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n’avoir point de modele existant dans la nature. Les lignes qu’on considere en Géométrie, ne sont ni parfaitement droites ni parfaitement courbes, les surfaces ne sont ni parfaitement planes ni parfaitement curvilignes : mais plus elles approcheront de l’être, plus elles approcheront d’avoir les propriétés qu’on démontre des lignes exactement droites ou courbes, des surfaces exactement planes ou curvilignes. Ces réflexions suffiront, ce me semble, pour répondre à deux especes de censeurs de la Géométrie : les uns, ce sont les Sceptiques, accusent les théoremes mathématiques de fausseté, comme supposant ce qui n’existe pas réellement, des lignes sans largeur, des surfaces sans profondeur ; les autres, ce sont les physiciens ignorans en Mathématique, regardent les vérités de Géométrie comme fondées sur des hypothèses inutiles, & comme des jeux d’esprit qui n’ont point d’application.

Division de la Géométrie. On peut diviser la Géométrie de différentes manieres :

1°. En élémentaire & en transcendante. La Géométrie élémentaire ne considere que les propriétés des lignes droites, des lignes circulaires, des figures & des solides les plus simples, c’est-à-dire des figures rectilignes ou circulaires, & des solides terminés par ces figures. Le cercle est la seule figure curviligne dont on parle dans les élémens de Géométrie ; la simplicité de sa description, la facilité avec laquelle les propriétés du cercle s’en déduisent, & la nécessité de se servir du cercle pour différentes opérations très-simples, comme pour élever une perpendiculaire, pour mesurer un angle, &c. toutes ces raisons ont déterminé à faire entrer le cercle & le cercle seul dans les élémens de Géométrie. Cependant quelques courbes, comme la parabole, ont une équation plus simple que celle du cercle ; d’autres, comme l’hyperbole équilatere, ont une équation aussi simple, V. Equation & Courbe : mais leur description est beaucoup moins facile que celle du cercle, & leurs propriétés moins aisées à déduire. On peut rapporter aussi à la Géométrie élémentaire la solution des problèmes du second degré par la ligne droite & par le cercle. Voyez Construction, Courbe, & Équation

La Géométrie transcendante est proprement celle qui a pour objet toutes les courbes différentes du cercle, comme les sections coniques & les courbes d’un genre plus élevé. Voyez Courbe.

Cette Géométrie s’occupe aussi de la solution des problèmes du troisieme & du quatrieme degré & des degrés supérieurs. Les premiers se résolvent, comme l’on sait, par le moyen de deux sections coniques, ou plus simplement & en général par le moyen d’un cercle & d’une parabole ; les autres se résolvent par des lignes du troisieme ordre & au-delà. V. Courbe, & les art. déjà cités. La partie de la Géométrie transcendante qui applique le calcul différentiel & intégral à la recherche des propriétés des courbes, est celle qu’on appelle plus proprement Géométrie transcendante, & qu’on pourroit nommer avec quelques auteurs modernes, Géométrie sublime, pour la distinguer non-seulement de la Géométrie élémentaire, mais de la Géométrie des courbes qui n’employe pas les calculs différentiel & intégral, & qui se borne ou à la synthèse des anciens, ou à la simple application de l’analyse ordinaire. Par-là on auroit trois divisions de la Géométrie ; Géométrie élémentaire ou des lignes droites & du cercle ; Géométrie transcendante ou des courbes ; & Géométrie sublime ou des nouveaux calculs.

2°. On divise aussi la Géométrie en ancienne & moderne. On entend par Géométrie ancienne, ou celle qui n’employe point le calcul analytique, ou celle qui employe le calcul analytique ordinaire, sans se servir des calculs différentiel & intégral ; & par Géométrie moderne, on entend ou celle qui em-

ploye l’analyse de Descartes dans la recherche des propriétés des courbes, ou celle qui se sert des nouveaux calculs. Ainsi la Géométrie, entant qu’elle se borne à l’analyse seule de Descartes, est ancienne ou moderne, suivant les rapports sous lesquels on la considere ; moderne par rapport à celle d’Apollonius & d’Archimede, qui n’employoient point le calcul ; ancienne, par rapport à la Géométrie que nous avons nommée sublime, que Leibnitz & Newton nous ont apprise, & que leurs successeurs ont perfectionnée.

Des élémens de Géométrie. On a donné au mot Élémens des Sciences, des principes qui s’appliquent naturellement aux élémens de Géométrie : on y a même traité des questions qui ont un rapport particulier à ces élémens ; par exemple, si on doit suivre dans les élémens d’une science l’ordre des inventeurs ; si on y doit préférer la facilité à la rigueur exacte, &c. c’est pourquoi nous renvoyons à l’article Élémens. Nous observons seulement que dans la liste d’élémens de Géométrie donnée par M. de la Chapelle, on a oublié ceux de M. Camus, de l’académie des Sciences, composés pour l’usage des ingénieurs, & qui méritent qu’on en fasse une mention honorable ; ainsi que la Géométrie de l’officier, de M. le Blond, un de nos collegues, & les élémens de Géométrie du même auteur. Ajoûtons ici quelques réflexions qui pourront n’être pas inutiles, sur la maniere de traites les élémens de Géométrie.

Nous observerons d’abord, & ceci est une remarque peu importante, mais utile, que la division ordinaire de la Géométrie élémentaire en Longimétrie, Planimétrie, & Stéreométrie, n’est point exacte, à parler à la rigueur, puisqu’on y mesure non-seulement des lignes droites, des plans, & des solides, mais aussi des lignes circulaires & des surfaces sphériques : mais nous ne pouvons qu’approuver la division naturelle de la Géométrie élémentaire en géométrie des lignes droites & des lignes circulaires, géométrie des surfaces, géométrie des solides.

On peut voir au mot Courbe, ce que nous pensons sur la meilleure définition possible de la ligne droite & de la ligne courbe. Quoique la ligne droite soit plus simple que la circulaire, cependant il est à propos de traiter de l’une & de l’autre, ensemble & non séparément, dans des élémens de Géométrie ; parce que les propriétés de la ligne circulaire sont d’une utilité infinie pour démontrer d’une maniere simple & facile ce qui regarde les lignes droites comparées entr’elles quant à leur position. La mesure d’un angle est un arc de cercle décrit du sommet de l’angle comme rayon. On a vû au mot Degré, pp. 761 & 762 du IV. vol. pourquoi le cercle est la mesure naturelle des angles. Cela vient de l’uniformité des parties & de la courbure du cercle ; & quand on dit que la mesure d’un angle est un arc de cercle décrit du sommet, cela signifie seulement que si deux angles sont égaux, les arcs décrits de leur sommet & du même rayon seront égaux : de même, quand on dit qu’un angle est double d’un autre, cela signifie seulement que l’arc décrit du sommet de l’un est double de l’arc décrit du sommet de l’autre : car l’angle n’étant, suivant sa définition, qu’une ouverture simple, & non pas une étendue, on ne peut pas dire proprement & abstraction faite de toute considération d’étendue, qu’un angle soit double d’un autre ; parce que cela ne se peut dire que d’une quantité comparée à une autre quantité homogene, & que l’ouverture de deux lignes n’ayant point de parties, n’est pas proprement une quantité. Quand on dit de même qu’un angle à la circonférence du cercle a pour mesure la moitié de l’arc compris entre ses côtés, cela signifie que cet angle est égal à un angle dont le sommet seroit au centre, & qui renfermeroit la moitié de cet arc ; & ainsi du reste.