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ont refusé à ces derniers la garde ou le bail, comme on voit dans la coûtume de Châteauneuf en Thimerais, art. 139. qui porte que dans cette baronnie bail de mineurs n’aura plus lieu, mais qu’il sera pourvû de tuteurs & curateurs, sinon que les peres ou meres eussent pris la garde d’iceux mineurs.

Les anciennes ordonnances ont compris sous le terme de bail l’administration des ascendans aussi bien que celle des collatéraux ; l’une & l’autre est nommée ballum dans une ordonnance de saint Loüis du mois de Mai 1246. Cette même ordonnance distingue néanmoins la garde du bail ; la garde paroît prise pour le soin de la personne, & le bail pour l’administration des biens. En effet cette même ordonnance veut que le collatéral héritier présomptif du fief du mineur en ait le bail, mais que la garde de la personne du mineur appartienne au collatéral qui est dans le degré suivant.

Les Anglois qui ont emprunté comme nous la garde du droit féodal, nous en fournissent des exemples fort anciens. Malcome II. roi d’Ecosse, qui monta sur le throne en 1004, traita avec ses sujets auxquels il donna les terres qu’ils possédoient, à la charge de les tenir de lui à foi & hommage, & tous les barons lui accorderent le relief & la garde ; & omnes barones concesserunt sibi wardam & relevium de hærede cujuscumque baronis defuncti ad sustentationem domini regis. La charte des libertés d’Angleterre de l’an 1215, fait aussi mention de la garde.

En France l’acte le plus ancien que je connoisse où il soit parlé du bail ou garde des mineurs, c’est une charte de l’an 1227, rapportée par Duchesne dans ses preuves de l’histoire de la maison de Chatillon.

Matthieu Paris en parle aussi aux années 1231, 1245 & 1257, où l’on voit que le roi vendoit ou donnoit la garde des mineurs à qui bon lui sembloit.

La plus ancienne ordonnance qui concerne le bail & la garde, est celle de saint Loüis du mois de Mai 1246, qui a pour objet de régler le bail & le rachat dans les coûtumes d’Anjou & du Maine.

Le chap. xvij. des établissemens faits par ce même prince en 1270, porte que la mere noble a le bail de son hoir mâle jusqu’à 21 ans, & celui de la fille jusqu’à 15, au cas qu’il n’y ait pas d’hoir mâle. Il paroît résulter de-là que quand il y avoit un enfant mâle, la fille ne tomboit pas en garde ou en bail, l’aîné étoit apparemment saisi de toute la succession, & gagnoit les fruits jusqu’à ce que ses puînés l’eussent sommé de leur en faire partage.

Le chap. cxvij. de cette même ordonnance veut que la garde du fief soit donnée à celui qui en est héritier présomptif, & la garde de la personne à un autre parent, de crainte que l’héritier ne desirât plûtôt la mort que la vie des enfans ; & l’on ne donnoit joüissance de la terre du mineur à celui qui avoit la garde de sa personne, qu’autant qu’il en falloit pour le nourrir.

A l’égard des roturiers, les pere & mere étoient les seuls qui eussent le bail de leurs enfans ; & en cas qu’ils fussent tous deux décédés, l’héritier présomptif pouvoit bien tenir les enfans ; mais ils avoient la liberté d’aller demeurer chez un autre parent ou même chez un étranger qui avoit le soin de leurs personnes & de leurs biens.

Le roi Jean qui étoit bail & garde du duc de Bourgogne, étant prisonnier en Angleterre, son fils aîné, comme le représentant, fit les fonctions de bail, & en cette qualité donna des bénéfices dont la nomination appartenoit au duc de Bourgogne.

Anciennement il n’y avoit que les fruits des héritages féodaux qui tombassent en garde, ce qui s’observe encore dans les coûtumes de Vermandois & de Melun.

La garde n’étoit point considérée comme un avantage ; mais insensiblement les gardiens étendirent leurs droits au préjudice des mineurs. Ces usages furent reçus diversement dans les coûtumes.

Quelques-unes n’usent que du terme de garde pour designer cette administration, comme celle de Paris ; d’autres l’appellent simplement bail, comme celle du Maine ; d’autres disent garde ou bail indifféremment, telle que la coûtume de Peronne.

D’autres distinguent la garde du bail. Celle d’Orléans dit que les ascendans sont gardiens, que les baillistres sont la mere ou ayeule remariée & les collatéraux ; celles de Melun & de Mantes déferent le bail aux collatéraux ; celle de Reims dit que bail d’enfant n’a lieu, & elle ne défere la garde qu’aux ascendans.

La coûtume de Blois joint ensemble les termes de garde, gouvernement, & administration.

Quelques coûtumes, comme celles de Mantes & d’Anjou, n’admettent la garde que pour les nobles, & non pour les roturiers ; d’autres, comme Paris, admettent l’une & l’autre.

En Normandie il y a garde royale & garde seigneuriale.

En Bretagne les enfans tomboient aussi en la garde du duc & des autres seigneurs ; mais ce droit fut changé en rachat par accord fait entre Jean duc de Bretagne, fils de Pierre Mauclerc, & les nobles du pays.

Quelques coûtumes, comme celle de Châlons, n’admettent ni garde ni bail.

Enfin quelques-unes n’en parlent point, & ont pourvû en diverses autres manieres à l’administration des mineurs & de leurs biens, & aux droits des pere, mere, & autres ascendans.

Le droit commun & le plus général que l’on suit présentement par rapport à la garde qui a lieu pour les pere, mere, & autres parens, est qu’on la considere comme un avantage accordé au gardien, parce qu’ordinairement il y trouve du bénéfice, & qu’il ne l’accepte que dans cette vûe.

Elle participe de la tutelle, en ce que le gardien est chargé de nourrir & entretenir les mineurs selon leur condition, & qu’il a l’administration de leurs biens qui tombent en garde : mais le pouvoir du tuteur est beaucoup plus étendu.

Les pere & mere mineurs ont la garde de leurs enfans, aussi-bien que les majeurs : mais on donne un tuteur ou curateur au gardien, lorsqu’il est mineur.

Les dispositions entre-vifs ou testamentaires, par lesquelles les ascendans ordonneroient que leurs enfans ne tomberont pas en garde, ne seroient pas valables, parce qu’ils ne peuvent pas ôter ce droit au survivant, qui le tient de la coutume.

La garde n’est jamais ouverte qu’une fois à l’égard des mêmes enfans ; quand on ne l’a pas prise lorsqu’elle étoit ouverte, on ne peut plus y revenir ; & elle ne se réitere point, c’est-à-dire que les enfans ne tombent jamais deux fois en garde.

Si les ascendans ont laissé créer un tuteur à leurs enfans ou petits-enfans, ils ne peuvent plus en prendre la garde, quand même ce seroit eux qui seroient tuteurs, à-moins qu’ils ne se soient reservé expressément la faculté de prendre la garde.

La garde doit être acceptée en personne, & non par procureur.

L’acceptation ne peut pas être faite au greffe, mais en jugement, c’est-à-dire l’audience tenante. L’usage est que le gardien se présente assisté d’un procureur, qui requiert lettres de ce que sa partie accepte la garde ; ce que le juge lui accorde.

Les juges de privilége ne peuvent pas déférer la garde ; c’est au juge ordinaire du domicile du défunt à la déférer. Cette regle ne reçoit d’exception qu’à l’é-