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cice du corps que l’on est en état de faire, ou que l’on fait réellement, eu égard au degré de forces dont on jouit, parce qu’il faut que la dépense soit égale à la recette pour se préserver de la surabondance ou du défaut d’humeurs. Voyez Exercice (Econom. anim.) Il suffira de rapporter ici la maxime du pere de la Medecine, l’oracle de Coos ; parce qu’elle renferme en peu de mots tout ce qu’on peut dire à ce sujet : Non satiari cibis & impigrum esse ad labores, sanum efficit corpus.

7°. Enfin, on ne sauroit trop s’éloigner de ceux qui conseillent le fréquent usage des remedes, parce que rien n’est plus contraire à la santé que de causer des changemens dans l’économie animale, de troubler les opérations de la nature, lorsqu’elle n’a pas besoin de secours, ou qu’elle peut se suffire à elle-même. C’est d’après cette vérité bien sentie, que le célebre medecin Montanus, & à son imitation Wepfer & Branner, terminoient toutes leurs consultations, tant pour les malades, pour les valétudinaires, que pour les gens en santé, par la recommandation de se livrer le moins possible aux Medecins & à la Medecine, parce qu’il y a fort à craindre que l’on ne donne sa confiance à des ignorans, qui n’ont souvent que le titre de docteur pour tout mérite ; le nombre de ces gens-là étant fort supérieur à celui des habiles maîtres de l’art, puisqu’ils sont extrêmement rares, & les autres aussi communs que dangereux ; ensorte qu’ils peuvent être regardés, tant qu’ils font les fonctions de medecin, comme des fléaux de l’humanité, de véritables pestes endémiques : ce qui fait douter, avec raison, si cette profession n’est pas plus nuisible qu’utile, non par elle-même, mais par ceux qui l’exercent mal. Ainsi, lorsqu’on jouit de la santé, & qu’il ne s’agit que de la conserver avec la tempérance & la modération, on peut éviter d’avoir besoin de medecins, & de s’exposer à être les victimes de l’ignorance : lorsque la santé se dérange, & qu’on est menacé de maladie, la diete & l’eau, selon le célebre praticien de Paris M. Molin, dit Dumoulin, sont les meilleurs remedes pour prévenir le danger des suites. En général, on a raison de dire que l’on doit éviter de vivre medicinalement, si l’on ne veut pas vivre misérablement ; & d’après cette maxime, Celse commence de cette maniere son traité de re medicâ, concernant les moyens de conserver la santé : Sanus homo, qui & bene valet & suæ spontis est, nullis obligare se legibus debet, ac neque jatralipta egere. Et ailleurs, il ajoûte, optimâ medicinâ est non uti medicinâ. L’école de Salerne, dont les préceptes ne sont pas toûjours à mépriser, persuadée que l’on peut très-bien se passer de Medecins, renferme, dans un seul distique, les principales regles de l’Hygiene, avec l’observation desquelles on peut se servir de medecin à soi-même, sur-tout si on n’est pas à portée d’en avoir de bons, ce qui est pis que d’en manquer entierement. Elle s’exprime donc ainsi :

Si tibi deficiant Medici, Medici tibi fiant
Hæc tria, mens hilaris, requies moderata, diæta.

Pour supplément à ce que la nature de cet ouvrage n’a pas permis de traiter plus au long, & de mentionner même dans cet article, concernant les différentes choses qui intéressent la conservation de la santé, il ne reste qu’à ajoûter ici la loi générale que prescrit l’admirable Hippocrate, epidem. lib. VI. §. 6. sur la plûpart de celles qui influent le plus à cet égard : Labor, cibus, potus, somnus, venus, omnia sunto mediocria. De cette maniere, & par une seule épithete, il détermine, avec toute la précision possible, l’ordre même que l’on doit observer dans l’usage de ces choses par rapport au tems où il convient de le placer pour chacune en particulier ; en

les énonçant dans l’ordre successif qu’elles doivent avoir entre elles ; c’est-à-dire, que l’on doit faire de l’exercice avant de prendre ses repas ; que l’on ne doit se livrer aux plaisirs de l’amour qu’après le sommeil, & que l’on doit mettre beaucoup de modération dans ces différens actes de la vie.

Il reste encore à désigner les principaux auteurs qui ont écrit sur les regles à observer pour la conservation de la santé. On est, à cet égard, comme à bien d’autres, plus redevable aux anciens qu’aux modernes, dont ceux qui ont donné les meilleurs traités d’Hygiene, n’ont fait que commenter ce qui leur avoit été transmis sur cette matiere par les Grecs & les Romains.

En effet, il semble qu’on ne peut rien ajoûter pour le fond, à ce que le pere de la Medecine nous a laissé concernant la conservation de la santé, dans son excellent traité de aëre, aquis & locis, dans son livre de alimento, dans ses dissertations de diætâ salubri, de liquidorum usu, & passim, dans presque tous ses ouvrages, particulierement dans ses livres de flatibus, de geniturâ, où il traite de l’acte vénérien, & dans ses aphorismes.

Galien a beaucoup écrit sur l’Hygiene : outre les commentaires qu’il a donnés des ouvrages d’Hippocrate sur ce sujet, & particulierement des aphorismes 1, 4, 5, 17, du troisieme livre ; on trouve encore, parmi les ouvrages de cet auteur, quatre livres de sanitate tuendâ, trois livres de alimentis, un livre de attenuante victu, d’autres de consuetudine, de salubri diætâ, un autre de exercitatione parvæ pilæ. On peut consulter, sur les ouvrages de Galien en ce genre, l’abrégé qu’en a donné Fuchsius dans son épitome, ainsi que celui de Valleriola in locis communibus.

Le Cicéron des Medecins, Celse, ne s’occupe, dans le premier de ses huit livres de re medicâ, que de ce qui a rapport à la conservation de la santé : on a un excellent commentaire de ce beau morceau d’Hygiene par Lommius.

On trouve, dans les œuvres d’Avicene, un traité particulier d’Hygiene, sous le titre de correctione sex rerum non-naturalium. On a aussi un ouvrage complet de Jules Alexandrin sur les choses salutaires, où il est sur-tout amplement question de tout ce qui a rapport aux alimens : cette hygiene est divisée en trente-trois livres.

Pour ce qui regarde la Gymnastique medicinale, outre ce qu’en a donné Galien dans ses livres de sanitate tuendâ & dans le dernier de ses ouvrages, qui viennent d’être cités, on a un excellent traité de Mercurial, de arte gymnasticâ. Voy. Gymnastique.

Tous les auteurs d’institutions de Medecine ont traité de l’Hygiene comme une des parties principales de cette science ; cependant plusieurs d’entre eux, tel qu’Ethmuller, se sont très-peu étendus sur cette matiere, par les raisons alléguées au commencement de cet article. Sennert & Riviere en ont traité avec assez de détail ; ce dernier sur-tout, qui donne de fort bonnes choses sur la nature & le choix des alimens.

On peut consulter une dissertation sur l’Hygiene, donnée par M. Bon, professeur de l’université de Valence : mais un des meilleurs ouvrages en ce genre, est celui du docteur Cheyne, intitulé de infirmorum sanitate tuendâ vitâque producendâ, qui ne peut être surpassé que par le traité complet d’Hygiene que l’on trouve dans les institutions du célebre Hoffman, tom. I. lib. II. & par les savantes dissertations diététiques insérées dans la partie citée ci-devant des ouvrages de cet auteur, un des modernes auxquels la saine théorie de la Medecine est le plus redevable de son avancement, ainsi qu’à Boerrhaave, dont le petit abrégé d’hygiene que l’on