foi, l’exhortant de garder l’Eglise sans tache, comme l’épouse de Dieu. Ensuite il lui ôte de dessus les épaules le livre des évangiles, qu’il lui met entre les mains, en disant : prenez l’évangile, & allez prêcher au peuple qui vous est commis ; car Dieu est assez puissant pour vous augmenter sa grace.

Là se continue la messe : on lit l’évangile, & autrefois le nouvel évêque prêchoit, pour commencer d’entrer en fonction : à l’offrande il offre du pain & du vin, suivant l’ancien usage ; puis il se joint au consécrateur, & acheve avec lui la messe, où il communie sous les deux especes, & debout. La messe achevée, le consécrateur bénit la mitre & les gants, marquant leurs significations mystérieuses ; puis il inthronise le consacré dans son siége. Ensuite on chante le Te Deum ; & cependant les évêques assistans promenent le consacré par toute l’église, pour le montrer au peuple. Enfin il donne la bénédiction solennelle. Pontifical. rom. de consecrat. episcop. Fleury, instit. au Droit ecclés. tom. I. part. I. c. xj. pag. 110. & suiv.

Autrefois l’évêque devoit, deux mois après son sacre, aller visiter son métropolitain, pour recevoir de lui les instructions & les avis qu’il jugeoit à-propos de lui donner.

L’évêque étant sacré doit prêter en personne serment de fidélité au roi : jusqu’à ce serment la régale demeure ouverte. Voyez Serment de Fidélité.

On trouve dans les anciens auteurs quelques passages, qui peuvent faire croire que dès les premiers siecles de l’Eglise les évêques portoient quelque marque extérieure de leur dignité ; l’apôtre S. Jean, & S. Jacques premier évêque de Jérusalem, portoient une lame d’or sur la tête, ce qui étoit sans doute imité des pontifes de l’ancienne loi, qui portoient sur le front une bande d’or sur laquelle le nom de Dieu étoit écrit.

Les ornemens épiscopaux sont la mitre, la crosse, la croix pectorale, l’anneau, les sandales : l’évêque peut faire porter devant lui la croix dans son diocese ; mais il ne peut pas la faire porter dans le diocese d’un autre évêque, parce que la croix levée est un signe de jurisdiction.

Il n’y a communément que les archevêques qui ayent droit de porter le pallium, néanmoins quelques évêques ont ce droit par une concession speciale du pape. Voyez Pallium.

Quelques évêques ont encore d’autres marques d’honneur singulieres ; par exemple, suivant quelques auteurs, l’évêque de Cahors a le privilége dans certaines cérémonies de dire la messe ayant sur l’autel l’épée nue, le casque, & les gantelets, ce qui est relatif aux qualités qu’il prend de baron & de comte.

Plusieurs évêques d’Allemagne, qui sont princes souverains, en usent de même.

En France il y a six évêques ou archevêques qui sont pairs ecclésiastiques ; savoir, trois ducs & trois comtes (voyez Pairs) ; la plûpart des autres évêques possedent aussi de grandes seigneuries attachées à leur évêché. C’est de-là qu’ils ont été admis dans les conseils du roi ; & dans les parlemens le respect que l’on a pour leur ministere, a engagé à leur donner dans les assemblées le premier rang, qui, sous les rois de la premiere race, appartenoit à la noblesse.

On ne croit pourtant pas que ce soit à cause de leurs seigneuries, qu’on leur a donné la qualité de monseigneur, qu’ils sont en usage de se donner entre eux ; il paroît plûtôt qu’elle vient du terme senior, qui, dans la primitive église, étoit le titre commun à tous les évêques & à tous les prêtres : on les appelloit ainsi seniores ou senieurs, parce qu’on choisissoit ordinairement les plus anciens des fideles pour gouverner les autres : on les qualifioit aussi de très-saints, très-pieux, & très-vénérables ; présentement on leur donne le titre de révérendissime.

A l’égard de l’usage où l’on est de désigner chaque évêque par le nom de la ville où est le siége de son église, comme M. de Paris, M. de Troyes, au lieu de dire M. l’archevêque de Paris, M. l’évêque de Troyes, ce n’est pas d’aujourd’hui que cela se pratique. En effet Calvin dans son livre intitulé la maniere de réformer l’Eglise, a dit dès l’an 1548, quoiqu’en raillant, Monsieur d’Avranches, en parlant de Robert Cenalis.

Il étoit d’usage autrefois de se prosterner devant eux & de leur baiser les piés, ce qui ne se pratique plus qu’à l’égard du pape : mais il est encore demeuré de cet usage, que quand l’évêque marche étant revêtu de ses ornemens épiscopaux, il donne de la main des bénédictions que les assistans reçoivent à genoux.

Les nouveaux évêques, après leur sacre, font ordinairement une entrée solennelle dans la ville épiscopale & dans leur église ; plusieurs avoient le droit d’être portés en pompe par quatre des principaux barons ou vassaux de leur évêché, appellés dans quelques titres casati majores ou homines episcopi : dans quelques dioceses ces vassaux doivent à l’évêque une gouttiere ou cierge d’un certain poids.

Par exemple, les seigneurs de Corbeil, de Montlhéri, la Ferté-Alais, & de Montjay, devoient à l’église de Paris un cierge, & étoient tenus de porter l’évêque, aussi-bien que les seigneurs de Torcy, Tournon, Lusarche, & Conflans Ste Honorine : il est dit aussi dans quelques anciens aveux, que le seigneur de Bretigni étoit un de ceux qui devoient porter l’évêque à son entrée.

Les évêques d’Orléans se sont toûjours maintenus en possession de faire solennellement leur entrée, & ont de plus le privilége en cette occasion de délivrer des criminels ; ce privilége qu’ils tiennent de la piété de nos rois, avoit reçu ci-devant beaucoup d’extension. Les criminels venoient alors de toutes parts se rendre dans les prisons d’Orléans pour y obtenir leur grace, ce qui a été restraint par un édit du mois de Novembre 1753, dont nous parlerons ci-après au mot Grace.

Quelques évêques joüissent dans leur église d’un droit de joyeux avenement, semblable à celui dont le Roi est en possession à son avenement à la couronne. M. Loüet en donne un exemple de l’évêque de Poitiers, qui fut confirmé dans ce droit par arrêt du parlement en 1531.

On trouve aussi qu’en 1350 l’évêque de Clermont avoit interdit son diocese, faute de payement des redevances qu’il prétendoit pour son joyeux avenement ; le roi Jean manda par lettres patentes à son