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due depuis son embouchure jusqu’à quelques-unes de ses sources, qui ne sont pas éloignées du lac des Assiniboils, dont nous venons de parler.

» Le fleuve de la Plata a plus de 800 lieues depuis son embouchure jusqu’à la source de la riviere Parna qu’il reçoit.

» Le fleuve Oronoque a plus de 575 lieues de cours, en comptant depuis la source de la riviere Caketa près de Pasto, qui se jette en partie dans l’Oronoque, & coule aussi en partie vers la riviere des Amazones. Voyez la carte de M. de la Condamine.

» La riviere Madera qui se jette dans celle des Amazones, a plus de 660 ou 670 lieues. Hist. natur. tome l. page 352 & suiv. »

Les fleuves les plus rapides de tous, sont le Tigre, l’Indus, le Danube, l’Yrtis en Sibérie, le Malmistra en Cilicie, &c. Voyez Varenii géograph. page 178. Mais, comme nous le dirons plus bas, la mesure de la vîtesse des eaux d’un fleuve dépend de deux causes ; la premiere est la pente, & la seconde le poids & la quantité d’eau : en examinant sur le globe quels sont les fleuves qui ont le plus de pente, on trouvera que le Danube en a beaucoup moins que le Pô, le Rhin & le Rhône, puisque tirant quelques-unes de ses sources des mêmes montagnes, le Danube a un cours beaucoup plus long qu’aucun de ces trois autres fleuves, & qu’il tombe dans la mer Noire, qui est plus élevée que la Méditeranée, & peut-être plus que l’Océan. Ibid.

Lois du mouvement des fleuves & rivieres en général. Les philosophes modernes ont tâché de déterminer par des lois précises le mouvement & le cours des fleuves ; pour cela ils ont appliqué la Géométrie & la méchanique à cette recherche ; de sorte que la théorie du mouvement des fleuves est une des branches de la physique moderne.

Les auteurs italiens se sont distingués dans cette partie, & c’est principalement à eux qu’on doit les progrès qu’on y a faits ; entr’autres à Guglielmini, qui dans son traité della natura de’ fiumi, a donné sur cette matiere un grand nombre de recherches & d’observations.

Les eaux des fleuves, selon la remarque de cet auteur, ont ordinairement leurs sources dans des montagnes ou endroits élevés ; en descendant de-là elles acquierent une vîtesse ou accélération qui sert à entretenir leur courant : à mesure qu’elles font plus de chemin, leur vitesse diminue, tant à cause du frotement continuel de l’eau contre le fond & les côtés du lit où elles coulent, que par rapport aux autres obstacles qu’elles rencontrent, & enfin parce qu’elles arrivent après un certain tems dans les plaines, où elles coulent avec moins de pente, & presque horisontalement. Ainsi le Reno, fleuve d’Italie, qui a été un de ceux que Guglielmini a le plus observé, n’a vers son embouchure qu’une pente très petite.

Si la vîtesse que l’eau a acquise est entierement détruite par les différens obstacles, ensorte que son cours devienne horisontal, il n’y aura plus rien qui puisse produire la continuation de son mouvement, que la hauteur de l’eau ou la pression perpendiculaire qui lui est toûjours proportionnelle. Heureusement cette derniere cause devient plus forte à mesure que la vîtesse se ralentit par les obstacles ; car plus l’eau perd de la vîtesse qu’elle a acquise, plus elle s’éleve & se hausse à-proportion.

L’eau qui est à la surface d’une riviere, & qui est éloignée des bords, peut toûjours couler par la seule & unique cause de sa déclivité, quelque petite qu’elle soit : car n’étant arrêtée par aucun obstacle, la plus petite différence dans le niveau suffit pour la faire mouvoir. Mais l’eau du fond qui rencontre des obstacles continuels, ne doit recevoir presque au-

cun mouvement d’une pente insensible, & ne pourra

être mûe qu’en vertu de la pression de l’eau qui est au-dessus.

La viscosité & la cohésion naturelle des parties de l’eau, & l’union qu’elles ont les unes avec les autres, fait que les parties inférieures, mûes par la pression des supérieures, entraînent à leur tour celles-ci, qui autrement dans un lit horisontal n’auroient aucun mouvement, ou n’auroient qu’un mouvement presque nul, si le canal n’avoit que très-peu de pente. Ainsi les parties inférieures, en ce cas, rendent aux supérieures une partie du mouvement qu’elles en reçoivent par la pression : de-là il arrive souvent que la plus grande vîtesse des eaux d’une riviere est au milieu de la profondeur de son lit, parce que les parties qui y sont, ont l’avantage d’être accelérées par la pression de la moitié de la hauteur, sans être retardées par le fond.

Pour savoir si l’eau d’une riviere qui n’a presque point de pente, coule par le moyen de la vîtesse qu’elle a acquise dans sa descente ou par la pression perpendiculaire de ses parties, il faut opposer au courant un obstacle qui lui soit perpendiculaire : si l’eau s’éleve & s’enfle au-dessus de l’obstacle, sa vîtesse vient de sa chûte ; si elle ne fait que s’arrêter, sa vîtesse vient de la pression de ses parties.

Les fleuves, selon Guglielmini, se creusent presque tous seuls leur lit. Si le fond a originairement beaucoup de pente, l’eau acquiert en conséquence une grande vîtesse ; elle doit par conséquent détruire les parties du fond les plus élevées, & les porter dans les endroits plus bas, & applanir ainsi peu-à-peu le fond en le rendant plus horisontal. Plus l’eau aura de vîtesse, plus elle creusera son fond, & plus elle se fera par conséquent un lit profond.

Quand l’eau du fleuve a rendu son lit plus horisontal, elle commence alors à couler elle-même horisontalement, & par conséquent agit sur le fond de son lit avec moins de force, jusqu’à ce qu’à la fin sa force devienne égale à la résistance du fond. Alors le fond demeure dans un état permanent, au moins pendant un tems considérable, & ce tems est plus ou moins long selon la qualité du sol ; car l’argille & la craie, par exemple, résistent plus long-tems que le sable & le limon.

D’un autre côté, l’eau ronge continuellement les bords de son lit, & cela avec plus ou moins de force selon qu’elle les frappe plus perpendiculairement. Par cet effort continuel, elle tend à rendre les bords de son lit paralleles au courant ; & quand elle a produit cet effet autant qu’il est possible, elle cesse alors de changer la figure de ses bords. En même tems que son courant devient moins tortueux, son lit s’élargit, c’est-à-dire que le fleuve perd de sa profondeur, & par conséquent de la force de sa pression : ce qui continue jusqu’à ce qu’il y ait équilibre entre la force de l’eau & la résistance des bords ; pour lors le fleuve ni les bords ne changent plus. Il est évident par l’expérience, qu’il y a réellement un tel équilibre, puisque l’on trouve que la profondeur & la largeur des rivieres ne passe point certaines bornes.

Le contraire de tout ce qu’on vient de dire peut aussi quelquefois arriver. Les fleuves dont les eaux sont épaisses & limoneuses, doivent déposer au fond de leur lit une partie des matieres hétérogenes que ces eaux contiennent, & rendre par-là leur lit moins profond. Leurs bords peuvent aussi se rapprocher par la déposition continuelle de ces mêmes matieres. Il peut même arriver que ces matieres étant jettées loin du fil de l’eau, entre les bords & le courant, & n’ayant presque point de mouvement, forment peu-à-peu un nouveau rivage.

Or, ces effets contraires & opposés semblent presque toûjours concourir, & se combiner différem-