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il est très-rare de la retenir au conseil, qui n’est point cour de justice, mais établi pour maintenir l’ordre des jurisdictions, & faire rendre la justice dans les tribunaux qui en sont chargés.

Voici les principales dispositions que l’on trouve dans les ordonnances sur cette matiere.

L’ordonnance de Décembre 1344, veut qu’à l’avenir il ne soit permis à qui que ce soit de contrevenir aux arrêts du parlement… ni d’impétrer lettres aux fins de retarder ou empêcher l’exécution des arrêts, ni d’en poursuivre l’enthérinement, à peine de 60 l. d’amende… Le roi enjoint au parlement de n’obéir & obtempérer en façon quelconque à telles lettres, mais de les déclarer nulles, iniques & subreptices, ou d’en référer au roi, & instruire sa religion de ce qu’ils croiront être raisonnablement fait, s’il leur paroît expédient.

Charles VI. dans une ordonnance du 15 Août 1389, se plaint de ce que les parties qui avoient des affaires pendantes au parlement, cherchant des subterfuges pour fatiguer leurs adversaires, surprenoient de lui à force d’importunité, & quelquefois par inadvertance, des lettres closes ou patentes, par lesquelles contre toute justice, elles faisoient interdire la connoissance de ces affaires au parlement, qui est, dit Charles VI. le miroir & la source de toute la justice du royaume, & faisoient renvoyer ces mêmes affaires au roi, en quelque lieu qu’il fût ; pour remédier à ces abus, il défend très-expressément au parlement d’obtempérer à de telles lettres, soit ouvertes ou closes, accordées contre le bien des parties, au grand scandale & retardement de la justice, contre le style & les ordonnances de la cour, à moins que ces lettres ne soient fondées sur quelque cause raisonnable, de quoi il charge leurs consciences : il leur défend d’ajoûter foi, ni d’obéir aux huissiers, sergens d’armes & autres officiers porteurs de telles lettres, ains au contraire, s’il y échet, de les declarer nulles & injustes, ou au moins subreptices ; ou que s’il leur paroît plus expédient, selon la nature des causes & la qualité des personnes, ils en écriront au roi & en instruiront sa religion sur ce qu’ils croyent être fait en telle occurence.

L’ordonnance de Louis XII. du 22 Décembre 1499 s’explique à-peu-près de même, au sujet des lettres de dispense & exception, surprises contre la teneur des ordonnances ; Louis XII. les déclare d’avance nulles, & charge la conscience des magistrats d’en prononcer la subreption & la nullité, à peine d’être eux-mêmes desobéissans & infracteurs des ordonnances.

L’édit donné par François I. à la Bourdaisiere le 18 Mai 1529, concernant les évocations des parlemens pour cause de suspicion de quelques officiers, fait mention que le chancelier & les députés de plusieurs cours de parlement, lui auroient remontré combien les évocations étoient contraires au bien de la justice ; & l’édit porte que les lettres d’évocations seront octroyées seulement aux fins de renvoyer les causes & matieres dont il sera question au plus prochain parlement, & non de les retenir au grand conseil du roi, à moins que les parties n’y consentissent, ou que le roi pour aucunes causes à ce mouvantes, n’octroyât de son propre mouvement des lettres pour retenir la connoissance de ces matieres audit conseil. Et quant aux matieres criminelles, là où se trouvera cause de les évoquer, François I. ordonne qu’elles ne soient évoquées, mais qu’il soit commis des juges sur les lieux jusqu’au nombre de dix.

Le même prince par son ordonnance de Villers-Cotterets, art. 170, défend au garde des sceaux de bailler lettres pour retenir par les cours souveraines la connoissance des matieres en premiere instance ; ne aussi pour les ôter de leur jurisdiction ordinaire,

& les évoquer & commettre à autres, ainsi qu’il en a été grandement abusé par ci-devant.

Et si, ajoûte l’art. 171, lesdites lettres étoient autrement baillées, défendons à tous nos juges d’y avoir égard ; & il leur est enjoint de condamner les impétrans en l’amende ordinaire, comme de fol appel, tant envers le roi qu’envers la partie, & d’avertir le roi de ceux qui auroient baillé lesdites lettres, pour en faire punition selon l’exigence des cas.

Le chancelier Duprat qui étoit en place, sous le même regne, rendit les évocations beaucoup plus fréquentes ; & c’est un reproche que l’on a fait à sa mémoire d’avoir par-là donné atteinte à l’ancien ordre du royaume, & aux droits d’une compagnie dont il avoit été le chef.

Charles IX. dans l’ordonnance de Moulins, art. 70, déclare sur les remontrances qui lui avoient été faites au sujet des évocations, n’avoir entendu & n’entendre qu’elles ayent lieu, hors les cas des édits & ordonnances, tant de lui que de ses prédécesseurs, notamment en matieres criminelles ; esquelles il veut que, sans avoir égard aux évocations qui auroient été obtenues par importunité ou autrement, il soit passé outre à l’instruction & jugement des procès criminels ; à moins que les évocations, soit au civil ou au criminel, n’eussent été expédiées pour quelques causes qui y auroient engagé le roi de son commandement, & signées par l’un de ses secrétaires d’état ; & dans ces cas, il dit que les parlemens & cours souveraines ne passeront outre, mais qu’elles pourront faire telles remontrances qu’il appartiendra.

L’ordonnance de Blois, art. 97, semble exclure absolument toute évocation faite par le roi de son propre mouvement ; Henri III. déclare qu’il n’entend doresnavant bailler aucunes lettres d’évocation, soit générales ou particulieres, de son propre mouvement ; il veut que les requêtes de ceux qui poursuivront les évocations soient rapportées au conseil privé par les maîtres des requêtes ordinaires de l’hôtel qui seront de quartier, pour y être jugées suivant les édits de la Bourdaisiere & de Chanteloup, & autres édits postérieurs ; que si les requêtes tendantes à évocation se trouvent raisonnables, parties oüies & avec connoissance de cause, les lettres seront octroyées & non autrement, &c. Il déclare les évocations qui seroient ci-après obtenues, contre les formes susdites, nulles & de nul effet & valeur ; & nonobstant icelles, il veut qu’il soit passé outre à l’instruction & jugement des procès, par les juges dont ils auront été évoqués.

L’édit du mois de Janvier 1597, registré au parlement de Bretagne le 26 Mai 1598, borne pareillement en l’art. 12, l’usage des évocations aux seuls cas prévûs par les ordonnances publiées & vérifiées par les parlemens ; l’art. 13. ne voulant que le conseil soit occupé ès causes qui consistent en jurisdiction contentieuse, ordonne qu’à l’avenir telles matieres qui y pourroient être introduites, seront incontinent renvoyées dans les cours souveraines, à qui la connoissance en appartient, sans la retenir, ne distraire les sujets de leur naturel ressort & jurisdiction.

Et sur les plaintes qui nous sont faites, dit Henri IV. en l’art. 15, des fréquentes évocations qui troublent l’ordre de la justice, voulons qu’aucunes ne puissent être expédiées que suivant les édits de Chanteloup & de la Boûrdaisiere, & autres édits sur ce fait par ses prédécesseurs, & qu’elles soient signées par l’un des secrétaires d’état & des finances qui aura reçû les expéditions du conseil, ou qu’elles n’ayent été jugées justes & raisonnables, par notre-dit conseil, suivant les ordonnances.

L’édit du mois de Mai 1616, art. 9, dit : Voulons & entendons, comme avons toûjours fait, que les cours souveraines de notre royaume soient