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Laudaturus fueram. Laudandus fueram.
Laudaturus fuissem. Laudandus fuissem.
Laudaturus ero. Laudandus ero.
Laudaturus fuero. Laudandus fuero.

Comme la langue latine fait un des principaux objets des études ordinaires, elle exige de notre part quelque attention plus particuliere. Nous remarquerons donc que les huit futurs relatifs que l’on présente ici, ne se trouvent pas dans les tables ordinaires des conjugaisons, non plus que les tems composés du subjonctif qui ont un rapport à l’avenir, comme laudaturus sim, laudaturus essem, laudaturus fuerim, laudaturus fuissem. Il en est de même des tems correspondans de la voix passive ; mais c’est un véritable abus. Ces tables doivent être des listes exactes de toutes les formes analogiques, soit simples, soit composées, que l’usage a établies pour exprimer uniformément les accessoires communs à tous les verbes. Il est assez difficile de déterminer ce qui a pu donner lieu à nos méthodistes de retrancher du tableau de leurs conjugaisons, des expressions d’un usage si nécessaire, si ordinaire, & si uniforme. Si c’est la composition de ces tems, il n’ont pas assez étendu leurs conséquences ; il falloit encore en bannir les futurs qu’ils ont admis à l’infinitif, & tous les tems composés qui marquent un rapport au passé dans la voix passive.

Ce n’est pas la seule faute qu’on ait faite dans ces tables ; on y place comme futur au subjonctif, un tems qui appartient assûrément à l’indicatif, & qui paroît être plûtôt de la classe des prétérits, que de celle des futurs : c’est laudavero, j’aurai loüé, pour la voix active ; & laudatus ero, j’aurai été loüé, pour la voix passive.

1°. Ce tems n’appartient pas au subjonctif, & il est aisé de le prouver aux méthodistes par leurs propres regles. Selon eux, la conjonction dubitative an étant placée entre deux verbes, le second doit être mis au subjonctif : qu’ils partent de-là, & qu’ils nous disent comment ils rendront cette phrase, je ne sai si je loüerai ; en conséquence de la loi, je loüerai doit être au subjonctif en latin, & le seul futur du subjonctif autorisé par les tables ordinaires, est audavero : cependant nos Grammatistes n’auront garde de dire nescio an laudavero ; ils rendront cet exemple par nescio an laudaturus sim. Chose singuliere ! Cette locution autorisée par l’usage des meilleurs auteurs latins, devoit faire conclure naturellement que laudarurus sim, ainsi que les autres expressions que nous avons indiquées plus haut, étoient du mode subjonctif ; & l’on a mieux aimé imaginer des exceptions chimériques & embarrassantes, que de suivre une conséquence si palpable. Au contraire on n’a jamais pu employer laudavero dans les cas où l’usage demande expressément le mode subjonctif, & néanmoins on y a placé ce tems avec une persévérance qui prouve bien la force du préjugé.

2°. Ce tems est de l’indicatif ; puisque, comme tous les autres tems de ce mode, il indique la modification d’une maniere positive, déterminée, & indépendante : de même que l’on dit cæabam ou cænaveram cùm intrasti, on dit cænabo ou cænavero cùm intrabis : cæabam marque l’action de souper comme présente, & cænaveram l’énonce comme passée relativement à l’action d’entrer qui est passée : la même analogie se trouve dans les deux autres tems ; cænabo marque l’action de souper comme présente, & cænavero l’énonce comme passée à l’egard de l’action d’entrer qui est future. Cænavero a donc les mêmes caracteres d’énonciation que cænabo, cæabam, & cænaveram, & par conséquent il appartient au même mode. Les usages de toutes les langues déposent unaniment cette vérité. Consultons la nôtre. Nous di-

sons invariablement, je ne sai si je dormois, si j’ai dormi, si j’avois dormi, si je dormirai ; & tous ces

tems du verbe dormir sont à l’indicatif : j’aurai dormi est donc au même mode, car nous disons de même, je ne sai si j’aurai dormi suffisamment lorsque, &c. mais j’aurai dormi est, de l’aveu de tous les méthodistes, la traduction de dormivero ; dormivero est donc aussi à l’indicatif. Eh à quel autre mode appartiendroit-il, puisqu’il est prouvé d’ailleurs qu’il n’est pas du subjonctif ?

3°. Ce tems est de la classe des prétérits, plûtôt que de celle des futurs. Quelle est en effet l’intention de celui qui dit j’aurai soupé quand vous entrerez, cænavero cum intrabis ? c’est de fixer le rapport du tems de son souper au tems de l’entrée de celui à qui il parle, c’est de présenter son action de souper comme passée à l’égard de l’action d’entrer qui est future ; & par conséquent l’inflexion qui l’indique est de la classe des prétérits. C’est par une raison analogue que cæabam, je soupois, est de la classe des présens ; & aujourd’hui tous nos meilleurs grammairiens l’appellent présent relatif ; parce qu’il exprime principalement la coexistence des deux actions comparées. S’il renferme un rapport au tems passé, ce rapport n’est qu’une idée secondaire, & seulement relative à la circonstance du tems à laquelle on fixe l’autre évenement qui sert de terme à la comparaison. C’est la même chose dans cænavero ; ce n’est pas l’action de souper comme avenir que l’on a principalement en vûe, mais l’antériorité du souper à l’égard de l’entrée : cette anteriorité est donc en quelque sorte l’idée principale ; & le rapport à l’avenir, une idée accessoire qui lui est subordonnée. L’analyse des phrases suivantes achevera d’établir cette vérité.

Coenabam, cùm intrasti ; c’est-à-dire cùm intrasii, potui dicere coeno, présent absolu.

Coenaveram, cùm intrasti ; c’est-à-dire cùm intrasti, potui dicere coenavi, prétérit absolu.

Coenabo, cùm intrabis ; c’est-à-dire cùm intrabis, potero dicere coeno, présent absolu.

Coenavero, cùm intrabis ; c’est-à-dire cùm intrabis, potero dicere coenavi, préterit absolu.

Il paroit inutile de développer la conséquence de cette analyse ; elle est frappante : mais il est remarquable que ce tems que nous plaçons ici parmi les prétérits, en conserve la caractéristique en latin ; laudavi, laudavero ; dixi, dixero ; qu’il en suit l’analogie en françois. Il est composé d’un auxiliaire comme les autres prétérits ; on dit j’aurai soupé, comme l’on dit j’ai soupé, j’avois soupé, j’aurois soupé : & qu’enfin son correspondant au subjonctif est dans notre langue le prétérit absolu de ce mode ; on dit également & dans le même sens, je ne sai si j’aurai soupé quand vous entrerez, & je ne crois pas que j’aye soupé quand vous entrerez.

L’erreur que nous combattons ici n’est pas nouvelle ; elle prend sa source dans les ouvrages des anciens grammairiens. Scaliger après avoir observé que les Grecs divisoient le futur, & qu’ils avoient un futur prochain, dit, nos non divisimus ; & ajoûte ensuite, nisi putemus in modo subjunctivo extare vestigia & vim hujus significatûs, ut fecero. Lib. V. cap. cxiij. de causis ling. lat. Priscien long-tems auparavant s’étoit encore expliqué plus positivement, lib. VIII. de cognai. temp. Après avoir fait l’énumération des tems qui ont quelque affinité avec le prétérit, il ajoûte, sed tamen in subjunctivo futurum quoque præteriti perfecti servat consonantes, ut, dixi, dixero. Nous avons fait usage plus haut de cette remarque même, pour rappeller ce tems à la classe des prétérits ; & il est assez surprenant que Priscien avec du jugement l’ait faite sans conséquence.

Nos premiers méthodistes qui vivoient dans un