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éponge, pour lui faire prendre eau également : ce qui sera fait, si l’on le manie & remanie ; si on le remet sous la presse, & si on l’y laisse quelques heures de suite, entre chacune de ces opérations.

Il faut avec la presse un broyon qu’on voit fig. 20. d’environ la hauteur de la main ; & un rouleau de bois (figure 21.) de 15 à 18 pouces de longueur, garni de drap, & à poignées assez longues, pour être tenu à pleines mains.

Si l’on ajoûte le marbre à ces derniers outils, on aura tout ce qu’il faut pour tirer des épreuves de sa planche, sans la porter chez l’imprimeur en lettres. C’est sur ce marbre qu’on broyera l’encre.

Du bois. Le poirier, le pommier, le cormier, le buis, en un mot tous les bois qui ne sont pas poreux, sont propres à la gravure en bois ; mais le buis est à préférer. Les substances dures & seches, telles que le gayac, le coco, le palisante, l’ébene, les bois d’Inde, sont sujets à s’égrener. Il n’en faut point employer, non plus que de bois blanc & mou. Il en faut faire équarrir les morceaux par l’ébéniste ou le menuisier, quand même les figures qu’on auroit à traiter seroient rondes, ovales, ou autres. On leur donnera dix lignes d’épaisseur ; c’est celle de la hauteur de la lettre d’Imprimerie. On peut tenir les morceaux à fleurons, armes, &c. moins hauts. On y suppléera par-dessous avec des cartes ; & le coup de presse en étant amorti, les bords de la gravure n’en seront point écrasés ; & la planche en durera plus long-tems.

Principes. Que celui qui veut graver ait un établi d’une hauteur convenable : qu’il n’ait point la tête trop baissée ni le corps trop droit : que son établi soit un peu élevé en pupitre : qu’il ait le jour en face, parce que la coupe faite, la petite ombre du bois coupé le guidera pour la recoupe. Sans cette ombre l’on auroit peine, en hyver que l’humidité ou l’haleine enfle le bois, à discerner la trace de la pointe. Qu’il fasse d’abord quelques traits sur un morceau de poirier, au bout de la pointe, sans avoir été dessinés. Pour cet effet qu’il tienne la planche fermement de la main gauche : qu’il ait dans la droite sa pointe à graver, à-peu-près comme une plume à écrire, mais que sa main soit un peu plus tournée & panchée vers le corps. Que le biseau du taillant de la pointe soit du même côté, ensorte qu’on ne voye presque que l’épaisseur de la lame, obliquement, très-peu du plat, du taillant & du bout de la pointe, & le dessus de la main. Qu’il enfonce l’outil dans le bois, sur le plan incliné du biseau du taillant, & qu’il fasse la coupe. C’est la premiere & principale opération du graveur. Que les deux derniers doigts de sa main posent sur la planche, pour ne pas être gênés, en tirant la pointe de gauche à droite, comme on voit en A ; c’est le contraire de la gravure au burin, où l’outil est poussé de droite à gauche.

Pour enlever le bois coupé, l’on fait la recoupe. La recoupe est la seconde opération. Que la main soit tournée en-dehors du corps, de façon qu’on n’en voye que le pouce & l’index qui tiennent la pointe, avec le bout du doigt du milieu : que les autres doigts soient posés & presque cachés sur la planche : qu’on enfonce la pointe au-dessus de la coupe, & où l’on a commencé à la former, ensorte qu’elle entre dans le bois, appuyée en-dehors du corps, sur le côté du taillant qui n’a point de biseau, & que l’on voye tout le côté du taillant du biseau, malgré l’ombre. Cela supposé, si l’on tire parallelement l’outil de gauche à droite, on enlevera le bois à mesure qu’il se détachera, comme on voit en B fig. 4.

Pour achever de former ou graver le trait, le contour, ou la taille commencée, on en fera autant qu’il a été dit, par une coupe & une recoupe du côté opposé à celui que l’on aura gravé : & on donnera à ce

trait, ce contour, ou taille, une figure pyramidale sur toute sa longueur, plus ou moins menue, selon qu’on l’aura voulu.

On se formera la main en faisant des traits en-travers du fil du bois, comme en C, fig. 5. retournant la planche, le fil du bois montant toûjours devant soi, & faisant une autre coupe comme en D, fig. 6. Les deux coupes faites, retournant la planche d’un autre sens, le fil du bois en-travers devant soi, & y traçant à des distances égales d’autres coupes en échelle, depuis le haut jusqu’en-bas, comme on voit en E, fig. 7. Les lignes tracées fig. 7. dénotant où l’on a passé la pointe, il s’agit d’enlever le bois à cette espece d’échelle ; pour cela on recoupe & l’on acheve les tailles, comme dans la fig. 8. commençant toûjours par celle d’en-haut, & finissant par celle d’en-bas. On voit fig. 9. la forme que doivent avoir les tailles. Ce sont comme des dents de scie : & l’espace qui les constitue est une espece de gouttiere.

Il faut bien prendre garde à la coupe, de ne pas coucher la pointe vers le corps, plus qu’il n’a été prescrit : on s’exposeroit à endommager les tailles par le pié, ce qui les rendroit sujettes à se casser.

Quand on fait des tailles en-travers du fil du bois, s’il arrive qu’il soit disposé à s’égrener, on exécute la recoupe avant la coupe.

Voilà pour les tailles droites. Les circulaires ou courbes se font en tournant un peu la main sur elle-même devant soi, toûjours de gauche à droite, tant à la coupe qu’à la recoupe, concourant à cette opération, de la main qui tiendra la planche & qui la fera mouvoir à contre-sens de la main qui tiendra l’instrument ; commençant la coupe & la recoupe en A, & les finissant en B, fig. 13. où les traits blancs marquent le relief, & l’ombre marque les creux.

Les entre-tailles ou tailles courtes entre des longues, comme on en voit en C, fig. 14. se font comme les tailles ordinaires, les racourcissant seulement à volonté.

Les ente-tailles ou tailles rentrées ou grossies par endroits, ne se font pas autrement que les tailles, observant sur leur longueur de réserver des endroits plus épais & plus nourris, comme on voit fig. 15.

Pour les contre-tailles ou secondes tailles, l’on fait d’abord toutes les coupes paralleles, comme à des tailles simples : puis l’on croise ces coupes par d’autres, sous toutes sortes d’angles : observant de ne pas trop enfoncer la pointe, de peur d’égrener ou même de détacher les croisées : procédant ensuite carreau par carreau, en équerre, à contre-sens de ce qui a été coupé, l’on recoupe ; & lorsque tout est gravé, on passe en frottant l’ongle sur les croisées pour les raffermir. Voyez la fig. 16. où les carreaux sont creux, & les tailles croisées de relief.

Nous ne dirons des triples tailles, sinon qu’il faut à chaque sens de chaque taille, faire d’abord les trois coupes, ce qui divise ou coupe toutes leurs croisées : aller posément, passer d’un petit carreau à un autre, y faire la recoupe, & enlever le bois, ce qui suppose un artiste exercé, voyez la fig. 17.

S’il arrive que parmi des tailles on en fasse qui soient de beaucoup plus basses que celles entre lesquelles elles se trouvent, de sorte que ces dernieres empêchent la balle d’atteindre aux autres, & par conséquent celles-ci de laisser aucun trait sur le papier, on appelle ces tailles tailles perdues. L’effet en est irréparable & mauvais, sur-tout dans les morceaux délicats.

Les points si faciles à faire dans la gravure en cuivre, sont très-difficiles dans la gravure en bois. Il faut qu’ils soient de relief, vuidés tout-autour, & assez solides à la base pour ne point se casser ou s’écraser. Pour cet effet, il faut faire cette base à quatre faces, en pyramide. On ne les arrangera point par colon-