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gauche du bataillon, parce que l’ennemi pourroit l’attaquer pendant le mouvement ou avant qu’il fût remis en bataille, auquel cas il pourroit le défaire très-facilement.

Pour éviter cet inconvénient, M. de Puysegur suppose un bataillon de dix compagnies rangées sur six rangs de douze hommes chacun, & il propose de faire faire un quart de conversion à droite ou à gauche par demi-rang de compagnie, c’est-à-dire dans cet exemple par six hommes ; alors chaque compagnie forme deux rangs vers la droite ou la gauche du bataillon. Et dans cet état, on peut le faire marcher vers l’un de ces deux côtés sans qu’il augmente l’étendue de son front (pourvû que toutes les files observent entr’elles en marchant la même distance), & le faire remettre ensuite dans sa premiere position en un instant.

Si le bataillon a marché ainsi vers la droite, on lui fera faire face en tête par un quart de conversion à gauche, que feront chacun des demi-rangs de compagnies qui en ont fait un à droite ; ou bien comme le dit M. le maréchal de Puysegur, chaque partie qui a fait le quart de conversion pour faire face à droite, achevera le cercle entier, & elle fera ensuite demi-tour à gauche, &c. Voyez l’Art de la guerre, tome I. p. 265. & la fig. de la pl. 13. du même livre.

Remarques.

I. Pour faire ce mouvement tel qu’on vient de l’expliquer, il faut que les rangs ayent un intervalle égal au front des demi-rangs de chaque compagnie. Si cet intervalle est plus petit, il faut fixer le nombre d’hommes de chaque rang qui doivent tourner, ou faire le quart de conversion à droite ou à gauche, relativement à l’espace qui est entre les rangs.

II. Si la troupe étoit à quatre de hauteur, il est évident que ce mouvement se réduiroit à doubler les files à droite ou à gauche, & ensuite à faire marcher le bataillon vers celui de ces côtés qu’on voudroit, & le faire ensuite remettre en dédoublant les files.

Article X.

De la contre-marche. On appelle contre-marche, la marche qu’on fait faire à des soldats d’une troupe ou d’un bataillon, dans un sens opposé à la position des autres soldats de la même troupe.

Ainsi dans la contre-marche, une partie du bataillon marche vers la queue du bataillon, ou vers la droite ou la gauche, c’est-à-dire dans un sens ou une direction opposée à la face du bataillon : aussi le nom de contre marche est-il composé de contre & de marche, qui est la même chose que si on disoit marche contraire, ou contre les uns & les autres.

La contre-marche se fait de plusieurs façons.

1°. Par files à droite ou à gauche.

2°. Par rangs à droite ou à gauche.

La contre-marche sert à placer la tête du bataillon à la queue, sans se servir du quart de conversion qui fait changer de terrein au bataillon, c’est-à-dire qui le place à la droite ou à la gauche de sa premiere position, & qui d’ailleurs ne peut se faire lorsqu’on est à portée de l’ennemi, parce qu’il pourroit tomber sur le flanc du bataillon pendant le mouvement, & le détruire ou le dissiper très-facilement dans cet état. Elle sert aussi à changer la position du bataillon, c’est-à-dire à lui faire occuper un autre terrein à sa droite ou à sa gauche, d’une maniere plus simple & plus sûre que par le quart de conversion.

S’il faut se retirer de devant l’ennemi « rien n’est plus dangereux (dit M. Bottée, Exercice de l’infanterie) que de commander le demi-tour à droite ; à peine le soldat entend-t-il ce commandement

qu’il fuit en confusion. Dans la contre-marche, il est occupé du soin de garder son rang & sa file ; ce qui le dissipe d’une partie de sa crainte. Il se rassûre quand il voit que celui qui le commande manœuvre toûjours, & ne s’abandonne point au sort. De même, s’il faut tourner tête à l’ennemi (dit ce même auteur) qui marche à vous pour vous attaquer en queue, vous ne le pouvez faire de bonne grace & promptement que par la contre-marche : car le demi-tour de conversion demande trop de tems, vous fait prêter le flanc, & outre cela, vous laissez votre premier terrein à droite ou à gauche, si vous tournez sur une aîle. Si vous vous contentez de faire demi-tour à droite, vos chefs de file se trouvent en queue, aussi bien que les officiers qui doivent être à la tête ».

Par la contre-marche, on évite ces inconvéniens. Malgré cet avantage, comme elle exige que les files soient ouvertes, elle n’est plus guere d’usage à présent, ainsi que nous l’avons déjà observé au mot Contre-Marche.

Elien, auquel on renvoye dans cet endroit, en traite avec un grand détail. M. de Bombelles s’est aussi fort étendu sur cette manœuvre, dans son Traité des évolutions militaires. Il prétend que pour peu qu’on en connût l’utilité, l’on prendroit un soin particulier d’accoûtumer l’infanterie à la savoir parfaitement. Il est vrai que presque tous les auteurs militaires paroissent en faire cas, & qu’ils donnent tous la maniere de l’exécuter. M. Bottée qui avoit de l’expérience dans la guerre, & qui s’étoit acquis beaucoup de distinction dans la place de major du régiment de la Fere, regarde cette évolution comme fort utile. Par toutes ces considérations, nous croyons devoir en donner une idée plus détaillée que nous ne l’avons fait au mot Contre-Marche.

La contre-marche se fait 1°. en conservant le même terrein, 2°. en gagnant du terrein, & 3°. en le perdant.

Premier Problème.
Faire la contre-marche par files, en conservant le même terrein.

Cette évolution peut se faire également à droite & à gauche : nous supposerons qu’on veut la faire à gauche.

Soit pour cet effet, le bataillon ABCD (fig. 46.) dont les files sont ouvertes de maniere à laisser passer un soldat dans leur intervalle. On commandera à tous les chefs de file, c’est-à-dire aux soldats du premier rang AB, de faire demi-tour à gauche sur le pié gauche, pour se placer, par ce mouvement, dans l’intervalle des files ; après quoi on leur ordonnera de marcher : ce qu’ils feront devant eux dans l’intervalle ou l’ouverture des files, jusqu’à ce qu’ils soient parvenus à la place du dernier rang. Pendant que le premier gagnera ainsi la queue du bataillon, les autres rangs s’avanceront successivement jusqu’à la place du premier, où étant arrivés, ils feront de même un demi-tour à gauche, & ils suivront le premier rang pour se placer derriere lui, comme dans leur premiere position.

Ce mouvement étant ainsi exécuté, le premier rang se trouvera placé sur le terrein du dernier, le second sur celui du troisieme, le troisieme sur celui du second, & le quatrieme sur le terrein du premier.

Lorsque les troupes sont exercées à faire ce mouvement, on leur ordonne de l’exécuter en disant : à gauche, ou bien, à droite par files, faites la contre-marche. A ce premier commandement, les chefs de file font demi-tour à droite ou à gauche.

On dit ensuite, marche. A ce second commandement, toutes les files se mettent en marche, pour occuper le terrein des rangs qu’elles doivent remplir.