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Connoître l’essence, c’est connoître la chose ; l’un suit de l’autre.

Deux corps different, si l’on peut dire de l’un quelque chose qu’on ne puisse dire de l’autre au moment où on les compare.

Tous les corps different numériquement.

Le rapport d’un corps à un autre consiste dans leur égalité ou inégalité, similitude ou différence.

Le rapport n’est point un nouvel accident ; mais une qualité de l’un & de l’autre corps, avant la comparaison qu’on en fait.

Les causes des accidens de deux correlatifs, sont les causes de la correlation.

L’idée de quantité naît de l’idée de limites.

Il n’y a grand & petit que par comparaison.

Le rapport est une évaluation de la quantité par comparaison, & la comparaison est arithmétique ou géométrique.

L’effort ou nisus est un mouvement par un espace & par un tems moindres qu’aucuns donnés.

L’impetus, ou la quantité de l’effort, c’est la vîtesse même considérée au moment du transport.

La résistance est l’opposition de deux efforts ou nisus au moment du contact.

La force est l’impetus multiplié ou par lui-même, ou par la grandeur du mobile.

La grandeur & la durée du tout nous sont cachées pour jamais.

Il n’y a point de vuide absolu dans l’univers.

La chûte des graves n’est point en eux la suite d’un appétit, mais l’effet d’une action de la terre sur eux.

La différence de la gravitation naît de la différence des actions ou efforts excités sur les parties élémentaires des graves.

Il y a deux manieres de procéder en philosophie ; ou l’on descend de la génération aux effets possibles, ou l’on remonte des effets aux générations possibles.

Après avoir établi ces principes communs à toutes les parties de l’univers, Hobbes passe à la considération de la portion qui sent ou l’animal, & de celle-ci à celle qui réfléchit & pense ou l’homme.

De l’animal. La sensation dans celui qui sent est le mouvement de quelques-unes de ses parties.

La cause immédiate de la sensation est dans l’objet qui affecte l’organe.

La définition générale de la sensation est donc l’application de l’organe à l’objet extérieur ; il y a entre l’un & l’autre une réaction, d’où naît l’empreinte ou le fantome.

Le sujet de la sensation est l’être qui sent ; son objet, l’être qui se fait sentir ; le fantome est l’effet.

On n’éprouve point deux sensations à-la-fois.

L’imagination est une sensation languissante qui s’affoiblit par l’éloignement de l’objet.

Le réveil des fantomes dans l’être qui sent, constate l’activité de son ame ; il est commun à l’homme & à la bête.

Le songe est un fantome de celui qui dort.

La crainte, la conscience du crime, la nuit, les lieux sacrés, les contes qu’on a entendus, réveillent en nous des fantomes qu’on a nommés spectres ; c’est en réalisant nos spectres hors de nous par des noms vuides de sens, que nous est venue l’idée d’incorporéité. Et metus & scelus & conscientia & nox & loca consecrata, adjuta apparitionum historiis phantasmata horribilia etiam vigilantibus excitant, quæ spectrorum & substantiarum incorporearum nomina pro veris rebus imponunt.

Il y a des sensations d’un autre genre ; c’est le plaisir & la peine : ils consistent dans le mouvement continu qui se transmet de l’extrémité d’un organe vers le cœur.

Le desir & l’aversion sont les causes du premier

effort animal ; les esprits se portent dans les nerfs ou s’en retirent ; les muscles se gonflent ou se relâchent ; les membres s’étendent ou se replient, & l’animal se meut ou s’arrête.

Si le desir est suivi d’un enchaînement de fantomes, l’animal pense, délibere, veut.

Si la cause du desir est pleine & entiere, l’animal veut nécessairement : vouloir, ce n’est pas être libre ; c’est tout au plus être libre de faire ce que l’on veut, mais non de vouloir. Causa appetitus existente integrâ, necessariò sequitur voluntas ; adeoque voluntati libertas à necessitate non convenit ; concedi tamen potest libertas faciendi ea quæ volumus.

De l’homme. Le discours est un tissu artificiel de voix instituées par les hommes pour se communiquer la suite de leurs concepts.

Les signes que la nécessité de la nature nous suggere ou nous arrache, ne forment point une langue.

La science & la démonstration naissent de la connoissance des causes.

La démonstration n’a lieu qu’aux occasions où les causes sont en notre pouvoir. Dans le reste, tout ce que nous démontrons, c’est que la chose est possible.

Les causes du desir & de l’aversion, du plaisir & de la peine, sont les objets mêmes des sens. Donc s’il est libre d’agir, il ne l’est pas de haïr ou de désirer.

On a donné aux choses le nom de bonnes, lorsqu’on les désire ; de mauvaises, lorsqu’on les craint.

Le bien est apparent ou réel. La conservation d’un être est pour lui un bien réel, le premier des biens. Sa destruction un mal réel, le premier des maux.

Les affections ou troubles de l’ame sont des mouvemens alternatifs de desir & d’aversion qui naissent des circonstances & qui balotent notre ame incertaine.

Le sang se porte avec vîtesse aux organes de l’action, en revient avec promptitude ; l’animal est prêt à se mouvoir ; l’instant suivant il est retenu ; & cependant il se réveille en lui une suite de fantomes alternativement effrayans & terribles.

Il ne faut pas rechercher l’origine des passions ailleurs que dans l’organisation, le sang, les fibres, les esprits, les humeurs, &c.

Le caractere naît du tempérament, de l’expérience, de l’habitude, de la prospérité, de l’adversité, des réflexions, des discours, de l’exemple, des circonstances. Changez ces choses, & le caractere changera.

Les mœurs sont formées lorsque l’habitude a passé dans le caractere, & que nous nous soumettons sans peine & sans effort, aux actions qu’on exige de nous. Si les mœurs sont bonnes, on les appelle vertus ; vice, si elles sont mauvaises.

Mais tout n’est pas également bon ou mauvais pour tous. Les mœurs qui sont vertueuses au jugement des uns, sont vicieuses au jugement des autres.

Les loix de la société sont donc la seule mesure commune du bien & du mal, des vices & des vertus. On n’est vraîment bon ou vraîment méchant que dans sa ville. Nisi in vita civili virtutum & vitiorum communis mensura non invenitur. Quæ mensura ob eam causam alia esse non potest præter unius cujusque civitatis leges.

Le culte extérieur qu’on rend sincérement à Dieu, est ce que les hommes ont appellé religion.

La foi qui a pour objet les choses qui sont au-dessus de notre raison, n’est sans un miracle qu’une opinion fondée sur l’autorité de ceux qui nous parlent. En fait de religion, un homme ne peut exiger de la croyance d’un autre que d’après miracle. Homini privato sine miraculo fides haberi in religionis actu non potest.