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que, graces à leurs talens, ils trouvent dans les sujets les plus stériles des sources inépuisables de merveilles.

Peu nous doit importer, si l’on remarque dans leurs embellissemens une infinité de différences. Ce sont des choses inséparables des fictions de l’esprit humain, & ce seroit une entreprise ridicule de vouloir les concilier. C’est assez que les poëtes conviennent ensemble que les Hespérides sont sœurs ; que leurs richesses consistoient en pommes d’or ; que ces pommes étoient gardées par un dragon ; qu’Hercule pourtant trouva le moyen d’en cueillir, & d’en emporter dans la Grece. Mais, dira-t-on, ils sont divisés sur presque tous les autres faits ; ils ne s’accordent, ni sur la naissance de ces nymphes, ni sur leur nombre, ni sur la généalogie du dragon, ni sur le lieu où les jardins des Hespérides étoient situés, ni finalement sur la maniere dont Hercule s’y prit pour avoir de leurs fruits. Tout cela est très-vrai, mais ces variétés d’idées ne nuisent à personne ; les fictions ingénieuses seront celles auxquelles nous donnerons notre attache, sans nous embarrasser des autres.

Hésiode, par exemple, veut que les Hespérides soient nées de la Nuit ; peut-être donne-t-il une mere si laide à des filles si belles, parce qu’elles habitoient à l’extrémité de l’occident, où l’on faisoit commencer l’empire de la Nuit. Lorsque Chérécrate au contraire les fait filles de Phorcus & de Céto, deux divinités de la mer, cette derniere fiction nous déplaît, parce que c’est une énigme inexplicable.

Quant au nombre des Hespérides, les poëtes n’ont rien feint d’extraordinaire. La plûpart ont suivi l’opinion commune qui en établit trois, Eglé, Aréthuse & Hespéréthuse. Quelques-uns en ajoûtent une quatrieme, qui est Hespéra ; d’autres, une cinquieme, qui est Erythéis ; d’autres, une sixieme, qui est Vesta ; & ces derniers mêmes n’ont point exagéré, puisque Diodore de Sicile, historien, fait monter le nombre de ces nymphes jusqu’à sept.

Leur généalogie du dragon nous est fort indifférente en elle-même, soit qu’on le suppose fils de la Terre avec Pysandre, ou de Typhon & d’Echidne avec Phérécide. Mais les couleurs dont quelques-uns d’eux peignent ce monstre expirant, nous émeuvent & nous intéressent. Ce n’est pas une description de mort ordinaire qu’on lit dans Apollonius, c’est un tableau qu’on croit voir : « Le dragon, dit-il, percé des traits d’Hercule, est étendu au pied de l’arbre ; l’extrémité de sa queue remue encore, le reste de son corps est sans mouvement & sans vie ; les mouches s’assemblent par troupes sur le noir cadavre, sucent & le sang qui coule des plaies & le fiel amer de l’hydre de Lerne, dont les fleches sont teintes. Les Hespérides désolées à ce triste spectacle, se couvrent le visage de leurs mains, & poussent des cris lamentables »…

En un mot, de telles descriptions nous affectent, tandis que nous ne sommes point épris des prétendus mysteres qu’on prétend que ces fictions renferment, & des explications historiques, morales ou physiques qu’on nous en a données ; encore moins pouvons-nous goûter les traces imaginaires que des auteurs, plus chrétiens que critiques, croyent appercevoir dans ces fables de certaines vérités que contiennent les livres sacrés. L’un retrouve dans les pommes, ou dans les brebis des Hespérides, Josué qui pille les troupeaux & les fruits des Cananéens ; l’autre se persuade que le jardin des Hespérides, leurs pommes & leur dragon ont été faits d’après le paradis terrestre. Non, non, les poëtes, en forgeant la fable de ces aimables nymphes, n’ont point corrompu l’Ecriture-sainte, qu’ils ne connoissoient pas ; ils n’ont point voulu nous cacher des mysteres, ni nous donner aucunes instructions. C’est faire trop

d’honneur à ces agréables artisans de mensonges que de leur prêter des intentions de cette espece ; ils se sont uniquement proposés de nous amuser, d’embellir leur sujet, de donner carriere à leur enthousiasme, d’exciter l’admiration & la surprise, en un mot de peindre & de plaire, & l’on doit avouer qu’ils ont eu, pour la plûpart, le secret de réussir. (D. J.)

Hespérides, îles des, (Géog. anc.) îles de la mer Atlantique ; Pline, l. VI. c. xxxj. n’en parle qu’avec incertitude ; ce qu’il en dit, ne convient point aux Canaries, encore moins aux Açores, ni aux Antilles ; il met une journée de navigation depuis les îles Hespérides au cap nommé Hesperu-ceras ; il parcourt donc la côte occidentale d’Afrique : le cap qu’il nomme Hesperu-ceras doit être le Cap-verd ; les Hespérides étoient, dit-il, à une journée en-deçà de Hesperu-ceras ; seroient-ce deux des îles du Sénégal ? Mais enfin quel fonds peut-on faire sur des relations imparfaites, & dressées dans des tems où ces lieux n’étoient connus que par une tradition également obscure & incertaine. (D. J.)

HESPERIE, s. f. (Géog.) en général contrée occidentale. Les Grecs appellent Hesperie l’Italie qui est à leur couchant, & par la même raison les Romains donnerent le même nom à l’Espagne.

HESPERUS, s. m. (Astronom.) on donne ce nom à la planete de Vénus, lorsqu’elle paroît le soir avant le coucher du soleil. C’est celle que le peuple nomme étoile du berger, voy. Venus. Lorsque Vénus paroît le matin avant le lever du soleil, on la nomme Phosphorus. M. Bianchini a donné un ouvrage sur la planete de Vénus qui a pour titre : Hesperi & phosphori nova phænomena. (O)

Hesperus, (Mytholog.) l’étoile du soir ; les poëtes en ont fait un dieu, fils de Céphale & de l’Aurore. Brillant hesperus, dit Milton, c’est vous qui marchant à la tête du corps étoilé, tenez le crépuscule à vos ordres ! arbitre expéditif entre la nuit & le jour, souffrez que je vous salue !

Bright hesperus that leads the starry train,
Whose office is to bring twilight upon the earth ;
Short arbiter’twixt day ant night…..

Hesper, ou Hesperus dans l’histoire, fut chassé de ses états par son frere Atlas, & s’établit en Italie, à laquelle il donna le nom d’Hespérie. Diodore de Sicile, l. III. ajoute que comme Hesperus montoit souvent le soir sur le mont Atlas, pour contempler les astres, & qu’il ne parut plus ; on débita qu’il avoit été métamorphosé en un astre, qu’on appella le matin lucifer, & le soir hesperus, du nom du prince astronome. Les Latins changerent l’aspiration en v, & dirent vesper. C’est, matin ou soir, l’étoile du berger des habitans de nos campagnes. (D. J.)

HESSE la, (Géog.) pays d’Allemagne avec titre de landgraviat, dans le cercle du haut-rhin, borné par la Wétéravie, la Thuringe, la Westphalie, la Franconie, & le pays de Brunswick ; ce pays s’étend depuis le Mein jusqu’au Wéser. Il se divise en haute & basse Hesse. La maison souveraine de ce pays est partagée en quatre branches, dont chacune prend la qualité de landgrave, deux principautés Hesse-Cassel calviniste, & Hesse-Darmstadt luthérienne ; & deux autres qui sont des branches de Hesse-Rhinfelds catholique, & Hesse-Hombourg calviniste : ces quatre landgraviats tirent leur origine des Cattes, Catti, lesquels faisoient partie des Hermions, grand peuple de la Germanie.

Le pays de Hesse est, comme nous l’avons dit, un landgraviat, ce qui signifie un comté provincial. Il est coupé par des forêts, montagnes, prairies, & terres labourables ; les montagnes ont des mines de fer propre à faire du canon. Ceux qui seront curieux d’en connoître l’histoire naturelle, peuvent lire l’ou-