Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 7.djvu/198

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des nombres particuliers aux lettres, pour trouver le résultat particulier dans quelque cas propose que ce soit. Une formule est donc une méthode facile pour opérer ; & si l’on peut la rendre absolument générale, c’est le plus grand avantage qu’on puisse lui procurer ; c’est souvent réduire à une seule ligne toute une science. Mais pour qu’une formule générale soit vraiment utile, & qu’il y ait du mérite à l’avoir trouvée, il faut que la formule générale soit plus difficile à trouver que la formule particuliere, c’est-à-dire que le probleme énoncé généralement renferme des difficultés plus grandes que le probleme particulier qui a donné occasion de chercher la méthode générale. Feu M. Varignon, géometre de l’académie des Sciences, aimoit à généraliser ainsi des formules ; mais malheureusement ses formules générales étoient presque toûjours privées de l’avantage dont nous parlons : & dans ce cas une formules générale n’est qu’une puérilité ou une charlatanerie. M. Bernoulli, ou un autre géometre, résolvoit-il un probleme difficile ? M. Varignon aussi-tôt le généralisoit, de maniere que l’énoncé plus général renfermoit en apparence plus de difficultés, mais en effet n’en avoit aucune de plus, & n’exigeoit pas qu’on ajoûtât la moindre chose à la méthode particuliere : aussi M. Bernoulli disoit-il quelquefois après avoir résolu un problième, qu’il le laissoit à généraliser à M. Varignon. (O)

Formule (Hist. rom.) regle prescrite par les lois de Rome, dans des affaires publiques & particulieres.

La république romaine avoit établi pour l’administration des affaires, certaines formules dont il n’étoit pas permis de s’écarter. Les stipulations, les contrats, les testamens, les divorces, se faisoient par des formules prescrites, & toûjours en certains termes dictés par la loi, dont la moindre omission ou addition étoit capable d’annuller les actes les plus importans. La même chose avoit lieu pour les affaires publiques religieuses & civiles, les expiations ; les déclarations de guerre, les dévoüemens, &c. avoient leurs formules particulieres, que l’histoire nous a conservées. Enfin il y avoit dans quelques conjonctures éclatantes, certaines formules auxquelles on attachoit des idées beaucoup plus vastes, que les termes de ces formules ne sembloient désigner. Ainsi quand le sénat ordonnoit par un decret que les consuls eussent à pourvoir qu’il n’arrivât point de dommage à la république, ne quid respublica detrimenti caperet, c’étoit une formule des plus graves, par laquelle les magistrats de Rome recevoient le pouvoir le plus étendu, & qu’on ne leur confioit que dans les plus grands périls de l’état. (D. J.)

Formules des Actions ou Formules romaines (Jurisp.), legis actiones ; c’étoit la maniere d’agir en conséquence de la loi, & pour profiter du bénéfice de la loi ; c’étoit un style dont les termes devoient être suivis scrupuleusement & à la rigueur. C’étoit proprement la même chose que les formalités établies parmi nous par les ordonnances & l’usage, pour le style des actes & la procédure.

Ce qui donna lieu à introduire ces formules, fut que les lois romaines faites jusqu’au tems des premiers consuls, ayant seulement fait des réglemens sans rien prescrire pour la maniere de les mettre en pratique, il parut nécessaire d’établir des formules fixes pour les actes & les actions, afin que la maniere de procéder ne fût pas arbitraire & incertaine. Il paroît que ce fut Appius-Claudius Caecus, de l’ordre des patriciens, & qui fut consul l’an de Rome 446, qui fut choisi par les patriciens & par les pontifes, pour rédiger les formules & en composer un corps de pratique. Ces formules furent appellées legis actiones, comme qui diroit la maniere d’agir suivant la loi ;

elles servoient principalement pour les contrats, affranchissemens, émancipations, cessions, adoptions, & dans presque tous les cas où il s’agissoit de faire quelque stipulation, ou d’intenter une action.

L’effet de ces formules étoit 1°. comme on l’a dit, de fixer le style & la maniere de procéder ; 2°. que par ce moyen tout se faisoit juridiquement & avec solennité, tellement que le défaut d’observation de ces formules emportoit la nullité des actes ; & l’omission de quelques-uns des termes essentiels de ce formules, faisoit perdre irrévocablement la cause à celui qui les omettoit ; au lieu que parmi nous on peut en certain cas revenir par nouvelle action. 3°. Elles ne dépendoient d’aucun jour ni d’aucune condition, c’est-à-dire qu’elles avoient lieu indistinctement tous les jours, même dans ceux que l’on appelloit dies festos, & elles ne changeoient point suivant les conventions des parties. 4°. Chacune de ces formules ne pouvoit s’employer qu’une fois dans chaque acte ou contestation. Enfin il falloit les employer ou prononcer soi-même, & non par procureur.

Les patriciens & les pontifes qui étoient dépositaires de ces formules, de même que des fastes, en faisoient un mystere pour le peuple ; mais Cnæus-Flavius secrétaire d’Appius, les rendit publiques ; ce qui fut si agréable au peuple, que le livre des formules fut appellé droit flavien, du nom de celui qui l’avoit publié ; & Flavius fut fait tribun du peuple. Les fastes & les formules furent proposés au peuple sur des tables de pierre blanche ; ce qu’on appelloit in albo.

Autant le peuple fut satisfait d’être instruit des formules, autant les patriciens en furent jaloux ; & pour se conserver le droit d’être toûjours les dépositaires des formules, ils en composerent de nouvelles qu’ils cacherent encore avec plus de soin que les premieres, afin qu’elles ne devinssent pas publiques ; mais Sextus-Ælius-Poetus Catus étant édile-curule, l’an de Rome 553, les divulga encore, & celles-ci furent nommées droit ælien. Ces nouvelles formules furent comprises dans un livre d’Ælius, intitulé tripertita.

Les jurisconsultes ajoûterent dans la suite quelques formules aux anciennes ; mais tout cela n’est point parvenu jusqu’à nous. Les formules commencerent à être moins observées sous les empereurs. Les fils de Constantin rejetterent celles qui avoient rapport aux testamens ; Théodose le jeune les abrogea toutes, & depuis elles ne furent plus de vigueur, ni même usitées : cependant l’habitude où l’on étoit de s’en servir, fit qu’il en demeura quelques restes dans la plûpart des actes.

Plusieurs savans ont travaillé à rassembler les fragmens de ces formules, dispersés dans les lois & dans les auteurs. L’ouvrage le plus complet en ce genre est celui du président Brisson, de formules & solemnibus populi romani verbis. Il est divise en huit livres, qui contiennent les formules des actes & de la procédure, & même celles touchant la religion & l’art militaire.

Le célebre Jerôme Bignon, qui publia en 1613 les formules de Marculfe, avec des notes, y a joint quarante-six anciennes formules selon les lois romaines.

M. Terrasson a aussi très bien expliqué l’objet de ces formules, dans son histoire de la jurisprudence romaine, part. II. §. 16. pag. 207. & à la fin de l’ouvrage parmi les anciens monumens qu’il nous a donnés de la jurisprudence romaine, il a aussi rapporté plusieurs formules des contrats & actions. (A)

Formules de Marculfe, sont des modeles d’actes & de procédures, recueillis par le moine Marculfe qui vivoit vers l’an 660. On présume qu’il avoit été chapelain de nos rois avant de se retirer dans une solitude. Son recueil de formules est divisé