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qui s’étendent jusqu’au quarantieme jour : on leur a donné vraissemblablement ce nom, parce que le quarantieme jour est le terme des révolutions septenaires.

Les crises sont bien moins violentes & moins remarquables dans les fievres tropiques que dans les fievres aiguës de toute espece : apparemment que pendant un période si long, la coction qui se fait ne procure qu’une médiocre dépuration à chaque exacerbation ; c’est-à-dire que les crises s’operent seulement en détail & à différentes fois, jusqu’à ce que la maladie soit parfaitement terminée.

Il faut donc distinguer ces sortes de fievres chroniques des fievres hectiques, lesquelles dépendent d’une cause qui perpétue ou renouvelle continuellement celle qui les entretient, ensorte qu’elles ne peuvent produire ni coction ni crise qui les consume. Voyez Fievre hectique.

Toutes les fievres dont la durée passe quarante jours, sont envisagées comme des maladies entretenues d’ordinaire par quelque vice des organes, ou même encore par l’impéritie du medecin. Tous ces articles du mot Fievre, sont de M. le Chevalier de Jaucourt.

Fievre, (Mytholog.) nom propre d’une divinité payenne, Febris. Les Romains firent de la Fievre une deesse, & l’honorerent seulement pour l’engager à moins nuire, suivant la remarque de Valere-Maxime, liv. II. ch. v. n. 6.

Cette déesse avoit à Rome plusieurs temples ; & du tems de l’auteur que nous venons de citer, trois de ces temples subsistoient encore, l’un sur le mont Palatin, l’autre dans la place des monumens de Marius, & le troisieme au haut de la rue longue. On apportoit dans ces temples les remedes contre la Fievre, avant de les donner aux malades, & on les exposoit quelque tems sur l’autel de la divinité. Ce moyen servoit plus à guérir l’esprit que le corps, dit Valere-Maxime lui-même ; & les anciens Romains qui mirent la Fievre au rang des dieux, dûrent leur santé bien plus à leur frugalité qu’à la protection de la déesse.

Nous ignorons comment ils la représentoient ; mais nous avons la formule d’une priere ou d’un vœu qui lui a été fait, & qui s’est conservé dans une inscription trouvée en Transylvanie. Cette inscription publiée par Gruter, donne à la Fievre les noms de divine, de sainte, & de grande. La voici. Febri divæ, Febri sanctæ, Febri magnæ, Camilla Amata, pro filio male affecto, P. « Camilla Amata offre ses vœux pour son fils malade, à la divine Fievre, à la sainte Fievre, à la grande Fievre ».

Au reste les Romains avoient reçû cette divinité des Grecs, avec cette différence que ces derniers en faisoient un dieu, parce que le mot πυρετὸς, fievre, est masculin, & que febris est féminin ; mais c’est toûjours le même être qu’ils ont divinisé dans chaque pays, pour satisfaire aux préjugés du peuple. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Fievre, (Manege, Maréchall.) maladie commune à l’homme & à l’animal. Le medecin profond & éclairé en recherche encore la nature individuelle ; l’ignorant toûjours présomptueux se flate de l’avoir saisie : la sage timidité de l’un la précipitation hardie de l’autre, doivent inspirer la plus grande réserve. Je ne joindrai donc point témérairement ici mes foibles efforts à ceux du premier ; & je ne me livrerai pas d’une autre part, à l’inutile soin de reprimer le ton impérieux & décisif du second. Les divisions que suggerent les différences que l’on remarque dans les fievres dont le cheval est atteint ; les causes évidentes de ces fievres, leurs symptomes, les justes indications qui peuvent déterminer le maréchal dans

le choix & dans l’application des remedes, sont les uniques points dans lesquels je me propose de me renfermer. Si je ne lui présente que les faits que j’ai scrupuleusement observés ; & si de ces faits présentés & certains je ne tente pas de m’élever par la voie des inductions & des conséquences, à la découverte d’un principe ou d’une cause prochaine jusqu’à présent ensevelie dans les ténebres de la nature, qu’il sache que la nuit profonde qui nous dérobe une foule innombrable d’objets & de vérités, est préférable aux vaines & fausses lueurs que nous ne prenons que trop souvent pour de véritables lumieres ; qu’il apprenne que les systèmes, les hypothèses, & toutes les bisarres productions d’une imagination ou d’un esprit qui se perd, peuvent d’autant plus aisément l’égarer, qu’elles ont fait de la Medecine des hommes, c’est-à-dire de l’art le plus utile & le plus salutaire, un art funeste & dangereux ; & que qui méconnoît le doute & ne craint point l’erreur, est inévitablement sujet à des écarts également indignes de la raison & du savoir, qui ne sauroient en être la source.

Toute fievre qui ne subsiste pas par elle-même, & qui n’est que l’effet d’une maladie quelconque qui affecte quelque partie du corps de l’animal, est dite fievre secondaire ou symptomatique.

Toute fievre qui forme principalement la maladie, & qui ne peut en être regardée comme une dépendance, un accident, ou une suite, est appellée fievre absolue, ou fievre idiopathique, ou fievre essentielle.

Celle-ci est intermittente ou continue.

On nomme fievres intermittentes celles qui cessent par intervalles, & qui reprennent par accès, soit que leurs périodes soient reglées, soit qu’elles se montrent erratiques ou confuses.

Dans la distinction que M. de la Guériniere a faite des fievres considérées par rapport à l’animal, il admet la fievre tierce & la fievre quarte. La définition triviale qu’il nous en donne, & à laquelle il se borne, ne dispose point à croire qu’il les ait réellement apperçûes dans le cheval : son témoignage ne peut donc être de quelque poids qu’autant qu’il se trouve appuyé de l’autorité de Ruini. Ce dernier est de tous les auteurs qui méritent quelque confiance & que j’ai consultés, le seul qui en fasse mention : il parle même d’une sorte de fievre intermittente subintrante qu’il appelle, d’après les Medecins, fievre quarte continue. Je ne nie point, relativement à l’animal dont il s’agit, la possibilité de leur existence, de leur retour, & de leurs redoublemens périodiques ; mais je me suis imposé la loi de ne rien avancer qui ne soit généralement avoüé, ou qui ne soit établi sur mes observations particulieres ; & cette même loi m’interdit toute discussion à cet égard.

Il n’en est pas ainsi des fievres continues, je veux dire de celles qui sont sans intermission : l’expérience m’a appris qu’il en est qui ne lui sont que trop souvent funestes.

Les unes m’ont paru simples, & les autres composées.

Celles-ci different essentiellement de celles qui sont simples, par les accès, les invasions, les redoublemens, l’augmentation des symptomes qui pendant leur durée, prouvent & annoncent de plus grands efforts de la part de la cause morbifique : j’ajoûterai que ces paroxysmes ou ces redoublemens n’ont jamais à mes yeux évidemment gardé aucun ordre.

De toutes les fievres continues, l’éphémere est la plus simple ; elle se termine ordinairement dans l’espace de vingt-quatre heures, quelquefois dans l’espace de trente-six. Si la durée s’étend au-delà de ce tems, elle est dite fievre éphémere étendue, ou, pour me servir du langage de l’école, fievre synoque simple : c’est cette même fievre dont le cours est plus ou