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ont fourni cette expérience, avoient certainement été nourris avec du pain fermenté, qui contracté d’autant plus facilement l’acescence, que l’estomac de ces animaux est extrèmement chaud. 2°. Quant aux grains de sable, aux graviers qu’avalent certains oiseaux, ce n’est pas pour tempérer l’activité du ferment acide de l’estomac, mais pour contribuer à la division des grains de blé ou autres, par le mélange & l’application qu’en fait l’action des parois de l’estomac, qui sont extrèmement fortes. Ces petits corps durs sont comme autant de dents mobiles en tout sens, qui servent à broyer des corps moins durs parmi lesquels elles roulent : c’est un supplément au défaut de la mastication. Ces mêmes graviers, qui paroissent rongés, ne prouvent rien en faveur de l’acide digestif, puisqu’un menstrue alkalin peut produire le même effet ; mais l’humidité seule de l’estomac, en ramollissant ces substances pierreuses avec le frotement, suffit pour cela. 3°. L’acidité que contractent certains alimens peu de tems après avoir été reçus dans le ventricule, ne provient pas du ferment acide auquel ils sont mêlés, mais de la disposition particuliere qu’ils ont par leur nature à s’aigrir, attendu que si ce changement dépendoit de ce ferment, toutes sortes d’alimens l’éprouveroient de la même maniere, ce qui est contre l’expérience, & que n’avancent pas les fermentateurs. 4°. C’est par la même raison que le lait s’aigrit aisément dans l’estomac, c’est-à-dire par sa tendance naturelle à l’acescence. Outre cela, l’usage d’alimens acescens, & ce qui en reste dans l’estomac de la digestion précédente, surtout lorsqu’elle se fait lentement, & que les matieres alimentaires sont trop long-tems retenues dans ce viscere, sont des causes qui font que bien des personnes ne peuvent pas prendre du lait sans qu’il s’aigrisse & qu’il se caille. D’ailleurs, qui ignore que la seule chaleur suffit pour faire aigrir & cailler le lait, sans le moyen d’aucun acide, sur-tout lorsque le lait n’est pas récemment tiré ? 5°. Il est vrai que les acides sont quelquefois employés utilement pour exciter l’appétit, mais ce n’est que dans certains cas. Voyez Faim. Il suffit que l’expérience prouve qu’ils ne produisent pas toûjours cet effet, pour que l’on ne puisse rien en conclure en faveur du ferment acide. 6°. Les rapports d’un goût aigre ne sont un bon signe que dans les longues inappétences, dans les cours de ventre, les lienteries invétérées par cause de relâchement ; & ce n’est qu’autant qu’ils annoncent que les alimens sont retenus dans l’estomac & dans les intestins plus qu’ils ne l’étoient auparavant, sans y être suffisamment travaillés pour être bien digérés, ensorte qu’ils commencent à s’y corrompre de la maniere à laquelle ils ont le plus de disposition : ainsi c’est juger de la diminution d’un vice par un autre, mais qui est moins considérable, qui peut être corrigé plus facilement. C’est une preuve que la digestion commence à se faire, mais qu’elle se fait imparfaitement : on en tire une conséquence avantageuse, dans la supposition que cette fonction ne se faisoit auparavant presque pas du tout. Des rapports nidoreux, d’un goût pourri, annoncent la même chose que les rapports aigres, dans ce cas, lorsqu’ils viennent après que l’on a mangé de la viande ou d’autres alimens susceptibles de putréfaction. 7°. Les rapports d’une odeur sulphureuse ne suivent pas dans tous les sujets l’usage des préparations martiales, ce sont principalement les hypocondriaques qui éprouvent cet effet : d’ailleurs il ne faut pas toûjours les attribuer aux acides, puisque le simple mélange de limaille de fer avec de l’eau pure, suffit pour produire des exhalaisons de la même nature. 8°. Pour que les exhalaisons acides qui sortent du ventricule ouvert d’un animal, prouvassent quelque chose en faveur du ferment acide, il faudroit que cette expérience se fît

dans le tems où ce viscere est absolument vuide d’alimens ; au contraire elle est alléguée comme ayant été faite peu de tems après que l’animal a mangé : c’est alors à la nature des alimens qu’il a pris, qu’il faut attribuer ces vapeurs acides, parce qu’ils étoient vraissemblablement susceptibles de corruption acide. On n’ignore pas que le lait caillé dans le ventricule d’un veau, fait un puissant serment acide que l’on employe pour séparer la partie caséeuse des autres parties du lait ; mais les fermentateurs ne se sont jamais avisés de dire que l’animal employé pour l’expérience dont il s’agit ici, n’eût été nourri que de viande, parce qu’avec cette condition l’expérience n’auroit pas fourni le même résultat.

C’est ainsi qu’a été détruit par les fondemens l’édifice du système chimique, quant à la maniere dont ils prétendoient expliquer l’œuvre de la digestion dans le ventricule ; mais comme ils ne se bornoient pas à établir dans ce viscere les merveilles de la fermentation, il faut les suivre dans le canal intestinal, où ils font encore joüer bien des rôles à ce même principe, pour lui attribuer l’entiere perfection du chyle.

Helmont supposant que le chyle a été rendu acide par l’effet du ferment de même nature qu’il a établi dans l’estomac, faisoit opérer une précipitation par le moyen de cette acidité du suc alimentaire, lorsqu’il est porté dans les intestins, & d’une sorte de qualité de la bile qui équivaloit à l’alkalinité. Quoiqu’il ne s’en expliquât pas bien clairement, il lui attribuoit cependant de contenir beaucoup de sel lixiviel & d’esprit huileux. Il pensoit qu’après cette précipitation le chyle n’avoit plus qu’une salure douce, & plus convenable au caractere de nos humeurs en général, & il se représentoit cette transmutation de la maniere suivante. Le concours de ces deux fluides donnant lieu à leur mélange, ils devoient s’unir intimement l’un à l’autre par leurs parties intégrantes, se fondre l’un dans l’autre par l’affinité qui se trouve entr’eux ; ensorte que le sel acide du chyle pénétrant l’alkali de la bile, devoit exciter une effervescence, une douce fermentation d’où résultât un tout d’une nature différente de ce qu’étoit le double ingrédient avant le mélange ; savoir un fluide salin, acide, cependant volatil.

Pour réfuter toutes ces nouvelles idées d’Helmont, on n’a eu d’abord qu’à nier que le ferment du ventricule soit acide, & à le prouver ainsi qu’il a été fait ci-devant. Ensuite on a démontré que la bile dans l’état naturel, c’est-à-dire tirée d’un animal sain, n’a fermenté, n’a produit aucune effervescence (pour parler plus correctement) avec aucune sorte d’acide. La chose a été tentée de différentes manieres. Bohn rapporte, circul. anat. phys. progymn. x. qu’il a mêlé de l’esprit de vitriol, de celui de nitre, de celui de sel, avec une certaine quantité de bile de bœuf récemment tirée de sa source, sans qu’il y ait jamais apperçû aucune marque d’agitation intestine ; le mélange se changeoit seulement en une substance coagulée, de différente couleur & de différente consistence. Cet auteur fait même observer que les acides ne produisent pas cette coagulation avec toute sorte de bile : celle du chien mêlée avec de l’esprit de sel, ne fit que prendre une couleur verte, sans changer de consistence. D’autres ne conviennent pas qu’il ne se fasse point d’effervescence dans un pareil mélange ; mais on a observé un mouvement de cette espece dans l’eau pure, qui s’échauffe par l’huile de vitriol (Boerh. élem. chem. ij.) : ainsi on ne peut tirer de-là aucune conséquence pour l’alkalinité de la bile. Voy. Bile.

Sylvius fit quelques changemens au système de son maître : il crut trouver de l’acidité dans le suc pancréatique ; & ayant à-peu-près la même idée de la