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cede du même principe ; autrement si ces deux forces étoient différentes, les corps poussés par les deux forces conjointement, tomberoient vers la terre avec une vîtesse double de celle qui naîtroit de la seule force de la gravité.

Il est donc évident que la force centripete par laquelle la Lune est retenue dans son orbite, n’est autre chose que la force de la gravité qui s’étend jusque-là.

Par conséquent la Lune pese vers la terre ; donc réciproquement celle ci pese vers la Lune : ce qui est confirmé d’ailleurs par les phénomenes des marées. Voyez Flux & Reflux & Gravitation.

On peut appliquer le même raisonnement aux autres planetes. En effet, comme les révolutions des planetes autour du Soleil, & celles des satellites de Jupiter & de Saturne autour de ces planetes, sont des phénomenes de la même espece que la révolution de la Lune autour de la terre ; comme les forces centripetes des planetes ont leur direction vers le centre du Soleil ; comme celles des Satellites tendent vers le centre de leur planete ; & enfin comme toutes ces forces sont réciproquement comme les quarrés des distances aux centres, on peut conclure que la loi de la gravité & sa cause sont les mêmes dans toutes les planetes & leurs satellites.

C’est pourquoi comme la Lune pese vers la terre, & celle-ci vers la Lune, de même tous les satellites pesent vers leurs planetes principales : & les planetes principales vers leurs satellites ; les planetes vers le Soleil, & le Soleil vers les planetes. Voyez Gravitation, Planete, &c.

Il ne reste plus qu’à savoir quelle est la cause de cette gravité universelle, ou tendance mutuelle que les corps ont les uns vers les autres.

Clarke ayant détaillé plusieurs propriétés de la gravité des corps, conclud que ce n’est point un effet accidentel de quelque mouvement ou matiere subtile, mais une force générale que le Tout-puissant a imprimée des le commencement à la matiere, & qu’il y conserve par quelque cause efficiente qui en pénetre la substance.

Gravesande, dans son introduction à la philosophie de Newton, prétend que la cause de la gravité est absolument inconnue, & que nous ne devons la regarder que comme une loi de la nature & comme une tendance que le créateur a imprimée originairement & immédiatement à la matiere, sans qu’elle dépende en aucune façon de quelque loi ou cause seconde. Il croit que les trois réflexions suivantes suffisent pour prouver sa proposition. Savoir :

1°. Que la gravité demande la présence du corps qui pese ou attire : c’est ainsi que les satellites de Jupiter, par exemple, pesent sur cette planete, quelque part qu’elle se trouve.

2°. Que la distance au corps attirant étant supposée la même, la vîtesse avec laquelle les corps se meuvent par la force de la gravité, dépend de la quantité de matiere qui se trouve dans le corps qui attire, & que la vîtesse ne change point, quelle que puisse être la masse du corps pesant.

3°. Que si la gravité ne dépend d’aucune loi connue de mouvement, il faut que ce soit quelqu’impulsion venant d’un corps étranger, de sorte que la gravité étant continuelle, elle demande aussi une impulsion continuelle.

Or s’il y a quelque matiere qui pousse continuellement les corps, il faut que cette matiere soit fluide & assez subtile pour pénétrer la substance de tous les corps : mais comment un corps qui est assez subtil pour pénétrer la substance des corps les plus durs, & assez raréfié pour ne pas s’opposer sensiblement au mouvement des corps, peut-il pousser des corps considérables les uns vers les autres avec tant de for-

ce ? Comment cette force augmente-t-elle suivant la

proportion de la masse du corps vers lequel l’autre corps est poussé ? D’où vient que tous les corps, en supposant la même distance & le même corps vers lequel ils tendent, se meuvent avec la même vîtesse ? Enfin un fluide qui n’agit que sur la surface, soit des corps mêmes, soit de leurs particules intérieures, peut-il communiquer aux corps une quantité de mouvement, qui suive exactement la proportion de la quantité de matiere renfermée dans les corps ?

M. Cotes, en donnant un plan de la philosophie de Newton, va encore plus loin, & assûre que la gravité doit être mise au rang des qualités premieres de tous les corps, & réputée aussi essentielle à la matiere que l’étendue, la mobilité, & l’impénétrabilité. Pref. ad Newt. princip. Sur quoi voyez les articles Attraction & Gravitation.

Mais Newton, pour nous faire entendre qu’il ne regarde point la gravité comme essentielle aux corps, nous donne son opinion sur la cause, & il prend le parti de la proposer par forme de question, comme n’étant point encore content de tout ce qu’on en a découvert par les expériences.

Nous ajoûterons ici cette question dans les propres termes dont il s’est servi.

Après avoir prouvé qu’il y a dans la nature un milieu beaucoup plus subtil que l’air ; que par les vibrations de ce milieu, la lumiere communique de la chaleur aux corps, subit elle-même des accès de facile réflexion & de facile transmission ; & que les différentes densités des couches de ce milieu produisent la réfraction aussi-bien que la réflexion de la lumiere (voyez Milieu, Chaleur, Réfraction, &c.), il fait la question suivante.

« Ce milieu n’est-il pas beaucoup plus raréfié dans les corps denses du Soleil, des étoiles, des planetes, & des cometes, que dans les espaces célestes qui sont vuides, & qui se trouvent entre ces corps ? & ce milieu, en passant de là à des distances considérables, ne se condense-t-il pas continuellement de plus en plus, & ne devient-il pas ainsi la cause de la gravité que ces grands corps exercent les uns sur les autres, & de celle de leurs parties, puisque chaque corps s’efforce de s’éloigner des parties les plus denses du milieu vers ses parties les plus raréfiées ?

» Car si l’on suppose que ce milieu est plus raréfié dans le corps du soleil que dans sa surface, & plus à la surface qu’à une distance très-petite de cette même surface, & plus à cette distance que dans l’orbe de Saturne ; je ne vois pas, dit M. Newton, pourquoi l’accroissement de densité ne seroit pas continué dans toute la distance qu’il y a du soleil à Saturne, & au-delà.

» Et quand même cet accroissement de densité seroit excessivement lent ou foible à une grande distance, cependant si la force élastique de ce milieu est excessivement grande, elle peut être suffisante pour pousser les corps depuis les parties les plus denses du milieu, jusqu’à l’extrémité de ses parties les plus raréfiées, avec toute cette force que nous appellons gravité.

» La force élastique de ce milieu est excessivement grande, comme on en peut juger par la vîtesse de ses vibrations : car d’un côté les sons se répandent environ à 180 toises dans une seconde de tems : de l’autre la lumiere vient du soleil jusqu’à nous dans l’espace de sept ou huit minutes, & cette distance est environ de 33000000 lieues ; & pour que les vibrations ou impulsions de ce milieu puissent produire les secousses alternatives de facile transmission & de facile réflexion, il faut qu’elles se fassent plus promptement que celles de la lumiere, & par conséquent environ 700000 fois plus vîte que cel-