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cet empereur, étoient d’or ; & Catulle compare un homme indolent & paresseux, à une mule dont les fers sont arrêtés dans une boue épaisse & profonde, ensorte qu’elle ne peut en sortir. Or si la ferrure, relativement aux mules, étoit si fort en vigueur, pourquoi ne l’auroit-elle pas été relativement aux chevaux, & pourquoi s’éleveroit-on contre ceux qui feroient remonter cette opération jusqu’à des siecles très-reculés ? Ces questions ne nous intéressent pas assez pour nous livrer ici à la discussion qu’elles exigeroient de nous, dès que nous entreprendrions de les éclaircir. La fixation de l’époque & du tems auquel les hommes ont imaginé de ferrer les chevaux, ne sauroit nous être de quelqu’utilité, qu’autant que nous pourrions, en partant de ce fait, comparer les idées des anciens & les nôtres, en établir en quelque façon la généalogie, & découvrir, en revenant sur nos pas, & à la faveur d’un enchaînement & d’une succession constante de lumieres, des principes oubliés, & peut-être ensevelis dans des écrits délaissés ; mais en ce point, ainsi que dans tous ceux qui concernent l’Hippiatrique, il n’est pas possible d’espérer de tirer de pareils avantages de l’étude des ouvrages qui nous ont été transmis. Sacrifions donc sans balancer, des recherches qui concourroient plûtôt à flater notre curiosité qu’à nous instruire, & ne nous exposons point au reproche d’avoir dans une indigence telle que la nôtre, & dans les besoins les plus pressans, abandonné le nécessaire & l’utile pour ne nous attacher qu’au superflu.

De toutes les opérations pratiquées sur l’animal, il en est peu d’aussi commune & d’aussi répetée que celle-ci ; or l’ignorance de la plûpart des artisans aux quels elle est confiée, & qui, pour preuve de leur savoir, attestent sans cesse une longue pratique, nous démontre assez que le travail des mains ne peut conduire à rien, s’il n’est soûtenu par l’étude & par la réflexion. Toute opération demande en effet de la part de celui qui l’entreprend, une connoissance entiere de la partie sur laquelle elle doit être faite : dès que le maréchal-ferrant ignorera la structure, la formation, & les moyens de l’accroissement & de la régénération de l’ongle, il ne remplira jamais les différentes vûes qu’il doit se proposer, & il courra toûjours risque de l’endommager & d’en augmenter les imperfections, bien loin d’y remédier.

Le sabot ou le pié n’est autre chose que ce même ongle dont les quatre extrémités inférieures du cheval sont garnies. La partie qui regne directement autour de sa portion supérieure, est ce que nous nommons précisément la couronne ; sa consistence est plus compacte que celle de la peau par-tout ailleurs : les parties latérales internes & externes en forment les quartiers (voyez Quartiers) ; la portion antérieure, la pince (voyez Pince) ; la portion postérieure, les talons (voyez Talons) ; la portion inférieure enfin contient la fourchette & la sole (voyez Fourchette, voyez Sole) : celle-ci tapisse tout le dessous du pié.

La forme naturelle du sabot & de l’ongle entier, est la même que celle de l’os qui compose le petit pié ; elle nous présente un ovale tronqué, ouvert sur les talons, & tirant sur le rond en pince. Dans le poulain qui naît, l’ongle a moins de force & de soûtien ; la sole est molle & comme charnue ; la fourchette n’a ni saillie ni forme ; elle n’est exactement visible & saillante en-dehors, qu’à mesure que la sole parvient à une certaine consistence, & se durcit. Il en est à cet égard comme des os mêmes, c’est-à-dire qu’ici l’ongle est plus mou que dans le cheval, parce qu’il y a plus d’humidité, & que les parties n’ont pû acquérir leur force & leur solidité.

Quelque compacte que soit dans l’animal fait la substance du sabot, il est constant que l’ongle dépend

des parties molles, & reconnoît le même principe. Il n’est réellement dans son origine, ainsi que nous l’observons dans le fœtus & dans le poulain naissant, qu’une suite & une production du système général des fibres & des vaisseaux cutanés, & n’est formé que par la continuité de ces fibres & par l’extrémité de ces mêmes vaisseaux. Ces fibres à l’endroit de la couronne sont infiniment plus rapprochées les unes des autres, qu’elles ne l’étoient en formant le tissu des tégumens ; & elles se resserrent & s’unissent toûjours davantage à mesure qu’elles se prolongent, & qu’elles parviennent à la pince & aux extrémités du pié : de-là la dureté & la consistence de l’ongle. Quant aux vaisseaux, leur union plus étroite & plus intime contribue à cette solidité ; mais ils ne s’étendent pas aussi loin que les fibres : arrivés à une certaine portion du sabot, leur diametre est tellement diminué que leurs liqueurs ne circulent plus, & ne peuvent s’échapper que par des porosités formées par l’extrémité de ces tuyaux. La liqueur échappée par ces porosités, nourrit la portion qui en est imbue ; mais comme elle n’est plus soûmise à l’action systaltique, elle ne peut être portée jusqu’à la partie inférieure de l’ongle, aussi cette partie ne reçoit-elle point de nourriture.

Distinguons donc trois parties dans le sabot ; la partie supérieure sera la partie vive ; la partie moyenne sera la partie demi-vive, si je peux m’exprimer ainsi ; & la portion inférieure sera la partie morte.

La partie supérieure, ou la partie vive, sera aussi la partie la plus molle, parce qu’elle sera tissue de vaisseaux & de fibres qui seront moins serrés à l’origine de l’ongle qu’à son milieu & à sa fin : aussi voyons-nous que le sabot, à la couronne & à son commencement, est moins compacte qu’il ne l’est dans le reste de son étendue, soit par le moindre rapprochement des fibres, soit parce que les liqueurs y circulent & l’abreuvent, malgré l’étroitesse des canaux, dont le diametre, quelque petit qu’il soit, laisse un passage à l’humeur dont il tire & dont il reçoit sa nourriture.

La partie moyenne, ou la partie demi-vive, sera d’une consistance plus dure que la partie supérieure, parce que les fibres y seront plus unies ; & que d’ailleurs les vaisseaux s’y terminant, ce n’est que par des filieres extrèmement tenues, ou par des porosités imperceptibles, que la partie la plus subtile de la lymphe qui sert à son entretien & à sa nutrition, pourra y être transmise & y pénétrer.

Enfin la partie inférieure, que j’ai crû devoir appeller la partie morte, sera d’une substance encore plus solide que les autres, parce que la réunion des fibres sera plus intime ; & que quand même on pourroit y supposer des vaisseaux, ils seroient tellement oblitérés qu’ils n’admettroient aucun liquide, ce qui est pleinement démontré par l’expérience. En effet, lorsqu’on coupe l’ongle en cet endroit, & que l’on pare un pié, les premieres couches que l’on enleve ne laissent pas entrevoir seulement des vestiges d’humidité ; or dès que les liqueurs ne peuvent être charriées jusqu’à cette partie, elle ne peut être envisagée que comme une portion morte, & non comme une portion joüissante de la vie.

Le méchanisme de la formation & de l’entretien du sabot, est le même que celui de son accroissement. Nous avons reconnu dans la couronne & dans la partie vive, des vaisseaux destinés à y porter la nourriture, de maniere que les lois de la circulation s’y exécutent comme dans toutes les autres parties du corps ; c’est-à-dire que la liqueur apportée par les arteres, est rapportée par des veines qui leur répondent. Nous avons observé, en second lieu, que les extrémités de ces mêmes vaisseaux qui donnent la vie à la partie supérieure, sont directement à la par-