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& opposer plus d’action pour vaincre cette résistance, qu’après que les effets du froid ont condensé de proche en proche tous les solides, en ont augmenté le ressort, ont attenué les humeurs, en ont tiré plus de fluide nerveux ; ce qui n’a lieu que lorsque le froid a subsisté quelque tems. Alors un plus grand froid fait moins d’impression, parce que le cours du sang dans les capillaires étant rétabli, sans que leur resserrement ait cessé, il s’y fait plus de frottement, il s’y engendre conséquemment plus de chaleur. C’est par une raison à-peu-près semblable, que l’on est affecté d’une sensation de froideur dans les parties sujettes aux accès de douleur rhumatismale ; dans ces différens cas, cette sensation dure jusqu’à ce qu’il survienne, pour ainsi dire une fievre, c’est-à-dire, une augmentation d’emploi des forces vitales, une plus grande action des organes circulatoires, qu’il n’en falloit auparavant pour surmonter une moindre résistance dans les capillaires, où le cours des humeurs s’est ralenti. De ces augmentations doivent s’ensuivre plus de division de ces humeurs, plus de fluidité qui y rétablit la disposition à passer librement par les vaisseaux resserrés ou embarrassés ; d’où la cessation de celle qui donnoit lieu à cette sensation. C’est aussi pourquoi ceux qui passent en peu de tems d’un pays froid, d’un pays de montagne, par exemple, dans un pays d’un climat plus doux, dans un pays de plaine, trouvent qu’il fait chaud dans celui-ci, tandis que ceux qui l’habitent s’y plaignent du froid. On ne peut en effet attribuer cette différence de sensation dans le même milieu, qu’à ce que les premiers ayant leurs vaisseaux capillaires dans un état de resserrement plus grand que ne les ont ceux de la plaine, & la puissance motrice étant néanmoins montée dans ceux-là à surmonter ce resserrement, à en tirer plus de chaleur animale, par conséquent ils passent dans un milieu plus chaud ou moins froid, sans que la disposition génératrice de la chaleur interne, qui n’est pas la même dans ceux qui sont habitués à ce milieu, cesse aussi-tôt. Ainsi il y a donc dans ceux-là une cause de chaleur qui n’est pas dans ceux-ci : d’où suit l’explication du phénomene tirée de la lenteur des humeurs qui subsiste dans les capillaires des derniers, tandis qu’elle a été surmontée dans les premiers. Ainsi il suit de tout ce qui vient d’être dit, que la difficulté tirée de la lenteur des humeurs, ne peut plus être mise en-avant ; s’il est prouvé, comme on se flate de l’avoir fait, que par la disposition la plus admirable dans le corps animal, bien loin que le resserrement des capillaires retarde le cours des humeurs ; aussi constamment qu’il subsiste lui-même, il en occasionne l’accélération, par-là même qu’il lui avoit d’abord opposé de la résistance : ainsi la seconde objection contre le système anglois, paroît n’être pas plus décisive que la premiere ; il reste à examiner la troisieme.

Cette difficulté tirée du petit nombre de vaisseaux générateurs de la chaleur animale, en comparaison de toutes les autres parties, qui non-seulement ne contribuent pas à sa production, mais encore absorbent, pour ainsi dire, la plus grande partie de celle qui est engendrée dans ces vaisseaux. Cette difficulté paroît assez embarrassante dans le système du docteur anglois, si l’on borne, avec lui, le resserrement des capillaires causé par le froid, aux seuls capillaires cutanés, & si l’on ne considere ce resserrement comme cause occasionnelle de la chaleur animale, qu’entant qu’il a lieu dans ces seuls vaisseaux : mais en admettant, d’après ce qui a été proposé ci-devant, que le froid opere ce resserrement non-seulement à la surface du corps, mais encore dans toutes ses parties internes, à mesure que le froid, par sa durée & par son intensité, parvient à condenser tous les

corps sans exception, en gagnant de proche en proche de la circonférence au centre ; cette condensation ne peut-elle pas être conçûe également dans le corps humain, si l’on fait attention à ce que le froid extérieur étant en opposition avec la cause interne de la chaleur animale, quant à la propagation de celle-ci, empêche que les solides se raréfient, se relâchent autant qu’il arriveroit si le milieu ambiant n’absorboit pas, pour ainsi dire, les effets de la chaleur interne, à-proportion qu’elle est plus considérable que celle de ce milieu ? Cette soustraction des effets de la chaleur ne peut-elle pas être regardée, par rapport aux parties qui les éprouveroient si elle n’avoit pas lieu, comme une vraie condensation proportionnée au moins de relâchement qui résulte de cette soustraction ? Ainsi, dans cette supposition, les solides de tous les vaisseaux, & par conséquent ceux des capillaires, devant être condensés par l’effet du froid, d’où s’ensuit la diminution en tout sens du volume du corps animal, dont il n’y a pas lieu de douter & de rendre raison autrement ; les capillaires de toutes les parties internes peuvent donc contribuer à la génération de la chaleur animale, par leur resserrement à-proportion de ce qu’ils sont susceptibles de recevoir les impressions du froid extérieur : ils le sont à la vérité d’autant moins qu’ils sont plus éloignés de la surface du corps ; mais ils le sont, & on ne peut pas refuser d’accorder que leur nombre est bien pour le moins aussi supérieur à celui des capillaires cutanés, que ceux-ci sont plus exposés au froid extérieur que ceux-là : la chose est trop évidente pour qu’il y ait besoin de calcul. On peut hardiment assûrer que la somme du resserrement des capillaires internes, quoiqu’il soit bien moindre dans chacun en particulier, doit au moins égaler celle du plus grand resserrement des externes ; d’où s’ensuit que ceux-là concourent autant que ceux-ci à la génération de la chaleur : par-là même, que ceux-là pris en total sont susceptibles des effets du froid, à-proportion autant que ceux-ci.

Cela posé, c’est-à-dire les trois difficultés établies contre le système du docteur Douglas, étant ainsi résolues, il semble, par l’addition qui vient de lui être faite, n’avoir que gagné, en acquérant plus de vraissemblance, & en devenant plus conforme à tous les phénomenes que le froid produit dans l’œconomie animale ; puisqu’il n’en reste pas moins, que la génération de la chaleur interne se fait dans les capillaires par le resserrement des capillaires cutanés ; mais qu’il en résulte aussi qu’elle se fait dans tous les autres capillaires ; & qu’il s’ensuit ainsi de plus, que les sources de cette chaleur sont plus étendues, plus abondantes, plus proportionnées à la masse à laquelle elle doit se communiquer. On satisfait de cette maniere à toutes les objections rapportées ci-devant.

On évite même une autre difficulté qui se présente à cette occasion ; elle consiste en ce qu’il n’est guere possible de comprendre comment on peut être affecté de la sensation du froid, si l’organe qui est le plus exposé à en recevoir les impressions, n’est pas moins exposé en même tems aux impressions qui lui viennent des seuls organes générateurs de la chaleur : car les houpes nerveuses sont bien aussi contiguës pour le moins aux vaisseaux capillaires cutanés, qu’elles le sont à la surface de l’atmosphere qui s’applique à celle du corps. Cette difficulté bien réfléchie paroît être assez importante contre le système du docteur Douglas, entant qu’il n’admet que les capillaires cutanés pour foyer de la chaleur animale ; au lieu qu’en l’étendant à tous les capillaires, elle tombe aisément.

D’ailleurs, il est des cas où les capillaires cutanés sont si resserrés par le froid, pendant un tems considérable, soit que ce froid vienne de cause externe,