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souvent, ils logeoient avec leur suite pendant une nuit, aux dépens des villes, des bourgs, & des villages qui étoient sur leur route. On leur fournissoit tout ce dont ils avoient besoin, & ils étoient magnifiquement défrayés ; car leurs hôtes ne manquoient jamais d’y joindre au départ quelque présent en argenterie. Peu-à-peu cet établissement devint un droit royal, qu’on nomma droit de gîte ; & personne n’en fut exempt. Jean le Coq rapporte un arrêt qui déclare les villes données en doüaire à la reine, sujettes au droit de gîte.

Les évêques & les abbés payoient ce droit de gîte pour la visite de leur église ; & quand nos rois se dégoûterent de mener une vie errante, ils continuerent d’exiger leur droit de gîte des évêques, des abbés, & autres prélats. Lors même que ces évêques & abbés furent affranchis du service militaire, ils resterent soûmis au droit de gîte. Louis VII. en exempta la seule église de Paris, en reconnoissance de l’éducation qu’elle lui avoit donnée.

Ce droit de gîte étoit fixé à une certaine somme pour chaque évêché ou abbaye, toutes les fois que le roi venoit visiter l’église ou l’abbaye du lieu : p. ex. l’abbé du grand monastere de Tours étoit taxé à soixante livres du pays ; abbas majoris monasterii Turonensis debet unum gistum, taxatum sexaginta libras turonenses, levandas quolibet anno, si rex visitaverit ecclesiam.

Quelques églises s’abonnerent à payer le droit de gîte à une certaine somme, soit que le roi vînt ou non les visiter ; l’archevêque de Tours prit ce parti, & composa pour cent francs. Pasquier rapporte à ce sujet un grand passage qu’il a tiré des archives de la chambre des comptes, & dont voici le précis : L. anno Domini 1382, dominus P. Mazerii, episcopus Atrebatensis, pro jure procurationis . . . . . . . . composuit in ducentis & quadraginta francis auri, franco sexdecim solidorum, pro eo quod debebat ; de quibus satisfactum, dominus Atrebatensis habet penès se litteras regias, unâ cum litteris quitationis secretariorum. Le latin de ce tems-là n’est pas élégant, mais le sens en est clair. Ce passage dit qu’en 1382 l’évêque d’Arras traita à deux cents quarante francs d’or, chaque franc de seize sous, pour ce qu’il devoit du droit de gîte ; qu’il paya cette somme, en prit l’écrit du roi, & quittance de ses secrétaires.

Ce même passage nous apprend positivement que le droit de gîte subsistoit encore en 1382. « Enfin, dit Pasquier en son vieux gaulois, le tems a depuis fait mettre en oubli, tant les services militaires, que droits de gîte ; au lieu desquels on a introduit l’octroi des décimes sur tout le clergé, n’étant demeuré de cette ancienneté, que la prestation de serment de fidélité au roi, qui doit être faite par tous les prélats de France, lors de leurs avénemens ». (D. J.)

Gîtes, s. m. pl. (Art milit.) ce sont des pieces de bois dont on se sert pour la construction des plates-formes des batteries sur lesquelles on pose les madriers. Voyez Plate-Forme. (Q).

Gîte, (Boucherie & Cuisine.) Le gîte est le bas de la cuisse du bœuf ; on y distingue trois parties, le bas où est le morceau à la noix, & le derriere du gîte ; la levée & le gîte à l’os.

GIVET, Givetum, (Géog.) petite ville de France aux Pays-Bas, divisée en deux par la Meuse, dont l’une s’appelle Givet Saint Hilaire, & l’autre, Givet Notre-Dame ; il y a de bonnes fortifications & de belles casernes, ouvrages du maréchal de Vauban. Givet est près de Charlemont, à neuf lieues sud-oüest de Namur, huit nord-est de Rocroi. Long. 22d 22′. latit. 50d 5′. (D. J.)

GIULA, Julia, (Géog.) ville forte de la haute Hongrie aux frontieres de la Transylvanie ; elle fut prise par les Turcs en 1566 : les impériaux la repri-

rent en 1595, & la conserverent par le traité de Carlowitz : elle est sur le Kérès blanc, à douze lieues

nord-est d’Arad, douze sud-oüest du grand Varadin. Longit. 39. 36. latit. 46. 25. (D. J.)

GIUND, (Géog.) ville d’Asie dans la grande Tartarie au Turquestan, vers le Sihon, qui est le Jaxarre des anciens : Abulféda lui donne 78d 4′. de long. elle a, selon quelques-uns, 43d 30′. de latit. septentrionale. (D. J.)

Givre, ou Frimat, s. m. (Physique.) sorte de gelée blanche, qui en hyver, lorsque l’air est froid & humide tout ensemble, s’attache à différens corps, aux arbres, aux herbes, aux cheveux, &c. Le givre ou frimat ne differe pas essentiellement de la gelée blanche proprement dite : ces deux congelations se ressemblent parfaitement, se forment de la même maniere, & dépendent du même principe. Ce qui, dans l’usage, sert à les distinguer, c’est que le nom de gelée blanche n’est guere donné qu’à la rosée du matin congelée ; au lieu que ce qu’on appelle givre doit son origine non à la rosée du matin, mais à toutes les autres vapeurs aqueuses, quelles qu’elles soient, qui réunies sur la surface de certains corps en molécules sensibles, distinctes & fort déliées, y rencontrent un froid suffisant pour les glacer.

La formation du givre supposant toûjours, comme nous venons de le dire, la réunion du froid & de l’humidité, on déterminera sans peine les circonstances particulieres dans lesquelles cette espece de congelation doit se manifester. Qu’un grand brouillard soit répandu dans l’air & sur la surface de la terre, il mouillera considérablement la plûpart des corps solides exposés à son action : si l’on suppose en même tems dans ces corps un refroidissement jusqu’au terme de la congelation & au-delà, il n’en faudra pas davantage pour glacer les particules d’eau répandues sur la surface de ces mêmes corps, & qui y sont adhérentes. Ces premiers glaçons attireront d’autres molécules aqueuses qui perdront de même leur liquidité, & ainsi de suite ; tous ces petits corps gelés constituent le givre. Ce qu’on a dit ailleurs de la gelée blanche proprement dite, qu’elle est composée de particules d’eau glacées séparément, unies en un corps rare & leger, formant des filets oblongs diversement inclinés ; tout cela trouve ici son application. Voyez Gelée blanche.

Le givre s’attache aux arbres en très-grande quantité ; il y forme souvent des glaçons pendans qui fatiguent beaucoup les branches par leur poids ; c’est que les arbres attirent avec beaucoup de force l’humidité de l’air & des brouillards.

Les poils des animaux sont de même très-sujets à s’humecter considérablement à l’air libre : ainsi il n’est pas surprenant qu’en certains pays le givre s’attache fréquemment aux cheveux & au menton des paysans & des voyageurs, aux chapeaux, aux fourrures, aux crins des chevaux, &c. Il faut remarquer au sujet du givre qu’on apperçoit sur les hommes & sur les animaux, que les particules d’eau auxquelles il doit son origine, ne viennent pas toutes de l’atmosphere : les vapeurs aqueuses qu’exhalent les animaux par la respiration, se glacent de la même maniere dans de semblables circonstances ; & ce qui le prouve évidemment, c’est que le givre s’amasse autour de la bouche & des narines en plus grande quantité. Dans les villes, quand on voit sur les personnes qui viennent de la campagne l’espece d’eau glacée dont il est ici question, on dit communément qu’il a tombé du givre ; expression très-peu exacte, si l’on entend par-là que les particules d’eau qui composent le givre, se sont gelées dans l’air : on dit de la même maniere, il a tombé de la gelée blanche. Il ne faut pas toûjours chercher dans le discours ordinaire la précision des Mathématiciens.