Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 7.djvu/368

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

caves en été qu’en hyver, puisque c’est précisément le contraire de ce que nous éprouvons, par les différentes sensations qui en résultent.

Mais quelle est donc la disposition de nos corps à laquelle il est attaché, de pouvoir porter à l’ame l’idée du froid conséquemment aux impressions qu’ils reçoivent des causes frigorifiques ? Cette question tient à la recherche des causes de la chaleur animale, puisque ce ne peut être qu’une diminution des effets de ces causes, qui change les sensations des organes affectés par la chaleur : on a examiné dans l’article Chaleur animale, avec une critique aussi éclairée que sage, & avec toute la précision possible, dans un sujet qui n’en est guere susceptible de sa nature, les différens systèmes les plus remarquables tant des anciens que des modernes, sur ce qui allume dans les corps animés, le feu qui y produit cet effet d’une maniere presqu’invariable dans quelque température qu’ils se trouvent. On y a prouvé presque jusqu’à la démonstration, par les raisonnemens les plus solides, que nous sommes encore bien éloignés de pouvoir regarder les sources de la chaleur animale comme sûrement découvertes, puisqu’aucune des explications tant physiques que méchaniques, les plus spécieuses, n’ont pas encore acquis le degré de perfection nécessaire, pour rendre raison de tous les phénomenes qui dépendent du principe qu’il est question de connoître. On y donne à entendre avec raison, que l’idée de Galien & des Arabes, sur le feu inné, ventillé par l’air respiré, sur-tout entant qu’il est considéré comme un agent physique & réel, ainsi que Sennert & Riviere l’ont conçû, & non pas comme une qualité, selon la plûpart des auteurs antérieurs, n’est pas autant dénuée de fondement, qu’elle l’a paru assez généralement depuis que le joug de l’ancienne école a été secoué. On fait voir cependant aussi dans l’article dont il s’agit, que de toutes les hypothèses proposées sur ce sujet, il n’en est point jusqu’à-présent qui semblent davantage approcher de la vérité, que celles qui sont fondées sur l’effet méchanique, qui est une suite nécessaire des mouvemens qui entretiennent la vie, c’est-à-dire, l’attrition ou le frottement qui se fait des solides entr’eux, ou des fluides contre les solides. On y donne l’extrait du meilleur ouvrage qui ait paru en ce genre, qui est l’essai sur la génération de la chaleur dans les animaux, du docteur Douglas ; extrait par lequel on fait connoître que cet auteur en réfutant les différentes opinions des Physiologistes tant anciens que modernes, rejette également toutes les causes physiques, chimiques & méchaniques, pour substituer son sentiment, qui a néanmoins pour fondement une cause de cette derniere espece, le frottement des globules sanguins dans les vaisseaux capillaires, proportionné au resserrement de ces vaisseaux par le froid ; frottement auquel il attribue de pouvoir produire & entretenir une chaleur toûjours uniforme dans la latitude ordinaire des variations de notre température, ce qui fait le principal des phénomenes à expliquer, à l’égard duquel tous les systèmes lui ont paru en défaut ; mais mal-à-propos, selon l’auteur de l’art. Chaleur animale, qui fait observer fort judicieusement que dans le système des anciens, qui attribue cette chaleur au feu inné excité par l’air respiré, la proportion entre l’augmentation de la chaleur du milieu & la diminution de sa densité, diminution par laquelle il contribue moins à l’entretien du feu vital, à-mesure que celui de l’atmosphere est plus en action, y opere plus de raréfaction ; entre la diminution de la chaleur du milieu & l’augmentation de sa densité (par laquelle seule, il peut rendre plus actif le feu du corps animé, à-mesure que le feu ambiant perd de son activité, & qu’il peut par conséquent en être moins commu-

niqué à ce corps), est suffisante pour rendre raison de cette uniformité.

L’auteur de l’article mentionné ne se borne pas à revendiquer le peu d’avantage que peuvent avoir les opinions réfutées par le docteur Douglas, & à les défendre autant qu’elles en sont raisonnablement susceptibles ; après avoir rendu justice au système anglois, en convenant que c’est le plus satisfaisant qui ait paru sur cette matiere, il ne l’épargne pas ensuite, en lui opposant des difficultés qui paroissent sans réplique ; il attaque donc l’idée qui fait la base du sentiment de ce docteur, savoir, que le resserrement causé par le froid dans les vaisseaux capillaires, donne lieu à l’augmentation de frottement entre les globules sanguins & ces vaisseaux, & par conséquent de la cause interne de la chaleur animale, à-mesure que la chaleur externe diminue, & vice versâ. D’où il suit que la quantité de chaleur est à-peu-près toûjours la même dans l’animal, soit que cette chaleur lui vienne du dedans ou du dehors.

Mais, dit l’auteur de l’article dont il s’agit, 1°. la même cause interne qui engendre de la chaleur, c’est-à-dire ce resserrement des capillaires qui donne lieu à une plus grande attrition des globules sanguins dans ces vaisseaux, par-là même qu’il échauffe le sang plus qu’il ne seroit échauffé par le feu de l’air ambiant, n’échauffe-t-il pas aussi ces mêmes capillaires ? ne fait-il pas en même tems cesser à-proportion le resserrement de ces mêmes capillaires ? & par conséquent cette cause interne de chaleur animale ne se détruit-elle pas elle-même, dès qu’elle commence à produire ces effets ? 2°. En admettant le resserrement constant dans les capillaires, ne s’ensuit-il pas au-moins que le mouvement du sang doit y être diminué à-proportion ; d’où il semble qu’il doive se faire une compensation entre l’augmentation des surfaces exposées au frottement & la diminution de l’impulsion des globules, qui doivent opérer le frottement : compensation qui doit rendre de nul effet ce changement de disposition ? 3°. En ne s’arrêtant même pas aux deux difficultés précédentes contre l’auteur anglois, pourroit-on en passer sous silence une troisieme, qui n’est pas moins forte ? Elle consiste à faire observer qu’en supposant avec lui que la chaleur ne s’engendre que dans les seuls capillaires, les instrumens générateurs sont bien peu proportionnés à la masse qui doit être échauffée par leur moyen, puisqu’alors le foyer de la chaleur est censé n’exister que dans la peau.

L’auteur de ces objections contre le système du docteur Douglas, les laisse subsister comme une preuve que ce système a le sort de tant d’autres ; que quelque satisfaisant qu’il paroisse au premier abord, il n’est cependant pas parfait, & que la cause de la chaleur animale qui nous a été jusqu’à-présent cachée comme un de ses mysteres, ne nous a pas encore été révélée.

Mais si l’on convient que le système anglois approche plus qu’aucun autre de la perfection, on ne peut disconvenir aussi qu’il ne soit avantageux au progrès des connoissances humaines, de lever autant qu’il est possible les obstacles qui l’empêchent d’y atteindre. C’est dans cette vûe que l’on va placer ici quelques réflexions sur les trois objections qui viennent d’être remises sous les yeux au sujet de ce système ; ce qui sera d’autant moins étranger au sujet traité dans cet article, qu’il en résultera un grand nombre de conséquences qui y sont relatives, & serviront à rendre raison de bien des phénomenes qui en dépendent.

Premierement, ne peut-on pas dire, que quoique la chaleur qui naît des frottemens des globules sanguins dans les capillaires, puisse être conçûe se communiquer en même tems aux solides mêmes de