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On donne un tuteur au mineur pour les biens qui n’entrent pas dans la garde.

Mais si le tuteur & les parens du mineur abandonnent au seigneur la joüissance de tous les biens des mineurs, alors il est obligé d’entretenir le mineur selon son état & eu égard à la valeur des biens, de contribuer au mariage des filles, de conserver le fief en son intégrité, & d’acquitter les arrérages des rentes foncieres hypothécaires & charges réelles.

S’il y a plusieurs seigneurs ayant la garde noble à cause de divers fiefs appartenans au mineur, chacun contribue aux charges de la garde pour sa quotepart ; & si les seigneurs y manquoient, les tuteurs ou parens pourroient les y contraindre par justice.

Le seigneur qui a la garde doit entretenir les biens comme un bon pere de famille.

Si pendant que le mineur est en la garde de son seigneur, ceux qui tiennent quelque fief noble de ce mineur tombent aussi en garde, elle appartient au mineur, & non à son seigneur ; à la différence de la garde royale, qui s’étend sur les arriere-fiefs.

La garde seigneuriale finit à l’âge de vingt ans accomplis, tant pour les mâles que pour les filles ; & pour la faire cesser, il suffit de faire signifier au seigneur le passé-âge, c’est-à-dire que le mineur est devenu majeur.

Elle peut finir plûtôt à l’égard des filles par leur mariage, pourvû qu’il soit fait du consentement du seigneur gardien & des parens & amis.

Si la fille qui est sortie de garde épouse un mineur, elle retombe en garde.

La femme mariée ne retombe point en garde encore que son mari meure avant qu’elle ait l’âge de 20 ans.

Celui qui sort de garde ne doit point de relief à son seigneur.

La fille aînée mariée, qui n’a pas encore vingt ans accomplis, ne tire point ses sœurs puînées hors de garde jusqu’à ce qu’elles soient mariées ou parvenues à l’âge de vingt ans ; sauf à la fille aînée à demander partage au tuteur de ses sœurs. Voyez les commentateurs de la coûtume de Normandie, sur les art. 214. & suiv. jusque & compris l’art. 234 ; & ci-devant Garde royale. (A)

Garde, (Droit de-) droit qui se levoit anciennement par les seigneurs, & que les titres appellent garda ou gardagium ; il est souvent nommé conjointement avec le droit de guet. Les vassaux & autres hommes du seigneur étoient obligés de faire le guet & de monter la garde au château pour la défense de leur seigneur. Ce service personnel fut ensuite converti en une redevance annuelle en argent ou en grains. Il en y a des titres de l’an 1213, 1237, & 1302, dans l’histoire de Bretagne, tome I. pp. 334, 372, & 452 : il y en a aussi des exemples dans l’histoire de Dauphiné par M. de Valbonnais.

La plûpart des seigneurs s’arrogerent ces droits, sous prétexte de la protection qu’ils accordoient à leurs vassaux & sujets dans les tems des guerres privées & des incursions que plusieurs barbares firent dans le royaume : dans ces cas malheureux, les habitans de la campagne se retiroient avec leurs femmes, leurs enfans, & leurs meilleurs effets, dans les châteaux de leurs seigneurs, lesquels leur vendirent cette garde, protection ou avoüerie, le plus cher qu’ils purent ; ils les assujettirent à payer un droit de garde en blé, vin, ou argent, & les obligerent de plus à faire le guet.

On voit dans le chap. liij. des établissemens de S. Louis, que dans certains lieux les sujets étoient obligés à la garde avec leurs femmes ; en d’autres, ils n’étoient pas obligés de mener leurs femmes avec eux ; & quand ils n’en avoient pas, ils devoient mener avec eux leurs sergens, c’est-à-dire leurs serviteurs ou leur ménage. La garde ou le guet obligeoient

l’homme à passer les nuits dans le chateau du seigneur, lorsqu’il y avoit necessité ; & l’homme avoit le jour à lui. Ces droits de guet & de garde furent dans la suite reglés par nos rois ; Louis XI. les regla à cinq sols par an. Voyez ci-après Guet ; & le gloss. de M. de Lauriere, aux mots lige-étage & guet & garde. (A)

Garde, (Denier de-) est une modique redevance de quelques deniers, qui se paye au seigneur pour les années qu’une terre labourable se repose ; & la rente, champart, terrage, agrier, ne se paye que pour les autres années où la terre porte des fruits. Il est parlé de ce droit dans plusieurs anciens baux passés sous le scel de la baillie de Mehun-sur-Yevre, qui ont été faits à la charge de rente fonciere & de garde. On voit dans le procès-verbal de la coûtume du grand Perche, que ce droit est prétendu par le baron de Loigny : il en est aussi fait mention en la quest. jx. des décisions de Grenoble. (A)

Garde des Eglises, est la protection spéciale que le roi ou quelqu’autre seigneur accorde à certaines églises ; nos rois ont toûjours pris les églises sous leur protection.

S. Louis confirma en 1268 toutes les libertés, franchises, immunités, prérogatives, droits & priviléges accordés, tant par lui que par ses prédécesseurs, aux églises, monasteres, lieux de piété, & aux religieux & personnes ecclésiastiques.

Philippe-le-Bel, par son ordonnance du 23 Mars 1308, déclara que son intention étoit que toutes les églises, monasteres, prélats, & autres personnes écclésiastiques, fussent sous sa protection.

Le même prince déclara que cette garde n’empêchoit pas la jurisdiction des prélats : lorsque cette garde emportoit une attribution de toutes les causes d’une église à un certain juge, elle étoit limitée aux églises qui étoient d’ancienneté en possession de ce droit ; & Philippe-le-Bel déclara même que dans la garde des églises & monasteres, les membres qui en dépendent n’y étoient pas compris.

Il étoit défendu aux gardiens des églises, ou aux commissaires députés de par le roi & par les sénéchaux, de mettre des pannonceaux ou autres marques de garde royale sur les biens des églises, à-moins qu’elles n’en fussent en possession paisible, ou à-peu-près telle. Lorsqu’il y avoit quelque contestation sur cette possession, le gardien ou le commissaire faisoit ajourner les parties devant le juge ordinaire ; & cependant il leur faisoit défense de rien faire au préjudice l’un de l’autre : il ne poursuivoit personne pro fractione gardiæ, c’est-à-dire, pour contravention à la garde, à-moins que cette garde ne fût notoire, telle qu’est celle des cathédrales & de quelques monasteres qui sont depuis très-long-tems sous la garde du roi, ou que cette garde n’eût été publiée dans les assises, ou signifiée à la partie.

Philippe VI. dit de Valois, promit par rapport à certaines sénéchaussées qui étoient par-delà la Loire, qu’il n’accorderoit plus de garde dans les terres des comtes & barons, ni dans celles de leurs sujets, sans connoissance de cause, les nobles appellés, excepté aux églises & monasteres, qui de toute ancienneté sont sous la garde royale, & aux veuves, pupilles, & aux clercs vivant cléricalement, tant qu’ils seroient dans cet état ; que si dans ces sénéchaussées, les sujets des hauts-justiciers ou autres violoient une garde, les juges royaux connoîtroient de ce délit, mais qu’ils ne pourroient condamner le délinquant qu’à la troisieme partie de son bien ; que la poursuite qu’ils feroient contre lui, n’empêcheroit pas le juge ordinaire du haut-justicier de procéder contre le délinquant, comme à lui appartiendroit ; mais que si le crime étoit capital, il ne pourroit rendre sa sentence que les juges royaux n’eussent rendu la leur au sujet de la sauve-garde.