Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 7.djvu/518

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

succès équivoques, rapportés dans les observations qu’on a rendues publiques en Angleterre.

Les succès seroient équivoques, si les auteurs ne nous avoient communiqué les cures qu’ils ont faites que pour se faire honneur du succès, si l’on ne voyoit pas des observateurs attentifs à démêler les effets de la nature d’avec ceux de l’art, & qu’ils n’eussent pas exposé scrupuleusement plusieurs phénomenes, sur lesquels ils ont connu qu’il étoit important d’être éclairés. Le quinquina donne du ressort aux vaisseaux, il corrige dans le sang les sucs putrides, qui sont les causes de la gangrene. C’est M. Rushworth chirurgien à Northampton, qui a fait cette découverte en 1715. MM. Amyand & Douglas, chirurgiens de Londres, ont confirmé la vertu de ce remede. M. Shipton aussi chirurgien anglois, a parlé dans les transactions philosophiques, des bons effets qu’il lui a vû produire. On lit dans les essais de la société d’Edimbourg, plusieurs observations sur l’efficacité du quinquina dans la gangrene interne : l’on y voit l’interruption de l’usage du remede marquée par un ralentissement de séparation dans les escarres, & cette séparation se rétablir en reprenant le quinquina. Dans un autre malade, toutes les fois qu’il arrivoit qu’on laissoit plus de huit heures d’intervalle entre chaque prise de quinquina, on étoit sûr de trouver une suppuration moins abondante & d’une plus mauvaise qualité. M. Monro a confirmé cette observation par sa propre expérience, & il a étendu l’usage du quinquina à beaucoup de cas, en conséquence d’effets si marqués, qu’on ne peut établir aucun doute pour les infirmer. On ne doit point toucher aux escarres ; c’est à la nature à les détacher ; les tentatives indiscretes sont dangereuses. On irrite les chairs vives, & la gangrene seche qui n’est pas contagieuse, peut le devenir ; & au lieu d’arrêter la mortification, on contribue à ses progrès. Les chairs vives découvertes doivent être pansées avec les digestifs balsamiques, comme toutes les plaies avec perte de substance. On peut aider à la séparation du membre, & même accélérer cette opération de la nature, en coupant le membre qui embarrasse au-dessous de la ligne de séparation, & préservant le moignon de pourriture avec des remedes balsamiques. Le bout du moignon se séparera comme une escarre, & plus facilement que le membre entier. On doit lire principalement, sur la gangrene, le traité de Fabricius Hildanus ; les commentaires de M. Wanswieten, sur les aphorismes de Boerhaave, & le traité de M. Quesnay. (Y)

Gangrene, (Manége & Maréchall.) Voyez sa définition à l’article précédent.

Cette maladie est infiniment moins funeste & moins commune dans le cheval que dans l’homme, dont les humeurs, conséquemment à un mauvais régime & aux différentes impuretés fournies par les substances souvent nuisibles dont il se nourrit, sont exposées à divers genres de dépravation & de perversion que nous n’observons point dans les fluides de l’animal.

Nous ne la considérerons ici que sous le caractere distinctif de gangrene humide, produite par des causes extérieures, & capables par elles-mêmes de priver une partie des sucs qui l’entretiennent ; telles sont les ligatures, les étranglemens, les compressions sur quelques vaisseaux considérables : ou de la suffoquer & d’éteindre en elle le mouvement & la vie ; tels sont un air pestilentiel qui occasionne des charbons, & la morsure des bêtes venimeuses : ou de la détruire enfin ; telles sont les fortes contusions & les brûlures.

Les effets de ces causes qui réduisent plus ou moins promptement la partie affligée à un véritable état de mort, se manifestent différemment.

Supposons un obstacle à la liberté du mouvement circulaire, à l’occasion d’une ligature extrèmement serrée, ou de la formation d’une tumeur dure & voisine de quelques gros tuyaux, ou du déplacement d’un os, ou de l’étranglement que peuvent éprouver des vaisseaux, conséquemment à une irritation & à une inflammation des parties nerveuses ou membraneuses. Si cet obstacle intercepte totalement le passage des liqueurs dans le canal artériel & dans le canal veineux, la partie perd bien-tôt le mouvement, la chaleur, & même le sentiment, dans le cas où le nerf se ressent de la compression. Le gonflement qui survient est médiocre ; la peau & les chairs sont molles & dénuées d’élasticité ; le poil tombe, l’épiderme se sépare, on apperçoit un suintement d’une sérosité putréfiée, enfin une couleur verdâtre ou livide, & une puanteur cadavéreuse, annoncent la mortification absolue. Au contraire si l’empêchement est tel que le sang puisse encore se frayer une route par la voie des arteres, l’engorgement a d’abord lieu dans les veines, une moindre opposition suffisant pour arrêter ce fluide dans son retour ; il s’y accumule, il force ces tuyaux, & les artériels ensuite ; l’enflure & la douleur sont excessives, la chaleur subsiste & se maintient dans la partie, tant que les pulsations du cœur & l’action des arteres peuvent y influer, & l’inflammation est véritable & réelle : mais quelque tems après la vie s’éteint totalement, les humeurs croupies se putréfient, les fibres tombent en dissolution, & l’épiderme enlevé nous présente une peau & des chairs dans une entiere pourriture. Il arrive aussi quelquefois, & le plus souvent dans les étranglemens produits par l’irritation d’une partie membraneuse ou aponévrotique, ainsi qu’on l’observe dans certaines blessures, que les arteres conservent assez de mouvement & de jeu pour déterminer une suppuration : alors il se forme des dépôts, des fusées, & la gangrene ne se montre qu’en quelques points de la portion qui est affectée.

Celle qui suit la morsure des bêtes venimeuses n’offre pas d’abord les mêmes symptomes, la substance ou l’humeur maligne, qui est introduite & versée dans la plaie, fait une impression subite sur les fluides & sur les solides ; elle coagule les uns, elle irrite & crispe les autres : de-là la douleur, la tension & la prompte inflammation de la partie ; tandis que d’une autre part le venin se dispersant & s’insinuant dans la masse, porte dans l’économie animale un trouble que décelent un grand abattement, des syncopes, des sueurs froides, quelquefois des tranchées & un dérangement dans toutes les secrétions, également produit par l’éréthisme des solides & par l’état des liqueurs. C’est à ces divers accidens qu’il est possible de distinguer dans l’animal, privé de la faculté de se plaindre, la cause & la nature du mal, sur lequel il n’est plus permis de former aucun doute, lorsque l’enflure subsistant malgré la diminution de la tension & de la douleur, la partie lesée devient froide, molle, pâteuse, & d’un rouge extrèmement foncé en plusieurs endroits.

Les charbons causés par la peste sont toûjours accompagnés d’un escarre, que l’on doit envisager comme une portion gangrenée. Cette gangrene a sa source dans l’acrimonie très-active des corpuscules pestilentiels, mêlés avec les humeurs, & qui se déposent particulierement en un lieu quelconque. Là ils suscitent aussi-tôt la douleur, la tension & l’inflammation, à laquelle nous voyons succéder la pourriture & la mort de toute la partie sur laquelle le virus s’est spécialement fixé.

Dans les fortes contusions, d’un côté les solides sont écrasés & dénués de leur ressort & de leur élasticité ordinaires ; de l’autre les fluides extravasés entre les fibres dilacerées & macerées, croupissent au