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ce & de devenir tiede. Tant que la chaleur de l’atmosphere n’est pas diminuée jusqu’à ce degré moyen, quoiqu’elle soit toûjours moins considérable que celle qui est ordinaire au corps humain, dans l’état de santé ; si la premiere diminue insensiblement jusqu’à ce degré, on ne s’en apperçoit pas beaucoup ; on n’est pas fort incommodé de cette diminution dans l’action du feu de l’atmosphere ; diminution a laquelle il est cependant attaché de produire les effets du froid, d’en exciter la sensation, comme étant la disposition physique qui est la principale cause externe du froid animal. Cette cause opérant à-proportion de son intensité, la sensation qui en resulte n’est pas bien forte, tant que le froid du milieu n’est pas parvenu au degré de la température dont on vient de parler ; d’autant que la chaleur propre à l’animal augmente à-proportion qu’il en reçoit moins de ce milieu : & cette augmentation se fait en raison de celle du resserrement que ce froid cause dans la surface du corps. Mais plus le froid approche du degré de la congelation, plus ce resserrement devient considérable ; il va toûjours en augmentant avec le froid, au point qu’il ralentit le cours des humeurs ; soit par la trop grande résistance qu’il cause ainsi dans les solides, soit par la condensation des fluides, qui leur fait perdre leur fluidité dans les portions où est opérée cette condensation ; effets qui diminuent par conséquent l’activité du frottement & la génération de la chaleur, qui dépend de cette activité ; d’où s’ensuit un double obstacle à l’impulsion des fluides dans les parties affectées du froid ; duquel obstacle établi suit une sorte d’impression sur les nerfs, qui a la propriété, étant transmise à l’ame, de faire naître la sensation desagreable du froid animal, ainsi qu’il a été dit dans l’article précédent : & cette sensation devient forte de plus-en-plus, à-proportion que le froid externe, & conséquemment le resserrement des vaisseaux capillaires, le ralentissement des humeurs, augmentent & s’étendent davantage de la circonférence vers le centre : ce qui arrive sur-tout si l’on est constamment exposé à l’air libre ; si l’atmosphere qu’il forme autour du corps est continuellement renouvelle par le vent : ensorte que l’air ambiant ne restant point assez appliqué au corps animal, pour le faire participer à la chaleur qu’il en tire, ne fait que lui en enlever sans cesse, & ne lui communique que son froid actuel, qui pénetre dans sa substance, opere une véritable constriction dans ses solides, dispose à la coagulation ses fluides ; d’où s’ensuit qu’il diminue de volume en tout sens, & que bien des gens ont observé que les habits qui ne les entouroient, ne les enveloppoient qu’avec peine en été, pendant la raréfaction de tous les corps par l’effet de la chaleur, se trouvent alors trop amples ; tant la condensation de toutes les parties se rend sensible.

Ainsi les effets du froid de l’air sur le corps humain, peuvent être si considérables, qu’il y a des exemples d’hommes qui sont morts subitement par le seul effet du grand froid, sans aucune autre mauvaise disposition que celle qu’il avoit produite : ce qui arrive assez communément dans les pays septentrionaux, non seulement à l’égard des hommes, mais encore à l’égard des bêtes.

On ne sauroit douter que ce qui donne lieu à des accidens de cette nature, ne soit le resserrement des vaisseaux, qui lorsqu’il est porté à un degré considérable, intercepte le cours des humeurs : à quoi se joint la coagulation de celles-ci : effets qui ont lieu principalement dans les poumons, où les vaisseaux très-minces, très-exposés, très faciles à se laisser pénétrer par le froid, & le sang très-exposé aux influences de l’air, étant presque à découvert dans ce viscere, sont, par ces différentes raisons, très susceptibles d’engorgemens inflammatoires & autres, si

prompts même & si étendus, lorsqu’ils sont produits par un froid extreme, qu’ils peuvent procurer une suffocation subite ; comme dans les cas qui viennent d’être mentionnés.

Personne n’ignore que le sang sorti d’une veine & reçu dans un vase sous forme fluide, se fige dans l’espace de trois ou quatre minutes dans un air tempéré, & qu’il se change ainsi en une masse solide, qui s’attache ordinairement aux parois du récipient. Ce fluide de animal se coagule encore plus promptement, si l’air auquel il est exposé est bien froid, comme dans un tems de gelée ; il n’est cependant pas aisé de déterminer précisément à quel degré de la diminution de la chaleur dans l’air, le sang perd ainsi sa fluidité, puisque cela arrive également dans l’été, & qu’il n’y a de différence en comparaison avec ce qui se passe à cet égard en hyver, qu’en ce que la coagulation est moins prompte dans la premiere que dans la seconde de ces circonstances : on sait seulement que la sérosité du sang ne se congele qu’au vingt-huitieme degré du thermometre de Farenheit, & que par conséquent il faut un plus grand froid pour la convertir en glace. Qu’à l’égard de l’eau qui commence à se geler dès le trente-deuxieme, c’est peut-être parce que la sérosité est un peu salée, qu’elle résiste davantage à perdre sa fluidité : mais il suffit pour le sujet dont il s’agit ici, que l’on soit assuré que le froid hâte la tendance naturelle du sang à la coagulation ; c’est pourquoi s’il arrive à ceux qui tombent en syncope de rester assez dans cet état pour que par la grande diminution du mouvement des humeurs elles ayent eu le tems de se refroidir, il se forme alors, par une suite du défaut d’agitation vitale & du froid qui s’ensuit, des concrétions polypeuses autour du cœur dans les gros vaisseaux ; concrétions qui sont le plus souvent de nature a ne pouvoir être resoutes.

La constriction des vaisseaux & la coagulation du sang, sont donc des effets du froid de l’air sur les corps des animaux ; d’où peuvent s’ensuivre de grands desordres dans leur économie, à-proportion de l’intensité de la cause qui a produit ces effets. Cette cause est même de nature à pouvoir les opérer après la mort, puisque dans cet état il ne reste plus dans le corps animal d’autre principe de chaleur, que de celle qui lui est commune avec tous les corps inanimés ; chaleur qui à quelque degré qu’elle soit dans l’atmosphere, n’est jamais, comme il a été dit plusieurs fois, qu’un froid respectif : ainsi ce froid causant une constriction générale dans tous les solides, elle est plus forte dans chaque partie à-proportion de sa densité ; par conséquent les arteres dont les tuniques sont plus compactes que celles des veines, se resserrant davantage, tout étant égal, expriment la partie la plus fluide du sang dans les vaisseaux plus foibles, c’est-à-dire dans les veines, & ne retiennent que la plus grossiere, celle qui a perdu sa fluidité, ensorte même qu’elles se vuident souvent entierement ; d’où résulte que le froid contribue à donner de l’action aux vaisseaux, non-seulement pendant la vie pour la conserver par l’exercice des fonctions, en y entretenant la chaleur à un degré uniforme & toûjours supérieur à celle de l’atmosphere, mais encore après la mort, en donnant lieu à certains mouvemens dans les solides & dans les fluides, tant que ceux-ci sont disposés à conserver de la fluidité, & à céder à l’action de ceux-là : d’où surviennent souvent dans les cadavres différentes sortes d’évacuations de sang, de sérosités, d’urine, &c. par les voies qui n’offrent pas de la résistance à ces efforts automatiques. On peut donc encore inférer de ces effets posthumes, que si le froid peut opérer des mouvemens aussi marqués dans les corps des animaux sans le concours de la vie, il doit influer