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une foi explicite un peu étendue. Heureusement ils en ont toujours assez pour saisir le principal objet de la foi que J. C. nous demande, je veux dire la ferme confiance que nous devons avoir en sa parole. En effet, le Sauveur n’insiste pas, comme les Théologiens, sur une adhésion expresse, pas même sur une adhésion implicite à des opinions controversées dans l’école, & dont la plûpart n’intéressent ni la religion, ni les mœurs.

La confiance, la foi invariable en sa puissance & en sa médiation, est presque le seul article qu’il exige de nous ; & c’est ce qu’il témoigne sans équivoque dans les divers passages où il parle de la foi ; en voici quelques-uns pris au hasard & sans choix, car ils ont tous le même sens dans la bouche du Sauveur.

Jésus admirant l’extrême confiance du Centenier, dit en marquant sa surprise : « en vérité je n’ai point trouvé une si grande foi, même en Israël ». Matth. 8. 10.

Dans une autre occasion, voyant la foi de ceux qui lui présentoient un paralityque : « mon fils, dit-il au malade, ayez confiance, vos péchés vous sont remis ». Matth. 9. 2.

Il dit de même à l’hémorroisse : « ma fille ayez confiance, votre foi vous a sauvée. » Matth. 9. 22.

Saint Pierre marchant sur les eaux, & paroissant effrayé, Jésus lui tendit la main, en lui disant : « homme de peu de foi, pourquoi avez-vous douté » ? Matth. 14. 31.

Il dit à un aveugle qui demandoit sa guérison avec de grands cris : « allez, votre foi vous a sauvé ». Marc, 10. 52.

Il dit encore à un lépreux qu’il avoit guéri, & qui lui rendoit grace à genoux : « levez vous, allez, votre foi vous a sauvé ». Luc, 17. 19.

« Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son fils unique, afin que tout homme qui croit en lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle ». Jean, 3. 16.

Qu’on examine dans le texte des évangelistes tous les passages où il est question de la foi, & l’on verra qu’ils n’expriment que l’intime persuasion de la divinité du Sauveur, que la confiance en ses mérites infinis. Principe fondamental de la foi nécessaire à tous les hommes, & qui semble se réduire à croire l’unité d’un Dieu en trois personnes, & la divinité de J. C. unie à l’humanité, pour opérer le salut du genre humain ; foi efficace & fructifiante, dont le Sauveur fait dépendre non-seulement les guérisons miraculeuses, & les autres prodiges de la toute-puissance, mais encore la rémission des péchés, & les récompenses de la vie éternelle ; foi par conséquent bien différente d’une adhésion stérile à tant de propositions débattues parmi les scholastiques, & qui n’ont au reste que peu ou point de rapport au perfectionnement de nos mœurs.

Il résulte de ces observations que la plûpart des dogmes énoncés par l’Eglise, bien que solidement établis sur son infaillibilité, ne tiennent pourtant que le second rang dans le système de notre croyance ; & qu’ainsi la connoissance expresse en est moins nécessaire au salut ; en un mot, qu’ils peuvent devenir l’objet de la foi implicite, ou de ce qu’on appelle foi du peuple ou du charbonnier.

Implicitement, adverbe, vient d’implicite, & se prend à proportion dans le même sens. Telle proposition qui n’est pas en termes exprès dans un livre, y est pourtant contenue implicitement, parce qu’elle est une conséquence nécessaire de la doctrine qu’on y établit.

IMPLIQUER, verbe actif, (Gramm.) c’est engager dans un soupçon, une affaire, une accusation. Cet accusé a impliqué beaucoup de monde dans son

action. Les plus braves d’entre les Romains se trouverent impliqués dans les conjurations qu’on forma contre les oppresseurs de leur liberté.

On dit encore, cette proposition implique contradiction, lorsqu’en la décomposant, on y remarque ou des conditions, ou des circonstances, ou des idées, ou des suppositions, qui ne peuvent co-exister, ou qui s’excluent réciproquement.

IMPLORER, verbe actif, (Gramm.) c’est demander avec toutes les marques de l’instance. On implore du secours ; on implore la justice ; on implore le bras séculier. Si les Ecclésiastiques implorent le bras séculier contre ceux qui refusent de les écouter avec docilité, ils oublient que leur conduite est proscrite dans l’Evangile, qui leur ordonne d’enseigner, & non de persécuter ; de sauver, & non de perdre ; de s’éloigner, & non de frapper ; d’être des hommes de paix, & non des hommes de sang.

IMPOLI, IMPOLITESSE, (Gramm.) c’est une ignorance grossiere, ou un mépris déplacé des égards de convention dans la société. Voyez l’article Politesse.

IMPORCITOR, s. m. (Myth.) dieu de la campagne & de l’agriculture, qui présidoit chez les anciens Romains, à la troisieme façon que l’on donnoit aux terres, après qu’on leur avoit confié le grain. Ce mot vient de porcæ, terme par lequel on désignoit la forme élevée des sillons ; le flamine invoquoit le dieu imporcitor, en sacrifiant à Cérès & à la Terre. Dict. de Trévoux.

IMPORTANCE, s. f. (Gram.) terme relatif à la valeur d’un objet. S’il a, ou si nous y attachons une grande valeur, il est important. On dit d’un meuble précieux, un meuble d’importance ; d’un projet, d’une affaire, d’une entreprise, qu’elle est d’importance, si les suites en peuvent devenir ou très-avantageuses, ou très-nuisibles. Le mal & le bien donnent également de l’importance. D’importance on a fait important, qui se prend à peu-près dans le même sens. On dit, il est important de bien commencer, d’aller vîte, de marcher sourdement. Il faut que le sujet d’un poëme épique ou dramatique soit important. Combien de questions futiles qui auroient à peine agité les scholastiques dans l’ombre & la poussiere de leurs classes, si le gouvernement ne leur avoit donné de l’importance, par la part qu’il y a prise ! Qu’il ose les mépriser, & bientôt il n’en sera plus parlé. Qu’il en fasse un sujet de distinction, de préférence, de grace, & bientôt les haines s’accroîteront ; les peuples s’armeront, & une dispute de mots finira par des assassinats & des ruisseaux de sang. L’adjectif important a deux acceptions particulieres. On dit d’un homme qui peut beaucoup dans la place qu’il occupe, c’est un homme important ; on le dit aussi de celui qui ne peut rien ou peu de chose, & qui met tout en œuvre pour se faire attribuer un crédit qu’il n’a pas. Les nouveaux débarqués, ceux qui sollicitent des graces, des places, sont à tout moment ici la dupe des importans. La ville & la cour regorgent d’importans qui font payer bien cher leur nullité. Les importans sont dans les cours, ce que les prêtres du paganisme étoient dans leurs temples. On les croyoit en grande familiarité avec les dieux, parce qu’ils ne s’en éloignoient jamais. On leur portoit des offrandes qu’ils acceptoient, & ils s’engageoient à parler au ciel, à qui ils ne disoient rien, ou qui ne les entendoit pas. En un mot l’important est sans naissance, mais il voit des gens de qualité ; il est sans talens, mais il protege ceux qui en ont ; il est sans crédit, mais il se met en chemin pour rendre service ; il ne fait rien, mais il conseille ceux qui font mal. S’il a une petite place, il croit y faire de grandes choses ; enfin il voudroit faire croire à tout le monde & se